Je soupirais. La journée était à peine entamée -bon ok il était midi douze mais c'était pareil- que je voyais déjà la belle grosse journée pourrav' pointer le bout de son nez ? Comment je le savais ? En me levant le me suis gratté le nez de la main gauche. ça veut tout dire. Chez les Ham, lorsque l'on fait ça, c'est qu'il va se produire un truc chelou le jour-même. Bref. Dans l'attente de mon OVNI, ou plutôt ACNI -action chelou non identifiée- je me suis habillé en vitesse. Troquant mon débardeur et mon pantacourt contre un jogging et un sweat, borné à rester à la « maison » toute la journée, je me baladai avec un bol de céréales lion dans la main. Versant les croquettes dans les gamelles de Miaou et Coyotte, saluant ce dernier d'un baiser entre les yeux, je songeai sérieusement à rebaptiser cet appart S.P.A, au rythme où ça allait. Les cheveux ébouriffés volontairement pour donner un aspect craquant -toujours travailler son apparence dès le matin, sait-on jamais -, je sortis pour me rendre au rez-de-chaussée et ouvrir ma boîte aux lettre. « Euh.. vous voulez quelque chose ? » Je me raclai la gorge et pointai du bout de ma publicité en main une jeune femme. Capuche sur la tête, un air concentré dessinant ses traits et une attitude sérieuse.. Ah..  Je l'avais pas vu arriver. « Vous cherchez peut-être quelqu'un ? » 

Un pauvre papier. Un pauvre papier caché parmi mes papiers de naissance. Un pauvre papier qui remettait tout en cause. Ma famille, mes parents. Tout. C'était bien écrit sur cette fichue feuille. Tout. Son prénom. Sa date de naissance. Problème. D'où est-ce que cet enfant sortait ? Un frère ? Un cousin ? Je ne savais pas. Et c'est pourquoi j'en avais parlé à mes parents il y a deçà une semaine. En réponse je m'étais prise une gifle de ma mère. « Ça ne te regarde pas » qu'elle m'avait répondu. Oh si que ça me regardait. Si c'était dans mes papiers ça me regardait. Une conversion de trois bonnes heures s'en était suivit pour que j'apprenne toute la vérité. Si j'avais terminé en pleurs ? Bien sûr. On m'avait menti. Voilà maintenant vingt-et-un ans qu'on m'avait dit que des mensonges. Comment vouliez vous que je le prenne ?

Voilà maintenant une semaine que j'avais fais le plus de recherches possible. Sur lui. Sur ce fameux frère abandonné à la naissance. Comment avaient-ils pu faire ça ? Je n'en sais rien. Quoi qu'il en soit j'avais cherché tous les Ham Tao Jun de cette ville pouvant potentiellement avoir quatre ans de plus que moi. J'en avais trouvé deux. L'un à l'autre bout de la ville qui n'avait jamais répondu quand j'avais essayé de l'appeler et le second, j'étais actuellement en route pour aller le voir. J'appréhendais. Et si c'était pas lui. Si je me trompais totalement. Mes parents m'avaient demandé de ne pas le chercher. « Il appartient à une autre famille » que mon père m'avait lancé. Non. Non et non. S'il était leur enfant biologique il faisait parti de ma famille. Le même sang coulait dans nos veines et je voulais le rencontrer. Point barre.

Habillée d'un petit gilet à capuche j'attendais à présent dans le hall. J'avais eu le temps de lire tous les noms sur les boites aux lettres. Le facteur était sûrement passé. Plus qu'à attendre celui qui ouvrirait la boite aux lettres de ce cher Ham Tao Jun. Après une heure d'attente dans ce hall un garçon était descendu pour ouvrir sa boite aux lettres. Oh nom de dieu...C'était lui. Il ne tarda pas à me demander ce que je voulais. Je le regardai sérieusement. Détaillant chaque traits de son visage. « Je... » Je n'arrivai même pas à parler. Il avait les mêmes traits fins que ma mère. Et ça avant la chirurgie. «Je vous...cherchais... » dis-je peu sûre de moi. Vite faut trouver un truc. Pourquoi je serai venu le voir. «Je...En fait je suis mannequin...et....euh...Un jour je vous ai vu...Et... » je retirai ma capuche nerveusement pour me toucher les cheveux comme j'en avais l'habitude à chaque fois que j'étais stressée. «Mon agence m'a demandé de trouver des gens qui pourraient potentiellement aimer le mannequinat...et...quelqu'un m'a parlé de vous ! Mais il m'a dit de taire son nom » ajoutais-je avant de sourire, nerveusement. Je ne savais plus quoi lui dire. Il était beau. Il avait presque les mêmes traits que ma mère. Peut-être étais-je en train de rêver. Mais pour moi, il s'agissait bien de lui...Je pourrais toujours vérifier en en apprenant plus sur sa vie. « Ça vous dit que je vous emmène dans l'agence où je travaille ? » Et je fais quoi s'il déteste le mannequinat et qu'il en a strictement rien à foutre de ce que je lui propose ? Depuis quand on vient racoler les gens dans leur porche d'immeuble ?
 

Je portai ma main à ma nuque pour la gratter de mes ongles courts, embêté. J'étais habillé comme un sac, sérieux.. Bon, comme n'importe quel jeune, mais je portais même pas mon boxer Giorgio Armani ! ... Diantre.. Est-ce que je portais un boxer au moins ?! Ah ouais, ouf, gros moment de flip. J'avais pas envie que ma queue fasse Tarzan en public. Mais elle par contre.. Elle ressemblait un peu à ces fanes sasaeng qui stalkent leurs idoles préférés en leur envoyant par la poste un bocal de leur sang menstruel. Bon, j'exagérais largement, s'il faut elle ne venait que pour.. je ne sais quoi. Ah non, elle était quand même très louche. « Pardon ? » D'un geste de poignet, je retournai le magazine vers moi pour me désigner. « Moi ? » Ohohoh, j'allais recevoir un bocal de sang menstruel ?! Hm. Qu'est-ce que j'avais bien pu faire pour que l'on me cherche dans un tel accoutrement ? « Oh.. » Un sourire un peu idiot étira mes lèvres. Finalement, mon travail avait porté ses fruits ! Pour qu'une mannequine vienne me cueillir à domicile,  c'est ce que je devais avoir un putain de talent, non ? « C'est sans doute celui à qui j'ai déposé un exemplaire de mon book.. » pensais-je à voix haute avant de relever les yeux sur elle. Dans mon ravissement, je ne constatais pas vraiment son embarras. « Je peux faire quelque chose de particulier pour vous ? C'est à dire que le temps que je me change, ça m'embêterait de vous faire patienter dehors. » Wow. Depuis quand j'étais si agréable, et généreux ? Depuis que mon comportement pouvait me décrocher un emploi. Je reposai tout dans ma boîte aux lettres et la refermai, ça attendra. En attendant, je l'invitai à monter, passant le premier. « J'en ai pas pour longtemps, vous n'avez qu'à m'attendre au salon. » 

Mes yeux s'écarquillent un peu quand j'entends le jeune homme parler de book déposés dans une certaine agence. Alors comme ça il serait vraiment intéressé par le mannequinat ? Oh nom de dieu...Et s'il croit qu'il va vraiment décrocher un boulot alors que c'était juste une excuse pour le faire descendre de chez lui sans passer pour une folle. Plus jamais je refais ça. Plus jamais. Et voilà qu'il m'invite à entrer chez lui. Je soupire doucement mais je le suis tout de même. Il a l'air si content. Je ne sais pas quoi trop penser. Soit je fais croire à un inconnu qu'il a trouvé le boulot de ses rêves soit je suis littéralement en face de mon frère sans le savoir. Mon pseudo frère biologique qui aurait été abandonné avant ma naissance « On l'a donné à une bonne famille » Voilà l'excuse de ma mère. Comme si une famille pauvre n'aurait pas pu s'en occuper. Le fait est là. Mes parents que j'admirais jusque là on volontairement abandonné leur propre fils non désiré pour le donner à une autre famille. Mais qui sur Terre fait ça ? Comment peut-on abandonner son enfant ? Mais soit. Me voilà actuellement debout dans le salon de ce cher Tao Jun. « Au fait je m'appelle...Heemi. Jeong Heemi. Vous...enfin tu...as quel age si ce n'est pas trop indiscret ? En fait peut-être qu'avoir ta pièce d'identité serait plus simple. Comme ça j'aurai ta taille et tout le tralala...» dis-je en souriant même si je ne suis pas vraiment sûr que de là où il est il puisse m'entendre. Il faut avouer que je ne suis pas très discrète. Demander à un inconnu de me passer sa carte d'identité...Il va finir par croire que je suis une policière déguisée en civile.
 

Une fois dans mon appartement, qui soit-dit en passant occupe tout le troisième étage, j'adressai un sourire à l'inconnue en la laissant prendre ses aises au salon. J'aime mon appartement, il n'est, à mes yeux, ni trop grand, ni trop petit. Trois appart' ont les murs cassés de sorte à pouvoir n'en faire qu'un. Quant aux autres, j'ai préféré les garder distincts au cas où du monde viendrait, un peu comme chambre d'hôte en mieux. Enfin, mon appartement.. Il s'agit de celui des Ham en général, mais ils y viennent que pour de rares occasions, alors.. Enfin. « Jeong Hee Mi ? » Je fronçai les sourcils et pinçai mes lèvres. Putain, j'étais con, quand même, je l'avais même pas reconnue, pas faute de zieuter les magazines pourtant. « La mannequine ? » Un fin sourire horne mes lèvres et étire mes traits fins en un air joviale. Je touche mon rêve du bout des doigts, peut-être ais-je réellement une perspective professionnelle pas si inaccessible que ça ? « Oh ma carte.. Pourquoi ? » Peu de gens demandaient les cartes en général, même pour de telles raisons. Cela ne se faisait-il pas en agence, en général, pour ne pas être descrédité ou mis hors course dès le début ? Je ne savais pas vraiment.. « Hm, je reviens. » Je n'allais pas pour autant me montrer si prudent maintenant, alors que rien n'avait commencé. Rappelant à l'ordre d'un claquement de langue agacé le chien husky roux visiblement trop curieux, je m'enfuis dans ma chambre pour me changer convenablement et revins presque aussitôt, comme promis, portefeuille en main. En un nouveau sourire, je lui tendis ce dernier le temps de décrocher l'appel en cours. « Yoboseyo ? hm ? Ah.. Eomma.. Oui je mange bien, aish.. Non j'ai pas maigris. Non, tu m'embêtes là je viens de me lever, tsk. Oui, moi aussi.. » Je soupirais. C 'était quoi ce besoin d'entendre des Je t'aime à répétition, et d'appeler si tôt. « Oui j'ai pas oublié, je passe demain. Je raccroche. » Au moins, ça avait laissé le temps à la femme de fouiller un peu dans le pavé de cuir.

Le dénommé Tao Jun semble hésiter sur mon nom. Sûrement l'avait-il déjà vu quelque part? Il a l'air vraiment riche alors que monsieur puisse porter ou vouloir porter la version masculine d'un vêtement pour lequel j'aurai posé ne m'étonnerait pas : exemple Levi's. Finalement il revient,portefeuille en main. Je souris comme si je viens de toucher le million. Je me sens à la fois soulagée et anxieuse. Si ce n'est pas lui je m'enfuirai sûrement comme une voleuse en prétextant qu'on a besoin d'un homme plus jeune ou bien...plus grand ou plus musclé. Mais si c'est lui. Si jamais sur cette carte il y a les mêmes indications que sur l'acte de naissance trouvé auparavant qu'est ce que je pourrais faire...en plus il aime le mannequinat...mon dieu. Alors que j'ouvre le portefeuille dans lequel je trouve des cartes bancaires, et autres j'entends le téléphone sonner. Je relève un peu la tête et continue de chercher cette fichue carte. C'est sa mère. Je ne sais pas trop quoi en penser après tout si c'est vraiment lui, au moins je saurai qu'il a vecu dans une bonne famille et qu'il n'a manqué de rien...C'est le principal.
Je trouve enfin la carte et lit tout ce qui est écrit. C'est lui. Mon sang ne fait qu'un tour. Mon coeur quant à lui bat à tout rompre. « Tu as la bonne taille...et le bon âge déjà » dis-je la voix soudainement beaucoup moins claire. Je suis sur le point de pleurer mais je ne dois pas me laisser abattre. Je vivais très bien sans lui n'est ce pas ? Oui. Mais non. J'ai besoin d'en apprendre plus sur lui. Je me calme en toussant un peu, essuyant discrètement une larme qui s'est échappée sans mon autorisation et je relève ma tête en tendant la carte à son propriétaire, un sourire forcé et à la fois nerveux sur les lèvres. « On peut y aller. Je...vais t'emmener à l'agence mais...si tu veux passer quelque part avant pas de problème ». Je veux retarder ce moment. Il faut que je mette au moins quelques unes de mes collègues au courant. Et encore heureux que mes "supérieurs" m'aiment bien et me connaissent autant.

 

J'étais gêné qu'elle ai appelé maintenant, alors que je n'étais pas seul, mais qui étais-je pour le raccrocher au nez, ah ? Je soupirai, laissant mes doigts masser délicatement l'une de mes épaules avant de gratter ce même avant-bras de l'autre main, parcourant de mes ongles courts la trace longiligne blanche. Cicatrice. Serait-ce un des détails qui feront obstacle à une probable profession ? Bref, ça n'était guère professionnel pour un entretient d'embauche improvisé que de décrocher le téléphone pour si peu.
Je sentis bien, lorsqu'elle ouvrit la bouche, que quelque chose n'allait pas avec sa voix, qu'elle était brisée et qu'elle tremblait, mais je n'étais, là encore, pas en position de pouvoir dire quelque chose. Que pouvais-je dire, de toutes façons ? Je me raclai la gorge en baissant le regard par pudeur et humilité. « C'est déjà bon à savoir » murmurais-je alors que je reprenais en main mon portefeuille et ma carde d'identité du fait. J'ignorais les larmes au coin de ses yeux. Avait-elle eu un problème soudain, un ennui ? Je ne la connaissais absolument pas, et pour dire vrai, aussi égoïste soit-elle, ma seule envie était de visiter enfin les locaux dont elle me parlait. « Non, je n'ai rien de prévu aujourd'hui. Emmenez moi simplement, s'il vous plait. » Je me penchai légèrement en avant pour appuyer ma requête poliment. J'étais agacé de mon propre manège. Depuis quand étais-je si respectueux, si poli et aimable ? Certes j'étais pas un voyou face aux inconnus, mais tout de même, tout ce cirque me laissait un goût amer en bouche. Je replaçai correctement mon écharpe autour de ma peau pâle et ouvris la porte pour laisser passer la jeune mannequin. « Quand est-ce que cette nouvelle méthode a été mise au point, le recrutement en porte-à-porte ? » Non, j'étais définitivement pas idiot à ce point.. Je me raccrochais à l'idée qu'elle était là pour mon métier envisagé, réellement, mais tout me semblait irréel..

Un frère. La probabilité pour que ce genre de trucs arrive était très faible où ne se voyait que dans les films. Mais non. Moi. Jeong Heemi je venais de decouvrir l'existence d'une personne qui aurait du vivre à mes côtés depuis bien trop longtemps. Mais voilà. Le garçon avait été élevé et cheri dans une autre famille. Maintenant que je connaissais son existence je n'allais certainement pas le lacher. Et pour l'heure ce que je le jeune homme voulait c'était absolument visiter les locaux de l'agence. Certes en suppliant un peu ceux qui s'occupent de moi je pourrais donner au jeune homme la chance de faire un petit photoshoot, mais rien ne pourrait laisser présager une future carrière de mannequin. J'avais certes pas mal de contact et faire rentrer le grand frère serait simple mais pour l'heure, le grand frère ne savait même pas qu'il en était un et c'est là où régnait la problème. "Hum tu as des frères et sœurs sinon ?" lui demandais-je. Finalement j'avais opté pour lui parler informellement. Je devais me rapprocher de lui et c'était la seule solution.

Vingt bonnes minutes plus tard nous entrions enfin dans mon agence. J'étais fière de celle ci et en y repensant Tao Jun devait être la première où la deuxième personne que je faisais entrer ici. "Alors mmh...je vais te présenter un peu...aux gens puis je t'emmenerai là où on garde une grande partie des vêtements et là où on fait certains photoshoot" dis je rassurée. Heureusement pour moi j'avais réussi à envoyer un message à plusieurs amies et à un de mes supérieurs actuellement à l'agence  pour leur expliquer qu'ils devaient me sortir de la merde dans laquelle je m'étais mise en marchant dans mon jeu. C'est ainsi qu'en arrivant une de mes amies mannequin assez connue dans le pays nous salua et nous invita à aller visiter le quatrième étage sous prétexte que c'etait l'étage des mannequins garçons et qu'ils seraient ravis d'avoir Tao Jun dans l'équipe.

Une fois dans l'ascenseur je me mis en face du jeune homme et observai de nouveau ses traits. Définitivement c'était lui. Certes il ne me ressemblait pas mais il avait les mêmes expressions que mes parents. "Pas trop stressé? Si la visite te plaît on pourra être amené à se revoir mmh!? "