Les jours qui avaient précédé celui-ci n'avait pas été des plus évidents. Je rentrais tout juste de mon dernier voyage en Afrique, celui où enfin, Shanna était devenue ma fille, celui qui m'avait permis de la ramener en Corée. Je n'en avais pas encore parlé autour de moi - ce qui aurait été compliqué étant donné que tout le monde était à Rio en ce moment - et j'avais difficilement accusé le coup du décalage horaire. J'ignorais si Shanna en souffrait autant que moi, mais ce qui était sûr c'est qu'un bébé de quatre mois n'était pas ce qu'il y avait de plus évident pour se reposer. Et pourtant, je ne regrettais rien. J'avais finalement réussi à l'endormir, sa petite main autour de mon doigt lorsque j'entendis frapper à la porte. Je pestai intérieurement, refusant dans un premier temps d'ouvrir. Je n'avais pas envie d'être importunée, j'avais juste envie de passer du temps à regarder ma princesse dormir. Pourtant, l'inconnu insista, et frappa à nouveau, ce qui me força à aller lui ouvrir. Si j'avais su que c'était Min Ho qui se trouvait derrière cette porte, jamais je ne me serais bougée. Et pourtant, c'était bien lui, là, sur le pas de la porte les cheveux et les vêtements trempés Je peux savoir ce que tu fais là ? je savais pertinemment bien ce qu'il faisait là, il me l'avait dit quand je l'avais revu au tartarus. Il voulait se faire pardonner, qu'il essaye seulement, ça aurait au moins le mérite d'être divertissant.

Par je ne sais par quel miracle, j’avais réussi à me procurer l’adresse de l’appartement de Soo Ah. Notre dernière rencontre m’avait laissé un gout amer. Et je ne voulais pas en rester sur notre dernière discussion, il fallait absolument que je lui parle que je lui fasse comprendre que j’avais changé, que j’étais désolé. C’était ainsi que je m’étais retrouvé aujourd’hui, mon papier à la main à faire toutes les apparts du quartier pour trouver le bon. C’était bien ma veine, voilà qu’il commençait à pleuvoir. Regardant le ciel, je le maudis. Je protégeais comme je pouvais mon morceau de papier, mais l’eau effaçait déjà l’encre. Merde. J’allais vite m’abriter sous une corniche qui débordait d’un toit. Je ne savais pas si cela servait encore à quelque chose. J’étais déjà trempé de haut en bas de toute manière. C’était là que le miracle se produisit. Le bon immeuble était là, devant moi. Ma journée n’était pas aussi pourrie finalement. Un sourire se dessinant sur les lèvres, j’entrais dans l’immeuble et allais jusqu’à l’appartement que l’on m’avait indiquait. Le moment de vérité : était-ce le bon endroit ? Ne trouvant pas la sonnette, je toquais une première fois. Personne ne venant ouvrir, je réessayais une deuxième fois. La porte s’ouvrit enfin sur ma sœur, qui pour ne pas changer de la dernière fois, n’avait pas l’air de très bonne humeur. Ça allait devenir une habitude ou quoi ? Tentant un sourire, je m’adressais à elle. « Bonjour, moi aussi je suis content de te voir ! Il me semblait te l’avoir dit : je n’en avais pas fini avec toi » Pour le coup, j’avais complètement oublié que j’étais trempé. « Je viens de passer plus de deux heures à essayer de trouver ton appart’ »

Je devais reconnaître que Min Ho me tombait toujours au mauvais moment, quand je n'étais franchement pas de bonne humeur. Comme réagirais-je si un jour il me tombait dessus alors que j'étais de bonne humeur ? Peut-être que j'irai lui dire de se faire foutre mais avec le sourire. Ce qui le changerait déjà énormément je pense. Je levai les yeux au ciel lorsqu'il me dit qu'il n'en avait pas fini avec moi, ne comprenait-il pas que moi ça faisait sept ans que j'en avais terminé ? Apparemment pas. Je ne pus m'empêcher de hausser un sourcil quand il dit avoir mis deux heures à trouver mon appartement Mon adresse est dans le bottin. Je me rendis alors compte qu'il était trempé. Effectivement, pas étonnant étant donné qu'il avait passé deux heures à traîner dehors. Cependant, je n'eus pas le temps de rajouter quoique ce soit qu'un pleur se fit entendre derrière moi. Je ne pus contenir un soupir avant de me diriger vers ma chambre - dans laquelle se trouvait le landau de Shanna, laissant la porte ouverte derrière moi. Ma foi, s'il voulait rentrer, qu'il le fasse. Je pris ma fille dans mes bras, tentant de la calmer, et revins vers la porte avant de passer par la salle-de-bain où j'avais pris un essuie que je jetai à Min Ho Ne salis pas la pièce.

« Si ton adresse était dans le bottin, je pense que j’aurais eu plus facile à te trouver … » Ne sachant pas trop si elle m’invitait ou non à entrer je restais juste là attendant qu’elle me dise quoi faire. Puis, tout un coup un pleur se fit entendre. On aurait dit celui d’un bébé. Mais qu’est-ce qu’un bébé pouvait-il bien faire ici ? Je regardais Soo Ah soupirer et se diriger dans une autre pièce de l’appartement. Que devais-je faire ? La suivre ? Rester là ? Je décidais d’entrer et de fermer la porte d’entrée, restant sur le paillasson intérieur, attendant patiemment que ma sœur revienne. Je ne dû pas attendre bien longtemps, la voilà qui revenait, un bébé dans les bras et un essuie en main. Je fus plus que surpris de voir Soo avec un enfant. Je m’attendais à tout sauf à cela. J’attrapais l’essuie qu’elle me lança et entrepris de sécher mes cheveux. Je souris à sa réflexion, mais enleva mes chaussures avant de la suivre. « Toujours aussi maniaque à ce que je vois. » Je regardais autour de moi. Tout était bien rangé, je vis quelques photos. Je les regardais vite fait, mais n’en vit aucune de moi. Ne lui avais-je pas manqué ? Même pas un petit peu ? Reportant mon attention sur la jeune femme de l’observais avec le bébé. Sur un ton léger je dis : « Tu joues les baby-sitteurs, maintenant ? » M’approchant, je l’a regardais par-dessus les épaules de Soo Ah. Je ne pus m’empêcher de sourire en la voyant. « Elle est mignonne cette petite. De qui elle est ? »

Je n'entendis même pas sa réponse. De toute façon, que pouvait-il me dire de plus important que les pleurs de ma fille ? Rien. Il pourrait m'annoncer que les parents rentraient et qu'ils voulaient me voir que ça restait insignifiant à mes yeux là tout de suite. Ma fille contre moi, elle cessa bien vite de pleurer, ses petits doigts se refermant autant de mon haut, sa tête sur ma poitrine, j'avais même l'impression qu'elle était en train de se rendormir. Lorsque nous étions en Afrique, je pense que c'est ce qui avait fait que je m'étais autant attachée à elle : elle pleurait tout le temps, sauf quand je la prenais contre moi. Était-ce parce que j'étais celle qui lui avait sauvé la vie ? Parce que j'étais la première personne à l'avoir serrée dans mes bras comme une personne précieuse ? Les bénévoles qui avaient dû s'occuper d'elle pendant que j'étais rentrée en Corée pour régler des formalités administratives m'avaient expliqué qu'elles avaient eu beaucoup de mal avec elle pendant mon absence, que le seul moyen qu'elles avaient de la calmer c'était de lui répéter encore et toujours que j'allais revenir, que sa maman allait bientôt l'emmener en Corée et qu'elle y serait heureuse. J'y ai cru. Et j'y crois toujours. Sans doute parce que c'est agréable de me sentir importante pour quelqu'un. Plus qu'avant même. Je vis qu'il jeta un coup d'oeil sur les photos, comment se sentait-il de ne pas y figurer ? Il n'y en avait que pour les jéopardize, notamment Shûji, Tao, Areum et Perséphone, et plus récemment j'avais accroché une photo de Shanna dans ma chambre. Merci pour elle, et non je ne joue pas les babysitter je poussai un léger soupir avant de changer Shanna de bras, posant un regard attendri sur cette dernière. Je n'avais pas envie de la présenter à Min Ho, absolument pas. C'était un peu comme lui laisser de la place dans ma nouvelle vie. Lui donner une arme pour me tirer dessus le jour où je lui reprendrai le magasine. C'est ma fille.

Tous ces gens sur les photos, je ne les connaissais pas. Je reconnu tout de même Shuji, un ancien ami. Il n’avait guère changé et était resté porche de Soo Ah apparemment. Il y avait Areum aussi. Je ne connaissais la jeune femme que depuis peu, l’ayant rencontré à une soirée. Elle connaissait donc ma sœur aussi ? Je me sentais un peu frustré de ne plus avoir aucune place dans la vie de ma sœur. Ces photos montraient qu’elle m’avait barré de sa vie, qu’elle avait fait une croix définitive sur moi. Ce qui expliquerait le fait qu’elle soit toujours de mauvaise humeur quand je suis dans le parage, ou alors son caractère a changé aussi ? Je m’en rendais bien compte qu’elle n’en avait plus rien à faire de moi, et pourtant, j’y croyais toujours. Je me disais que si j’insistais un peu, elle sederait et me pardonnerait. J’étais prêt à tout pour qu’elle le fasse, prêt à faire n’importe quoi, tout ce qu’elle demanderait. Quand elle m’annonçait que la bébé était le sien et non celui de quelqu’un d’autre, je tombais des nues. Elle était devenue maman. C’était à ce moment-là que je me suis dit que j’avais du loupé beaucoup d’épisode dans sa vie. Ce qui ne fit qu’amplifier ma culpabilité envers elle. Me penchant doucement vers l’enfant, je lui demandais « Comment s’appelle-t’elle ? » De nouveau, je me retournais vers les photos. « Le père est Shuji ou … l’autre homme sur les photos ? » Je me rendis compte que ma question était absurde… La petite avait la peau de couleur, alors que ces deux hommes non. « Oublie ce que je viens de demander.. » dis-je en riant de ma connerie. Lui souriant j’ajoutais : « Dans tous les cas : Félicitation frangine ! »

Au fond, je me rendais bien compte que les intentions de Min Ho à mon égard était parfaitement honnêtes. Il voulait se réconcilier, et c'était une chose normale entre un frère et une sœur. Seulement, toutes ces épreuves que j'avais dû traverser m'avaient appris une chose : à ne pas m'attacher. L'attachement était une arme qui pouvait à tout moment se retourner contre vous. Min Ho m'avait déjà trahie une fois, et je ne voulais pas prendre le risque d'être blessée à nouveau. J'ignorais si quelqu'un parviendrait un jour à percer cette carapace que je m'étais forgée au fil du temps, mais Min Ho était très mal embarqué à ce sujet. Comment elle s'appelait ? Tu n'as pas à le savoir. crachai-je sans l'ombre d'un remord. Je me savais dure avec lui, mais je ne voulais pas qu'il en soit différemment. Je ne pus retenir un soupire à ses réflexions suivantes. Mon frère n'était pas con, mais il ne réfléchissait pas, il n'avait jamais réfléchi. C'était sans doute ce qui m'avait conduit à le détester aujourd'hui. Mes épaules finirent par s'affaisser alors que je pris enfin le temps de lui répondre sur un ton amer Son père, et sa mère aussi, l'ont laissée dans une poubelle, sans lui laisser la moindre chance de survie, je l'ai trouvée par hasard et l'ai adoptée. Je posai mon regard sur mon frère, haussant un sourcil avant de poursuivre Elle a été abandonnée, tout comme sa nouvelle mère. Le reproche était clairement énoncé, et m'avait presque brûlé la gorge. Avait-il espéré que je pardonne aussi facilement, réellement ?

Soit elle était encore d’une humeur exécrable, soit elle m’en voulait plus ce que je ne l’aurais pensé. Dans tous les cas, elle n’était pas obligée de me parler comme elle le faisait. Je faillis perdre patience et lui cracher des mots aussi à la figure comme je l’aurais fait si quelqu’un d’autre agirait comme elle le faisait. Mais je préférais prendre l’option du calme. Je perdais rarement mon calme, ce n’était pas maintenant que ca allait commencer n’est-ce pas ? Je haussais les épaules et me détourner du bébé. « C’était par curiosité, pas besoin d’être si désagréable. » Mon charabia qui suivit était des plus ridicules, mais j’avais encore parlé sans trop réfléchir. C’était tout moi ca. Ce que Soo Ah me dit ensuite me fit mal. Elle exagérait un peu ces propos, je ne l’avais pas jamais abandonné dans une poubelle. Je ne l’avais jamais abandonné tout court de mon point de vue. Certes, je avais nié le fait qu’elle était ma sœur devant les autres, mais j’avais toujours veillé de loin sur elle, même de loin. Je savais que vu comme c’était parti, elle ne voudrait rien entendre de ce que j’avais à lui dire ou interpréterais tout ce que je pourrais lui dire de travers. Pourtant, j’essayais quand même. « Cette gamine a déjà vécu des vertes et de pas mures pour son jeune âge. C’est bien qu’elle t’ait trouvé, elle pourra au moins vivre une vie décente et remplie d’amour. Enfin, j’espère… » Poussant un soupir, je me lançais. « Ecoutes Soo, je me rends bien compte que ma présence ici te fout en rogne. Mais il faut que tu saches que je suis revenu pour toi… » je fis une pause avant de reprendre, passant une main nerveusement dans mes cheveux. Je savais qu’une deuxième opportunité comme celle-ci ne se reproduirait plus de sitôt. Il fallait que je la saisisse. « Je suis désolé. Je suis désolé pour tout Soo, pour ce qui s’est passé et pour ce qui pourrait arriver. Je suis vraiment désolé, sincèrement. Je sais pertinemment bien que de simples excuses ne suffiront pas à effacer ou réparer tout ce que je t’ai fait, mais c’est un début, non ? » Un faible sourire étira mes lèvres. Je devais avoir l’air pathétique, mais tant pis, j’étais prêt à tout pour qu’elle me pardonne et refasse partie de ma vie.

Sans doute n'importe qui m'aurait trouvé trop dure avec lui. N'importe qui, sauf Tao peut-être, qui avait littéralement dû me ramasser à la petite cuillère. Il avait vu à quel point j'avais été blessée, brisée, par mon frère et par les autres. Étais-je trop dure ? Parfois, moi-même je me posais la question. Toutefois, son visage, sa voix, tout chez lui me rappelait ces années durant laquelle j'avais porté une couronne d'épines. Je ne voulais pas m'en souvenir. C'était cela aussi qui jouait, je voulais oublier cette Soo Ah faible et humiliée, j'étais forte à présent. J'avais changé. En bien, en mal ? Je préférais l'ignorer. C'est ce qu'on fait quand on ne veut pas connaître la réponse. Shanna. Elle s'appelle Shanna. Je poussai un soupir avec de m'asseoir sur une chaise, la petite dans mes bras. Elle s'était endormie, ignorant les tensions qu'il y avait entre mon frère et moi. Je ne pus que me radoucir en entendant Min Ho dire qu'elle avait de la chance de m'avoir trouvée. Ce n'était pas exactement vrai : elle avait de la chance que quelqu'un l'ait sortie de ces poubelles, mais je n'étais pas sûre qu'elle soit chanceuse de m'avoir pour mère. À vingt-et-un ans, comment pouvais-je prétendre être une mère pour cette enfant ? J'aurais aimé répondre à Min, mais trop tard, il avait déjà embrayé sur autre chose. Je fermai les yeux et expirai tout le long de sa tirade. Il me faisait du mal, il remuait le couteau dans la plaie, ma gorge se nouait. Et pourtant, je savais qu'il voulait bien faire, je le savais pertinemment bien. Je finis par rouvrir les yeux et poser mon regard embué sur mon frère, pourquoi s'entêtait-il ? Min Ho ... te rends-tu seulement compte de ce que t'es en train de faire ? En revenant, est-ce que t'as pensé à moi ? T'as pensé à la raison qui me poussait à ignorer chacun des mails que tu m'as envoyé ? je levai les yeux au ciel, comme pour empêcher une larme de rouler sur ma joue. Raté. Pour toi tout est toujours aussi simple n'est-ce pas ? tu ne sais pas quand ton propre sang te renie ? Merde Min Ho. J'ai mis des années à construire la personne que je suis devenue, pourquoi tu me fais ça maintenant ? Est-ce que tu peux pas juste admettre le fait que je suis heureuse ? Que j'ai une famille que je me suis construite, des gens que j'aime autour de moi, et qui me le rendent bien ? Est-ce que tu peux prendre en considération que ton visage me rappelle tout ce que j'ai enduré pendant quinze années ? Je passai une main sur ma joue pour essayer les larmes qui y avaient coulé avant de reprendre Si tu veux que je te pardonnes alors s'il te plait, je t'en conjures, ne cherche pas à faire partie de ma vie. À ce stade, c'est la meilleure chose que tu peux faire pour moi. Comment pouvais-je être aussi cruelle avec lui ? Aussi égoïste ? C'était sans doute ce qu'on serait en droit de se demander. Et pourtant, je ne pouvais pas lui mentir, je n'y étais jamais parvenue, alors autant qu'il sache ce que je ressentais à son égard.

Shanna ? « C’est un très joli prénom. » Elle avait pris la peine de me le dire. Je ne savais pas ce qui l’avait fait changer d’avis, mais elle l’avait fait. Cela me fit plaisir. Je me dis que finalement, je comptais encore un peu pour elle si elle me faisait par du prénom de sa fille. Enfin, c’était ce que je croyais jusqu’au moment où elle me regardait avec un regard empli de larmes. Qu’avais-je fais pour la mettre dans cette état ? Je ne lui avais pourtant rien dis de mal, je ne l’avais pas touché… rien. Était-ce juste le fait de ma présence qui la rendait triste ? Ce qu’elle me dit ensuite me tua. Je sentis les larmes me monter aux yeux à mon tour. Je réussis à les ravaler une première fois sans rien laissé paraitre. Il fut un temps où ma chère sœur était la seule devant qui j’acceptais de craquer. Aujourd’hui, je donnerais tout pour qu’elle ne me voie pas pleurer. Elle me demandait si j’avais pensé à elle ? Si je me rendais compte de ce que je faisais ? Tout est toujours aussi simple pour moi ? Que je ne comprenais pas quand elle me reniait ? S’en était de trop. Une larme ressurgit et je ne pus l’éviter. Par reflexe, je me détournais de ma sœur, lui tournant le dos pour qu’elle ne voit pas pleurer. « Merde alors. Je pensais que tu me connaissais un peu mieux que cela… » Je serrais les poings en écoutant le reste de ce qu’elle avait à me dire. Une autre larme coula le long de la joue. Je levais les yeux au plafond, espérant ravaler les autres qui arrivaient. Ne pas admettre qu’elle était heureuse. Au contraire, j’étais content pour elle qu’elle soit heureuse en étant loin de sa famille, qu’elle ait pu s’en sortir sans moi, mais me dire que mon visage lui rappelait tous ses malheurs, ca, ca me faisait mal. N’avait-elle vraiment aucun bon souvenir de moi ? La voix légèrement tremblotante je continuais.  « Finalement, je m’étais inquiété pour rien n’est-ce pas ? Jamais, je n’aurais du revenir en Corée pour te retrouver. Jamais je n’aurais dû passer tant d’années à m’inquiéter, ni à culpabiliser pour quelqu’un qui m’avait déjà raillé de sa vie depuis longtemps… Tu as peut-être raison. Je n’ai pas tenu compte de ce que tu devais ressentir, ou pas assez. Je voulais juste retrouver ma petite sœur, mais cela devait être trop égoïste de ma part, après ce que je t’ai fait… » J’avais tout déballé d’une traite de peur que des sanglots ne m’empêchent de parler. « Peut-être avais-je tord… Mais toi, t’es-tu seulement demandé ce que moi j’avais pu ressentir ? En sept ans ... il n'y a pas que toi qui a changé.» Ces derniers mots résonnaient encore en moi.  Si tu veux que je te pardonnes alors s'il te plait, je t'en conjures, ne cherche pas à faire partie de ma vie. À ce stade, c'est la meilleure chose que tu peux faire pour moi. Ces seules paroles ont eu raison de moi. Si elles avaient été un éclair, elles m’auraient terrassée d’un seul coup. « Désolé d’être le visage qui te rappelle tous tes malheurs, Soo Ah … » J’avais dit ça dans un souffle, presque inaudible. J’entamais déjà ma marche pour accéder à la porte d’entrée que j’ajoutais. « Une dernière chose… tu demandais des nouvelles des parents la dernière fois. Ils ont appelés. Ils disent qu’ils vont bientôt rentrer en Corée et qu’ils aimeraient nous voir… tous les deux… si tu le désires, j’inventerais une excuse comme quoi je ne sais pas venir, pour pas que tu ais à me voir ce jour-là… » Lui tournant toujours le dos, je remis mes chaussures. Je m’apprêtais à partir. « Je ne vais pas te de déranger plus longtemps… » Ma main s’attarda plus longtemps qu’elle n’aurait du sur la poignée de la porte d’entrée. Je suppose que j’espérais encore qu’elle me dise ne pas partir, que tout ca n’était qu’un mauvais rêve, qu’elle était toujours ma petite sœur chérie. Je fermais les yeux quelques instants. Je savais pertinemment bien  que ce n’était pas un cauchemar.

La vérité était que mes propres mots me détruisaient. Je l'aimais. C'était mon frère après tout, le premier homme de ma vie, celui qui avait été là pour moi dans mes premières années. Pourtant, c'était ce même amour qui m'avait poussé à le détester de tout mon cœur. Je n'avais pas menti, je ne voulais plus le voir, mais Dieu sait que j'aurais aimé en être capable. Je venais de le blesser, je le voyais, et ça me brisait le cœur de le voir ainsi. Y avait-il encore une chance pour nous dans ce monde ? Non, c'était trop tard. J'aurais tout donné pour que ce soit suffisant, pour sauver l'amour fraternel qui nous liait, mais aujourd'hui il fallait faire face à la réalité : tout n'était pas suffisant. J'accusais le coup, les larmes ruisselant sur mon visage. Oui j'avais été égoïste, je l'avouais, mais je n'étais surtout pas assez forte. Toutes ces années durant lesquelles je n'avais eu de cesse de me construire une image pour oublier la peine et la douleur que ma famille m'avait infligée, je ne pouvais pas les mettre en péril, pas maintenant que j'avais enfin une perspective d'avenir. Je ne pouvais juste pas tirer un trait là-dessus, cette idée à elle-seule me tétanisait. Mais la peur n'empêche pas les regrets Je suis désolée Min Ho ... j'avais soufflé si bas qu'il s'agissait plus d'une réflexion personnelle, mais elle n'en était pas moins réelle. Pourtant pour nous deux il valait mieux qu'il en soit ainsi. Pourrais-je vivre en revoyant de visage synonyme de mauvais souvenirs ? Pourrais-tu supporter mon regard sans cesse ampli de reproches à son égard ? Ne valait-il mieux pas, au fond, que nous vivions chacun notre vie, sans essayer de nous retrouver ? Toi mon frère que j'ai aimé, peux-tu me pardonner d'être si faible ? Merci de me prévenir ... j'essayerai de m'arranger avec eux ne t'en fais pas pour moi. Je ne méritais pas qu'il s'inquiète pour moi, car après tout j'étais celle qui ne voulait plus le voir. Finalement, lorsque sa main s'attarda sur la poignée de la porte, un sursaut me prit Min Ho, attends je ... Je quoi ? Étais-je réellement capable de lui dire ce qu'il me restait sur le cœur ? Je t'aime Min Ho, je t'aimerai toujours même de loin... Crois-moi, j'aurais aimé que les choses se passent différemment mais je n'en suis pas capable, je n'arrive pas à oublier, à pardonner, même pas à toi. Je suis sans doute la pire soeur qui soit ... mais sache que je suis désolée malgré tout, et j'espère sincèrement que tu seras heureux à l'avenir. C'était la seule chose que j'étais par ailleurs en droit d'espérer à ce stade.

Alors que j’allais ouvrir la porte pour partir, Soo Ah se remit à parler. Attends ? Attendre quoi ?
Je n’attendais plus rien. Tout était fichu de toute manière. A moins qu’un miracle se produise. Était-ce le cas ? Je n’osais pas me retourner pour regarder ma sœur en face. J’avais peur de ce qui allait suivre, de ce qu’elle allait pouvoir dire. Quand les premiers franchirent ses lèvres, mon cœur se serra. Alors, elle m’aimait encore ? Ne serait-ce qu’un petit peu ? Ce qui suivit, me laissait un petit gout amer, mais peu importe. J’attendis qu’elle termine de parler avant de lâcher doucement la poignée de la porte et de me retourner. J’avançais à pas lent vers Soo Ah, m’arrêtant devant elle. J’hésitais un instant, la regardant. Puis, à la manière qu’un grand frère le ferait, j’essuyais une de ses larmes qui coulait le long de sa joue avec mon pouce. Puis, d’un geste maladroit, je l’ai pris brièvement dans mes bras. Dans un souffle, d’une voix peu assurée, je lui dis ces mots : « Je t’aime aussi Soo Ah… Tu n’es pas la pire sœur qu’il soit… tu seras toujours ma petite sœur à moi… ». Je déposais vite fait un baiser au-dessus de son crane avant de repartir vers la porte sans me retourner. Cela ne servirait à rien de toute manière. Autant garder cette instant comme il était, le premier sans rancune depuis que j’étais revenu et sans doute le dernier.