welcome to my life

Our knees are burning hot, but God is cold.

Elle ne m’écoute pas. Mais je ne peux pas lui en vouloir. Moi-même je ne trouve aucun réel intérêt à ce que je suis en train de raconter. Sa tête se pose contre mon épaule, et je pose une de mes mains dans ses cheveux, pour la bercer distraitement. Je fixe cette route que nous parcourons. Je la fixe et le poids sur ma poitrine se fait extrêmement lourd.

No rest in peace, the memories got my chest in pieces.

La dernière fois que je suis venue, j’ai fait quoi déjà ? J’ai fini par pleurer comme une gamine, parce que malgré que je me sois interdit d’aller sur la tombe de Soji, j’y suis allée. Et je me suis sentie impuissante. Comme toujours, comme à chaque fois. Parler de Soji m’est impossible. Il n’y a qu’avec Shuji que j’aie réussi, et encore ; je finis par me blâmer, tout simplement. Un jour, je cesserai de me dire que tout est de ma faute, mais, en attendant, je continuerai à me torturer en silence ?

Aller Perséphone, tente de penser à autre chose. Ça fait trois ans maintenant. Alors, la douleur devrait devenir un simple picotement. J’ai pourtant la sensation que c’est plus insupportable avec le temps.

Nous sommes en ville. On a passé Shibuya, on n’est plus très loin. Ma maison se trouve dans le quartier agricole de Nerima, pour la simple raison que c’est le seul quartier où il y avait l’espace suffisant pour reconstruire une telle demeure ? La voiture s’arrête devant le portail. Et par la fenêtre je peux voir les gardes déjà rangés dans le jardin typiquement japonais. Sur le « porche » je vois mon père, assis sur les genoux, le regard curieux malgré une expression de marbre.

Alors je réveille lentement Areum. « On y est Ari… »

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welcome to my life

Mes jambes tremblent. Mes genoux flanchent. Je ne sais même pas si je marche réellement droit. Je pense que je me repose sur Areum pour marcher. Les pierres sous nos pieds me paraissent en mousse. Les mains moites, je me tiens à mon amie. Et pourtant, je garde la tête haute. Une princesse garde toujours, en tout circonstance la tête haute.

Pénétrant dans le jardin, le pas lent, les gardes s’inclinent et s’agenouillent à notre passage, à mon passage. Le même rituel est mis en place à chaque fois que je rentre. La première fois ça m’a paru impressionnant. La première fois ce fut lorsque j'ai été sauvée de mon rapt. A cette époque là, je croyais encore n’être qu’un soldat, je croyais encore être détestée de mon père. Les choses ont bien changées depuis.

On approche du porche, on approche de mon père. Les gardes à ses côtés s’inclinent aussi avant de s’agenouiller devant moi, front contre le sol, lançant un « bienvenue Princesse » militaire. Je n’arrive pas à poser mon regard sur mon père ; je peux y voir les traits de Soji en lui.

« Je vous présente Areum, père. Une très bonne amie… » Pour ne pas dire la seule ? Je murmurais presque, n’aimant pas hausser la voix ici. Il te regarde et hoche très imperceptiblement la tête. « Excusez-la, elle ne connaît pas le protocole, elle ne savait même pas… » Qu’elle viendrait ici de toute manière. A mon tour cela dit de m’incliner devant mon géniteur. Et, au moment de poser mes genoux au sol, une main me retient. Se posant sur mon épaule, me tirant sur le porche. C’est la première fois que l’on me fait ça. Que mon père fait ça. Il s’est levé, et m’a pris dans ses bras. D’une voix que seule moi puis-je entendre, il me dit qu’il est content de me voir. Il est rare, il est rare pour ne pas dire inexistant le contact entre nous. J’ai envie de pleurer. Je ne sais pas comment interpréter tout ça.

Ses bras me relâchent, et les demoiselles posées dans la maison semblent attendries par ce qu’elles viennent de voir. Il te regarde, et même s’il ne sourit pas, il t’adresse la parole avec gentillesse. Je me racle la gorge et traduis. « Il nous dit d’entrer et nous changer, on doit se reposer un peu avant le diner, tu viens ? » Dans ma chambre, on sera plus tranquilles.

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Il m’a prise dans ses bras. La dernière fois qu’il a fait cela devait remonter à plus de deux ans ? Lorsque j’ai quitté le Japon… Mais, c’est bien la première fois qu’il m’empêche de m’incliner devant lui. Cela veut dire quoi ? Montant les marches, arrivant à l’étage, ignorant les servantes, je guise Areum jusque ma chambre. Rien n’a bougé ici, et le parfum de Sôji m’accueille. Mon cœur se serre. L’odeur est là, mais pas lui. Comme à chaque fois. Je retire tout ce que je juge en trop sur moi, posant les affaires à même le lit. Nos bagages ont déjà été posés dans la chambre.

Près de la fenêtre, dans le coin de la pièce, un petit autel. La photo de ma mère et celle de Sôji s’y tiennent debout. Mes pas se font lourds alors que je m’approche de cette preuve de mémoire. Mes genoux touchent le sol, et je tourne la tête vers mon amie. « Je suis contente de ne pas être seule… » Dis-je d’une voix cassée, étouffée par des pleurs que je ne laisserai pas couler. Je prends dans ma main des bâtonnets d’encens, et j’en tends à Areum. « Ça ne te gêne pas… de prier avec moi ? » Du bout des doigts, je lui montre les photos. Je ressemble énormément à ma mère, pour ne pas dire trait pour trait. Sôji lui, ressemble à mon père, mais, nous avons le même sourire, les mêmes grains de beauté sur le visage aussi. « Ma maman, et mon frère… » Non, tu ne pleureras pas. Tu vas prier pour eux, et tu vas enfin commencer à te dire que tu es en vie Perséphone et que ta photo n’est pas sur ce meuble avec les leurs. Prenant le pendentif que je porte au cou, j’actionne le zippo qui y est caché et brûle le bout des tiges d’encens. « Après ça, promis, je tente de sourire. » Je me tourne vers les photos, mains jointes, les amenant à mon front, la fumée semblant se dégager de mes doigts. Reposez en paix… Veillez sur moi…

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Prendre mon temps. Je pense que si je prenais sérieusement le temps, je ne me redresserai jamais. Je resterais devant ce petit autel, à prier jusqu’à ce que je perde les jambes. D’ailleurs, je fais glisser celles-ci sur le côté, m’asseyant en tailleur désormais plutôt qu’à genoux, et je fixe les photos de ma mère et mon frère. Je n’ai jamais connu ma mère. Elle est décédée en me donnant la vie. Je me suis toujours dit que j’étais fille de la mort. « tu me manques… » Je souffle tout bas, en japonais, regardant toujours les clichés. « vous me manquez… » posant mes doigts sur mes lèvres, je les pose ensuite sur le verre des cadres, me relevant.

Areum fait le tour de la pièce, et je prends une grande inspiration. Je vais mieux. Je suis mieux. Je vais finir par tout accepter… « Et si on allait… faire un tour en ville ? » J’approche d’elle, prenant sa main dans la mienne. « Mais avant… je te propose de prendre une… douche et… porter… oh, ça va faire cliché… » Je fronce le nez, et me dirige vers mon dressing. Je fais coulisser la porte, et lui fais signe de me suivre. « Quand je vivais ici… Je m’habillais rarement avec autre chose  que des kimonos… sauf quand je m’entrainais… » Les étagères contenaient majoritairement des kimonos, tous uniques, tous sur mesure, tous pour moi. Des yukatas aussi. Et les vêtements « normaux », étaient pour la plupart signés « Ashida Shuji ». Heartless Diva est relativement récent, mes vêtements eux, étant tous des cadeaux de mon meilleur ami, sont gardés précieusement. « Tu veux troquer ta tenue contre un yukata ? » Je lui adresse un petit sourire, elle jouera peut etre le jeu.

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Nous avons assez pleuré. Nous avons assez souffert. Je pense que maintenant, il est temps de montrer au reste du monde que nous avons grandi, que nous sortons grandies de tout ça. Elle comme moi allons nous ressaisir, il nous faut juste un peu de temps. Alors, cette option qui s’est offerte à nous, cette petite échappée au Japon, était la meilleure chose que nous pouvions choisir. Elle fait des efforts, et j’en fais aussi. Je suis contente d’être tombée sur Areum. Je ne le dirais jamais assez. Je suis contente qu’elle fasse partie de ma vie, et que je puisse faire partie de la sienne.

J’aime bien, l’expression qu’affiche Areum en voyant mes vêtements. Ça change. Ça change beaucoup de comment je m’habille à Suwon. En même temps, là bas je porte quasiment que ce que Shûji me dit de porter. Je ne m’y connais pas vraiment en mode contrairement à ce qu’on pourrait croire. « Bien sûr ! Et on ne sera pas les seules tu sais ? En plus, les yukatas sont vraiment légers et confortables, avec l’humidité qu’il y a dehors, c’est l’idéal ! » Je hoche la tête plusieurs fois et la laisse choisir. On fait quasiment la même taille, quoi qu’elle prenne, ça lui ira bien.

« Enfile celui qui te plait le plus ! » Quand à moi, j’en choisis un blanc et vert, des couleurs pastels brodées au fil d’or. C’est très discret, et puis… j’aime bien, que cela aille avec mon teint ou pas d’ailleurs. « Moi j’ai appris à me battre en les portant aussi… Il faut savoir se défendre en tout circonstance… » Dis-je d’un ton pensif, tirant une boite pour en tirer des décorations pour les cheveux. J’appellerai une des demoiselles de la maison pour nous aider à nous préparer.

« Qu’est-ce que vous avez tous à utiliser ce genre d’adjectifs avec moi ? » Je fronce le nez en rougissant quelque peu. « La salle de bains est juste là, tu es familiarisée avec la salle de bains japonaise ? » Oui, comme dans les mangas et les films, où la douche n’est pas sur un plateau ou une cabine. Je souris narquoise en la regardant. « Je rigole, j’ai une douche « normale » aussi là dedans » Je suis pas douée pour l’humour, je sais…

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