La vie au Royaume Imaginaire n'était pas toujours des plus aisées. En dehors du fait que nous devions chasser notre nourriture, que j'étais l'une des rares filles au milieu des enfants perdus, que les sirènes passaient leur temps à raconter n'importe quoi sur mon cas, et que Clochette me tapait sur les nerfs, il y avait les pirates. Ces malotrus. L'un d'eux avait d'ailleurs eu l'audace de s'approcher un peu trop du campement, et j'avais donc pris l'initiative de l'accueillir à la façon d'un enfant perdu, étant donné que c'est ce que je suis. Et j'insiste sur le "enfant", et pas "garçon", il serait bon de s'en rappeler. Soit. Je me cache dans les fougères, ma sarbacane à la main, et je vise le drôle d'oiseau. Une fléchette dans le postérieur ! Une ! Je me cache derrière un tronc, le plus discrètement du monde. Je n'en avais pas fini avec lui. Et que le prochain qui vient me dire que ma place est près du feu à leur faire du ragoût en prenne de la graine : ce pirate j'allais me le farcir seule, et lui faire passer l'envie de revenir nous importuner !

“Captain Duk, on a trouvé de la poussière de fée...! “ La poussière de fée, on en trouve au bout de cette route. Quelle belle connerie. Enfin, quand on me dit qu'avec cette poudre on s'envole, perso moi je ne dis pas non. J'suis accroc à ces choses qui me font littéralement planer, du coup j'ai pas peur d'abandonner le navire et l'équipage pour suivre un chemin.. Mais il faut avouer que la route est longue, trop longue, je me demande même si ce n'est pas une farce de la part de mes hommes. Peut-être n'aurais-je pas dut venir ici seul, mon sens de l'orientation est à désirer et ma boussole est cassée depuis des lustres. Manquerait plus que je tombe sur un foutu gamin sauvage et j'explose de rage. Je ne suis pas patient, je ne l'ai jamais été et ne le serait jamais.
Une vive douleur me prend sur la fesse gauche alors que je continuais mon bout de chemin vers je-ne-sais-où. Nerveusement, ma main attrape alors le projectile qui s'est planté dans la chaire. Sacrebleu! m'exclamais-je de ma voix rauque en remarquant la forme de la petite fléchette. Tirant mon épée, je tiens en joue le vent à défaut de pouvoir menacer en face à face mon agresseur. Montre toi, fripouille ! Yaaaar. Je suis très intimidant comme pirate.

Ce pirate était pour le moins ... particulier. Autant dire qu'il me faisait rire, même si je ne pouvais me me permettre de me faire remarquer. Trop tard je pense. Bon, de toute façon je n'avais pas l'air de risquer grand chose. Je sortis de ma cachette, le jugeant un sourcil haussé Par ici, grand dadet ! Aussitôt cela dit, je re-disparut dans la flore locale, m'assurant néanmoins de faire du bruit en me déplaçant afin de l'attirer loin du campement. Pourquoi était-il venu par ici ? Peter n'était pas là, probablement était-il en train de chercher misère à Crochet. Était-ce encore une farce de Clochette ? Avec elle tout était possible. À force de fuir entre les fougère, je débarquai sur la plage. Oups. J'avais atteint mon but, mais je me retrouvais à présent à découvert. Tant pis, j'allais régler le compte de ce pirate vite fait bien fait !

Grand dadet, drôle de façon de nommer un grand gaillard comme moi. Pirate plus viril il n'y a pas, et me dire "cadet" c'est assez agaçant. Je toise la gamine d'un oeil mauvais. Ces enfants sont des sauvages mal élevés il méritent mon pied au derrière, celle-ci tout particulièrement. Alors qu'elle se cache de nouveau dans les plantes, je décide de la suivre en grognant. Avec un peu de chance, cette petite idiote me mènera à la poudre de fée !
Arrachant les feuilles à grands coups d'épée, me voilà sur la plage. Petite empotée ! m'exclamais-je complètement furieux de voir l'endroit ou cette gamine m'avait amené. Baissant ma garde pour reprendre mon souffle, je tousse à m'en arracher les poumons. Un plan machiavélique me frappe et je souris dans ma moustache. Ecoute gamin, je te donnerais du rhum si tu me donne de la poussière de fée ! levant les bras en signe de paix, j'attends que l'enfant accepte le deal. Si elle refuse, je me jetterais sur cette petite garce pour lui arracher la langue. On embête pas Cap'tain Duk.

Pour qui m'avait-il pris cet idiot de pirate ? Bon d'accord, les garçons perdus n'étaient pas réellement réputés pour leur grande intelligence, mais hé, les pirates non plus. Et puis, j'étais une fille perdue, et c'était là toute la différence. Il avait fallut un moment avant que les garçons m'accepte comme l'une des leurs, déjà parce qu'ils voulaient que je sois leur maman. Moi, maman ? Sérieusement ? Non. Pas moyen. Du coup j'avais dû me confondre en coups tordus pour leur prouver que j'avais ma place. Néanmoins, depuis, tout le monde savait que j'étais l'une des seules qui réfléchissait. Cependant, quand le pirate me proposa du rhum en échange de la poussière de fée, je fus pour le moins surprise. Vraiment ? Je me demandais quel goût le rhum pouvait bien avoir ... Uniquement si tu me donnes le rhum avant. Comprends-moi, la poussière c'est précieux, j'ai pas envie de me faire entuber. Après tout, ce serait l'occasion d'essayer quelque chose de neuf. Gratuitement en plus de ça, car oui, la poussière de fée, je n'en avais pas. Et je ne savais pas où Peter la cachait, c'était un des seuls trucs qu'il tenait secret. Mais heureusement pour moi j'avais toujours un petit sachet de sable d'un blanc si éclatant qu'on s'y méprenait facilement.

Ah ! Ca semble marcher. Je vais pouvoir avoir cette foutue poussière pour planer. Ces choses me rendent quelque peu naïf sous l'excitation mais soit. D'accord ! M'empressais-je de dire afin de conclure le deal. Ainsi, même si elle est déçue, la gamine ne pourra pas me la faire a l'envers. N'y a t-il pas un code de l'honneur pour les enfants de ce Peter Pan ? D'ailleurs, même si je ne l'ai jamais rencontré ce type est plutôt fort : engendrer autant d'enfant depuis des années... Et les élever, c'est du boulot.

Je range mon épée, prenant soin de ne pas sourire. Sourire prouverait mes mauvaises intentions, car bien évidemment il y en a au moins une. La gourde de rhum est presque vide, il ne reste qu'à peine une gorgée ! Eh, que voulez vous ? Ca donne soif de marcher loin du port ! D'ailleurs, cette gourde je la tire au ralenti pour la mettre bien en évidence en l'air histoire que cette gamine réalise à quel point je suis un honnête pirate - ou pas. Montre moi la marchandise, tu veux? Le rhum aussi c'est précieux, sacrebleu. Effectivement. Le rhum c'est précieux pour oublier les soucis, les tic tac du crocodile et toutes ces choses désagréables au quotidien. Mais ce n'est qu'un moyen de faire languir les choses pour cacherle fait que cette gourde est quasiment vide alors qu'elle parait pleine visuellement parlant.

J'étais bien évidemment méfiante. Qui pouvait prévoir ce qui se passait dans la tête d'un pirate ? Pas moi en tout cas. Je me détendis légèrement quand il rangea son épée, c'était un premier pas pour éviter de finir transpercée de part en part. Il mit sa gourde en évidence, combien restait-il de rhum ? Elle n'était sûrement pas plein : on était loin de son navire, et il avait dû en consommer une partie. Mais qu'importe, je serais toujours gagnante ... Je sors la petite bourse remplie de sable et la dépose à plat sur ma main, suffisamment ouverte pour qu'il en voie le contenu, mais pas suffisamment pour qu'il comprenne entourloupe. Tu vois, avec ça je peux t'assurer que tu rendras Clochette jalouse. Ou bien elle rirait de bon coeur, mais ça, j'étais la seule à le savoir. Je refermai la bourse, comme si son contenu était précieux. La vérité était simplement que je ne voulais pas faire tomber le moindre grain de sable et ainsi me trahir. Je m'avançai légèrement, mais gardai suffisamment mes distances pour qu'il ne puisse pas attraper la pochette Donne-moi le rhum et la poussière de fée est à toi. Heureusement que les enfants perdus n'avaient pas de code d'honneur à respecter en y pensant, et que nous étions tout aussi voleurs que ces bandits de pirates. La seule différence était que nous étions des enfants, et donc les gentils de l'histoire. Peu importe nos actes. C'était vachement commode n'empêche ...

C'était beaucoup trop simple, comme si une satané gamine allait me fournir en "drogues". C'est probablement des conneries tout ça. Je ne sais pas reconnaître la poussière de fée, alors si la morpionne veut me blouser elle peut très facilement le faire.
Mes babines se retroussent. Je n'aime pas ce petit jeu et je suis toujours impatient. La marche m'a rendu un peu grognon sans compter cette foutue course poursuite. Sans quitter des yeux son sachet de "poudre de fée" je passe ma langue sur mes lèvres, me donnant à la fois un air pervers mais aussi cet air sadique de pirate avide de sang. Peut-être qu'elle va commencer à flipper et évitera par la suite de me prendre pour un idiot. Quelque chose chez cette fille ne me revenait pas. Attend... m'exclamais-je sur le même ton, évitant de trahir mon impatience. Comment tu peux me prouver que c'est vraiment de la poussière de fée ? sans un mot supplémentaire, je porte la gourde à mes lèvres pour la finir d'une traite tout en camouflant le fait qu'elle est désormais vide en soufflant dedans discrètement avant de la refermer, je relâche un soupir de satisfaction avant de m'essuyer la bouche du revers de la main. Tu vois ? Moi c'est du vrai rhum, provenance de chez les vrais pirates. Si la morpionne essaie de me blouser, je vais l'assommer avec cette foutue gourde.

Bon, peut-être l'avais-je sous-estimé. Il est vrai que dans ma tête, les pirates sont d'office des êtres stupide, avec zéro réflexion. J'ignorais s'ils l'étaient de nature ou si c'était l'alcool qui les avait rendu comme ça, toujours était-il que je n'avais jamais été cherché bien loin. Pourtant, il venait de mettre le point sur un détail intéressant : comment être sur que c'était vraiment de la poussière de fée ? Et bien je ne le pouvais simplement pas, étant donné que ça n'en était pas. Cependant, il ne fallait pas me croire idiote non plus. Un poing ancré sur la hanche, je haussai un sourcil, le regardant d'un air désinvolte Je ne peux pas. À moins de m'envoler, auquel cas je n'aurai pas mon rhum et toi, pas la poussière. Je désignai ensuite la gourde du menton, il y avait un détail qu'il semblait négliger lui aussi Qui me dit que tu viens pas de finir le rhum qu'il y a dans cette gourde hm ? Peut-être même n'y en a-t-il plus depuis un moment. Je haussai les épaules avant de ranger la sois-disant poudre de fée Tu me fais perdre mon temps. Si tu me fais pas confiance, j'me tire, salut. et je fis mine de partir, lui tournant le dos mais attentif au moindre mouvement dans mon dos. Je ne voulais pas prendre de risques inutiles non plus. Allait-il m'arrêter ? Je n'en savais rien, mais dans les deux cas je ne serais pas perdante. Aaah, pirate, tu n'aurais pas dû me prendre pour une gamine écervelée.