Samedi après-midi, 15h. C’est une bonne heure pour sortir de ton trou, autrement dit ton appartement, pour rejoindre la populace sud-coréenne dans les rues bondées de Suwon. Pour y faire quoi ? Bonne question. D’habitude, tu détestes sortir sans but de chez toi mais il faut avouer que rester cloîtré dans ta casbah alors qu’il fait plus de vingt degrés dehors, c’est se foutre de la poire du monde. Tu enfiles donc une tenue cool, coince ton portefeuille dans ta poche arrière et ta carte de métro dans l’autre puis pars à l’aventure. La première heure, tu flânes au centre commercial afin de voir s’ils ont rentré le nouveau cd d’un groupe que tu aimes bien et si le prix des cordes de guitare n’a pas augmenté au magasin de musique. La demi-heure suivante, tu achètes un peu d’herbe chez un tsebe que tu as rencontré dans le coin des fumeurs pour les soirs où tu veux te mettre bien dans ton appart. Et finalement, tu te retrouves à Jangan-gu. Tu ignores ce que tu viens faire là, toi le pauvre dans ce quartier de riche. Mais tu t’y plais bien même avec les poches vides. L’ambiance est détendue, tout le monde est bon chic, bon genre et ça t’amuse. Tu finis même par t’asseoir sur un banc pour observer les gens qui passent derrière tes lunettes de soleil. D’un point de vue extérieur, tu peux facilement passer pour un pervers ou un sans-abri plutôt clean mais tu t’en fiches. Tout ce qui t’importe, c’est ce flot de personnes qui défilent devant toi. Pressés, lents, bien fringués ou complètement à la ramasse, dans leurs mondes ou bavards, ils sont tous différents. C’est incessant mais jamais lassant… Ni une ni deux, tu dégaines ton téléphone portable et laisse tes doigts pianoter sur l’écran. Toute cette agitation sous tes yeux t’a donné envie d’écrire et tes mains te démangent, cherchent à retrouver ta guitare qui est tranquillement posée sur son socle à la maison. Tu détestes mettre le nez dehors mais il faut avouer qu’une fois que tu y es, tu t’étonnes de pas mal de choses. Toujours en retrait, cependant. Tes yeux se perdent à nouveau dans cette masse grouillante quand soudain, un visage familier apparaît devant toi. Tu plisses légèrement les yeux, aveuglés par le soleil qui illumine son visage et affiche soudainement une mine surprise. Qu’est-ce qu’elle fait là ? Tu l’ignores. En fait, tu ignores tout de cette fille : son prénom, son âge, ce qu’elle fait dans la vie… Mais surtout, pourquoi elle te suit comme ça ? Partout où tu vas, à n’importe quelle heure, n’importe quel endroit, elle est là. Pire que Narae dans ses moments d’espionnage, cette fille est partout. Sur le même trottoir que toi, dans ta rue, près de ton café préféré, à la table juste à côté de la tienne au restaurant, elle est PARTOUT. Et tu commences à en avoir un peu marre. Les filles qui t’apprécient et qui viennent te voir jouer sont toujours un peu collantes, mais jamais à ce point. Elle, c’est un tout autre level. Tu supposes qu’elle n’a rien d’autre à faire de sa vie et qu’elle aime bien te suivre à la trace, mais dans quel but ? Tu ne sais pas. Seulement ta patience (et Dieu seul sait à quel point elle est grande) a des limites et cette dernière a été atteinte depuis déjà bien longtemps. Il est temps de mettre les choses au clair et tant pis si ça lui fait mal, au pire ce n’est pas comme si tu en avais quelque chose à faire. Lâchant un long soupir d’exaspération, tu te lèves de ton banc et fonce droit devant toi, là où la jeune femme passe actuellement, avant de lui attraper fermement le poignet. « Toi, qu’est-ce que tu me veux ? »

Aujourd’hui, il semble bien qu’elle n’ait un emploi du temps pas trop charger, après avoir réussi à dégotter une horaire pour effectuer son travail de casino host jusqu’au début de cet après-midi, elle peut enfin se dire qu’elle est libérée. Elle n’a pas à courir un peu partout comme elle a habitude de le faire. Venant tout juste de sortir du millénium,  elle se dit alors qu’avec tous les riches qu’elles croisent, elle ne pourrait jamais faire partis de ce genre de luxe. Elle aura beau travailler, même si un beau jour elle gagne au loto, il lui faudra déjà remplacer tous les prêts qu’elle a fait pour acheter son matériel informatique. L’air comme ça, elle fait tellement pitié, chaque mois elle est à la limite d’être beaucoup plus qu’à découvert et ça elle n’en peut plus. M’enfin bref, c’est bel et bien pour cette raison qu’habituellement elle n’ose pas se promener à jangan-gu, rien que de voir des riches lui rappelle à quel point sa vie est dure. Examinant les alentours tout en détachant ses beaux cheveux qu’elle avait attachés pour son job, elle ajusta alors sa tenue et commença alors par sortir son kit lunettes de soleil + écouteurs, et elle se hâta alors de marcher dans une direction qu’elle ignore pour l’instant, pour éviter qu’un type louche ne l’aborde - car oui, les fous sont dans tous les quartiers de nos jours. Elle traverse donc par un parc qui lui mènera sans doute vers une station de métro qui pourrait lui conduire somewhere… Mais vraiment, elle n’a pas particulièrement de plans, et sachant pertinemment qu’il y’a la fraternité des jeopartouzes dans les parages, ne la rassure pas tellement. Elle essaie de ne calculer personne à l’aide ses écouteurs, réponds aux quelques sms qu’elle reçoit sur son vieux portable, et dieu seul sait à quel point elle a de la chance qu’il soit tout de même un smartphone et non un petit cellulaire qui date du siècle passé. Elle hésite alors à rentrer chez elle ou se promener quelque part en vue de ce temps magnifique, surtout qu’elle n’a pas vraiment sommeil en ce samedi. Et puis, dans son champ de vision, elle aperçoit un homme assez jeune, il semble agir de manières assez louches et ça, ça l’étonne venant de quelqu’un qui pourrait sûrement venir d’un quartier riche. Elle garde son attention sur lui quelque moment, de plus personne ne peut le savoir vu qu’elle porte des lunettes de soleil. Et puis son geste brusque qui ne semble juste qu’être un long soupir, lui fait sursauter. Et l’étudiante panique un peu plus quand il se lève du banc et semble froncer droit sur elle. Paniquée, elle essaie de marcher le plus vite possible en paraissant assez naturelle… Peut-être qu’il avait sans doute remarquer qu’elle l’avait fixer depuis une bonne minute. Lorsqu’il attraper son poignet, elle sursauta une nouvelle fois et fit finalement face au jeune homme, n’ayant plus le choix. « … P-pardon ? » elle retira ses lunettes et prit un air certainement surprise. « Je ne te veux rien….. Non mais c’est quoi cette question bizarre…. » continua-t-elle en murmurant légèrement la fin de sa phrase. Elle l’examina alors du regard, et d’après elle, il ne semble pas vraiment au stéréotype du mec louche, et pourtant pourquoi il a l’air autant énervé ? « Ah, et si tu pouvais arrêter de tenir mon poignet…. »

Sans une seconde de réflexion, Sans même te demander si tu passerais pour un fou, un agresseur ou quoi que ce soit, tu as foncé. Elle a bien remarqué que tu arrivais droit sur elle mais sa réaction est assez étonnante, pas de cris aigus ni de bras qui s’agitent en tous sens avant de détaler dans la seconde. C’est un signe de culpabilité ! tu penses directement, te mordant l’intérieur de la joue. Tant pis si ça se passe mal mais il faut que ça cesse, maintenant. D’ordinaire tu es quelqu’un de timide qui ne va pas facilement vers les gens mais cette fois, c’en est assez. Tu ne supporteras pas de la croiser à nouveau au coin d’une rue. Parce que si aujourd’hui il n’est question que de la voir sur le même trottoir, demain ce sera peut-être devant ton immeuble et après-demain, devant la porte de ton appartement. Bon, ce n’est pas comme si ça allait te gêner de l’inviter dans ton lit mais quand même, il y a des façons de faire. C’est vrai quoi, elle n’a qu’à clairement demander ! Et c’est là que tu te demandes si la vie de rockstar est réellement faite pour toi… Ta main entoure son poignet et tes sourcils se froncent autant d’incompréhension que d’énervement. Mais elle nie, assez surprise et apeurée en fixant tour à tour ta main et ton visage déformé par la colère. Elle te fait alors remarquer que tu la tiens encore fermement et tu la relâches, observant autour de toi pour t'apercevoir que pas mal de monde vous dévisagent. Tu racles ta gorge, mal à l'aise et fourre tes mains au plus profond de tes poches. « Hum, ouais. Désolé. Mais ça fait déjà plusieurs fois que je te vois, t'es toujours aux endroits où je me trouve et je commence à me poser des questions. T'es une fan, c'est ça ? C'est Narae qui t'envoie ? »

Voilà maintenant quelques minutes qu’elle a l’air de le dévisager comme si c’était un monstre et elle a bien raison. Elle le trouve ignoblement louche, et dieu sait pourquoi elle ne peut pas lâcher long cri avant de s’échapper à toute vitesse. Elle est à la fois effrayée et assez étonnée qu’un aussi bel homme peut rentrer dans le cliché de l’homme louche. Et pourtant d’après ses hypothèses elle en a peur. Pourtant, ses jambes restent immobiles, elle ne peut juste que faire quelques pas pour se reculer de cet inconnu et de continuer d’une façon assez bizarre. Et de plus, pourquoi dit-il des choses aussi insensées ?  Elle l’ignore, surtout que sa mémoire visuel ne se rappelle pas du tout de lui.  Et lorsqu’il se décida enfin à aligner des mots, il semble franchement se tromper sur toute la ligne. Comme le dit dans les quelques lignes précédentes, elle ignore qui il est, et c’est sérieusement le prénom de Narae qui l’interpelle en premier. « Attends tu connais Narae ? » elle détacha alors son poignet de l’inconnu. « Euh, mais de quoi tu parles ? Une fan ? T’es censé être connu ? Sérieusement, t’es bien trop bizarre pour que j’en sois une….. Déjà que les stars ça m’intéressent vraiment pas. Tu me vois partout ? Non mais c’est ridicule. » continua-t-elle en explosant de rire. « D’accord, j’ai beau traîné un peu partout ici, je ne savais pas que j’obsédais autant les inconnues…. A moins que je n’ai des Doppelgänger dans les parages….. »