Depuis quelques jours, je ne me sens pas bien. Je ne suis pas malade. Paraît que j'ai une santé forte. Enfin bref, ça n'a rien à voir. J'ai mal au ventre, comme lorsque l'on a peur, comme quand on anticipe trop certaines actions. Et il est vrai que j'anticipe. Ethan s'éloigne. Il a beau toujours être présent quand je l'appelle, je le sens partir. J'ai beau l'air de n'avoir rien dans le cerveau, il n'en est rien. Je sais réfléchir et raisonner. Et quoique là, il n'est question en rien d'intellect mais d'intuition. Je le sens, bientôt mon coeur va lâcher. Il m'a envoyé un message avant. L'heure du dîner est déjà passée, je me suis changée. J'ai pas envie de passer pour une misérable fille qui a peur que son mec la trompe ou la quitte et qui se morfond en pyjama devant la télé avec une crème glacée dans la bouche. Ouais non, j'ai une fierté à entretenir, il ne me verra pas aussi pathétique. Donc débardeur, jean, normal quoi ni belle ni laide, je viens lui ouvrir la porte alors que je l'entends sonner. Il est là, en face de moi, et je ne sais pas quoi faire. Je l'aime mais j'ai peur. Alors non, je ne l'embrasse pas. Je prends son poignet et le fait s'asseoir sur le canapé. Pas besoin de l'emmener dans ma chambre, Ki Suk est entrain de faire la fête je ne sais où, il ne rentrera pas avant la matinée. Encore, encore je ne sais pas quoi faire. Un petit sourire forcé, pitié me lâche pas, et je m'en vais dans la cuisine pour lui ramener une bière. Je m'assois à l'autre bout du canapé et souffle un coup. « Ton message était bref. Il se passe quoi?»

Say something I’m giving up on you..

J’aurais aimé y arriver. J’étais sincèrement empli de bonnes intentions. Je ne suis pas fier de ce que je vais faire. Mais je sais que c’est la meilleure chose à faire aussi. Je sais que dans le fond elle comprendra. Tout ce que j’espère, c’est qu’elle me pardonnera. Qu’elle ne m’en voudra pas. Moi je la souhaite heureuse, alors j’espère qu’elle souhaitera la même chose pour moi. « Je dois te parler Sera. » Lui ai-je simplement envoyé dans l’après midi. J’enfile mes vêtements, et regarde autour de moi. Je peux encore sentir la présence de Jinsil ici, mais je peux tout aussi sentir celle de Sera. J’aurais aimé que ça se passe autrement, mais, mais on ne choisit pas d’aimer. On ne choisit pas la personne que l’on aimera. Et même si j’avais pu, je pense que j’aurais quand même choisi Jinsil… Un sourire triste se dessine sur mes lèvres. Beaucoup de choses vont changer, et pourtant, j’ai l’impression que c’est l’ordre des choses qui va revenir. J’attrape mes clés, mon portable et mon bonnet, et je sors de chez moi. Je repense à tout ce que j’ai vécu avec Sera, aux efforts que j’ai faits pour elle, et j’en suis tout de même fier. Je n’ai pas été un connard aussi pourri que je ne le pensais. Avant de m’en rendre compte, je suis déjà entrain de sonner chez ma petite amie. Enfin, pour le moment elle l’est encore… Je souffle un « Salut… » avant de me laisser entrainer jusqu’au canapé. Je prends avec plaisir la bière, ça occupera mes mains. Je la regarde. Je la trouve toujours aussi belle. Elle mérite mieux que moi. Je me suis entraîné chez moi, j’ai cherché les bons mots, j’ai corrigé mes phrases pour qu’elle comprenne, et surtout, pour que je ne dise rien de travers. J’avale une gorgée de la bière. Tu fais ce qu’il y a à faire Ethan. « Je… Je ne te l’ai jamais dit mais… Avant toi… J’étais amoureux. » Je baisse les yeux un instant. « Je ne veux pas que tu penses que tu as fait quelque chose de mal Sera, ce n’est pas ça du tout… » Cette phrase, était la plus difficile à prononcer.

Je ne sais même pas si je veux le regarder et ancrer nos derniers moments dans ma mémoire ou bien laisser mes yeux l'observer. Tout est douloureux, j'ai trop peur de ce qu'il va m'annoncer. Je suis perdue et j'ai rien pour m'accrocher et éviter de me laisser couler. Je soupire et passe simplement mon regard sur ses mains, ses mains qui avaient fait tellement sur moi, pour moi et maintenant elles me semblent si lointaines, pire, si distantes. Le verdict tombe, mais pas clairement. C'est une baffe trop lente que je me prends en pleine face, je ne veux pas qu'il tourne autour de pot. Alors comme ça Ethan était amoureux? Et de moi, finalement, qu'en était-il? Certains ont raison, je suis une cruche. Je joue avec les pans de mon haut, pour éviter qu'il voit mes mains tremblantes. Mais s'en préoccupe-t-il? Putain, voilà pourquoi je suis rarement sortie avec un mec, pourquoi je ne me suis jamais vraiment attachée, parce que se faire larguer est bien trop douloureux sinon. J'ai trop mal, mais j'ai pas envie de passer pour une faible, une misérable, ce qu'intérieurement je suis. « Où tu veux en venir, clairement?» lâché-je sèchement sans réellement le vouloir. J'avoue que sur le coup, qu'il ne maîtrise pas bien le coréen, je m'en fous complètement... J'ai envie de me cacher sous ma couette et de me laisser noyer par mes larmes, je le hais de me rendre aussi pathétique.

J’ai envie de la prendre dans mes bras. Sera est quelqu’un qui a besoin d’être protégé, qui est fragile quand on y pense. Et je vais la briser. Et je m’en veux de faire ça, vraiment. Mais, à quoi bon ? Je peux la rendre heureuse un certain temps, mais mon cœur ne sera jamais à elle, et elle finirait par en être malheureuse. On finirait par en souffrir tous les deux, bien plus que ce que l’on va ressentir maintenant. Je pose ma bière au sol, et je ne peux m’empêcher de prendre ses mains dans les miennes. Je vais avoir le rôle du méchant maintenant, mais je ne veux pas être la bête non plus, ni l’ogre. Je veux qu’elle comprenne à quel point c’est dur pour moi, et qu’elle voit aussi que j’y ai réfléchi, que c’est le mieux. Je continue de la regarder, parce que si elle me retourne le regard, elle verra simplement que je suis sincère. « Je pensais vraiment te rendre heureuse mais… Elle est revenue vers moi. Sache que j’ai tout fait pour ne pas la voir, pour l’oublier, mais… Je n’ai pas pu Sera. » Je lâche une de ses mains et la pose sur mon cœur. « Je ne peux pas te donner mon cœur, je ne peux pas répondre à tes sentiments… J’appartiens à quelqu’un d’autre Sera… »

Je ne souhaite pas qu'il me touche, je veux pas que ses mains tiennent les miennes et pourtant, je n'ai plus aucun contrôle sur mon corps, je le laisse faire. J'ai beau m'y être préparée, je ne suis toujours pas prête. Je suis bien contrainte à accepter cette rupture mais l'envie n'y ait pas. J'ose enfin relever mon regard vers le sien. Il a l'air honnête mais je n'ai tellement pas envie de le croire. J'ai l'impression de me retrouver prise au piège dans un cauchemar, un cauchemar horrible. Je crois que j'aurais préféré me faire assassiner par Jason ou Jack l'éventreur plutôt que de me faire larguer comme ça, pour une autre fille. J'écoute ce qu'il a à me dire et évidemment, cela ne me fait pas plaisir du tout. J'étais quoi moi, pour lui? Une diversion? Un passe-temps jusqu'à que cette meuf revienne? « Tu m'as trompée avec?» Osé-je demander, le coeur battant sans rythme, le regard paniqué. Puis j'ajoute, d'une voix lasse. « Pourquoi t'es sorti avec moi si t'aime une autre femme? Je suis pas une solution de secours Ethan.» Je défais enfin l'étreinte de sa main et pose les miennes tremblantes sur mes jambes repliées contre mon buste puis je murmure presque, ma voix à bout de force. « Ne me touche plus s'il te plait... » Sinon j'arriverai pas à te laisser partir.

«Non ! Non ! Bien sûr que non ! » Une fois ça m’a suffi et j’ai compris ma leçon, je n’aurais pas osé, pas tant que je n’ai pas parlé avec Sera, non, j’ai su attendre. Je lâche ses mains et reprends bien ma place de l’autre côté du canapé. Je sais parfaitement ce qu’elle ressent, je sais parfaitement quel genre de choses elle doit être entrain de penser, parce que je suis passé par là moi aussi. Je reprends ma bière et la finis, soupirant bruyamment en essayant de me calmer. « Parce que je voulais passer à autre chose, je voulais essayer avec toi, je me sentais bien avec toi. C’est égoïste, mais, j’avais l’impression d’être important aux yeux de quelqu’un, et, tu m’as sorti du gouffre dans lequel j’étais. » Si elle n’était pas apparue, je n’aurais jamais relevé la tête. Je n’aurais jamais guéri de ma blessure. Celle-ci n’est toujours pas cicatrisé, mais Sera en a pris énormément de soin sans le savoir, et pour ça je lui en suis reconnaissant. J’ai la gorge nouée, je souris au vide en pensant à tout ce qu’il nous arrive, à tout ce qu’il m’arrive. « Je souhaite encore que tu sois heureuse… Et je souhaite aussi que tu me pardonnes un jour… » Je marque une pause, faisant rouler la bouteille de bière entre mes mains, la regardant toujours. « Merci. » Pour les rires, pour les bons moments, pour les petits cours de coréen, pour l’intimité, pour ce temps passé avec toi.

«Je te crois. » De toutes manières j'ai plus trop le choix. On est déjà plus ensemble. A quoi bon ça sert de lui faire une crise? Je ne sais pas quoi penser de ses paroles. C'est censé me complimenter tout ça? Me prouver que je n'étais pas qu'un substitut? Je ne suis pas convaincue, je ne le serai sûrement jamais. «Tu l'es... Non... enfin tu l'étais... important. » J'ai servi de pansement, quelle image glorieuse. Je suis tombée amoureuse d'une blessure, je l'ai couvée, je l'ai soignée comme j'ai pu mais j'ai pas atteints mon but. Du coup la blessure, elle s'en va voir celle qui l'a blessée, sûrement parce qu'elle connaîtra bien mieux le moyen de la guérir. J'ai envie de vomir. Je suis une échelle qu'on laisse tomber une fois qu'on a gravit le puys. J'aurais dû m'en douter. Je dévie le regard vers la fenêtre, incapable de soutenir le sien, incapable de rester de marbre face à ses propos. Je suis trop faible. Minable. «Un jour... Là j'en suis pas capable. » Je mens parce que je lui promets qu'un jour je pourrai le pardonner mais à vrai dire, je n'en sais rien du tout. Je ne suis pas si gentille qu'on peut le croire. La vilaine Se Ra a disparue une fois qu'Ethan ait accepté de sortir avec elle. La Sera qui boit trop, qui cherche la merde, qui se détruit parce qu'elle sait pas vraiment où s'accrocher, parce qu'elle veut pas que Kisuk sombre pour elle. La Sera qui avait trouvé une attache en Ethan. Elle le perd, elle se perd. Tant pis, j'ai vraiment pas envie de me battre. Une question me turlupine l'esprit. J'ai peur de la poser, elle va me faire mal. Je cogite, je laisse du temps passer mais je dois savoir. je ne veux pas tomber sur cette nana et me retrouver comme une conne. «Qui c'est? »

Un jour. C’est toujours mieux que jamais. Je ne veux pas qu’elle pense que je l’ai utilisé, parce qu’à aucun moment je n’ai pensé ça. Je ne suis pas le meilleur avec les femmes, je ne suis pas un prince charmant, mais quand il est décidé qu’il y a plus que de la baise, alors, je sais me tenir un minimum. Sera a réussi à corriger pas mal de défauts en moi. Moi je lui suis vraiment reconnaissante. Je suis triste de ne pas être la chaussure conçue pour son pied. Voilà tout. « J’espère aussi que tu ne te laisseras pas abattre… » Même si beaucoup de mes amis et connaissances sont chez les tsebes et que par conséquent ils abusent et abusent encore des excès, moi la seule chose dont j’abuse c’est l’alcool, et seulement en soirée. Et soyons d’accord, des bières, ce n’est pas de l’alcool. Alors, est-ce qu’elle retournera à ses anciennes habitudes ? Je ne voudrais pas, ce serait bien trop dommage. Moi j’ai appris de nouvelles choses, mais elle aussi, elle doit s’en rendre compte de ça. La question suivante me laisse perplexe quelques instants. Elle veut réellement savoir ? Et si elles se connaissent ? Et si elles sont amies ? Elles se connaissent forcément elles sont dans la même fraternité… « Tu veux vraiment savoir ? » Je retire mon bonnet et le pose sur mes genoux. « Ha Jin Sil. » Je me dois au moins de répondre à toutes ses questions.

Je me mords la lèvre inférieure, stressée et laisse mon regard divaguer vers le sol. En fait, je suis entrain de me demander quoi faire plus tard. Je veux dire, quand je vais le voir dans la rue, avec ou sans cette femme, qu'est-ce que je vais faire? Je vais devoir l'ignorer, passer à côté comme si de rien était. Lui dire salut? Je crois pas que j'y arriverai. On aura plus rien ensemble, même pas une amitié possible. Il ne veut pas que je m'abatte? C'est trop tard. «J'essaierai. » C'est un peu facile à me demander aussi quand on est du bon côté du tableau, quand on a une autre meuf qui nous attend et qui nous lâche pour elle. Vient le moment où je lui demande qui est cette femme. Oui, je veux vraiment savoir. Je déteste cette attente, peu longue en réalité, trop longue pour moi. Le prénom retentit dans mes oreilles, je sens mon coeur me serrer, j'ai mal. Je me sens tellement conne sur le coup. Jin Sil est mon amie. Elle était censée l'être du moins. Elle savait que j'étais en couple avec Ethan, elle est avec Kan ou alors l'était, je n'en sais rien. Je comprends pas, je veux pas comprendre. Je me lève et marche jusque la fenêtre, dos au chinois. Un rire nerveux contrôle ma bouche, calme-toi Se Ra putain. Je retiens tant bien que mal ces larmes qui veulent percer la barrière de mes yeux, je déglutit. Pourquoi c'est pas moi Jin Sil dans le coeur d'Ethan? C'est pas juste. « Part... S'il te plait... »

Je suppose que ça va devenir étrange entre nous. Je suppose que comme certaines de mes ex, elle refusera de me voir à partir de maintenant, elle ne voudra même plus me saluer si jamais on se croise dans la rue. Je trouve ça triste, parce que ça me ferait plaisir qu’on ne devienne pas des étrangers. Je ne dis pas non plus qu’une amitié serait le meilleur, mais, pas des inconnus, ce serait trop cruel après ce qu’on a vécu ensemble. Me levant, je prends la bouteille de bière vide que j’ai laissée au sol, et vais dans la cuisine la jeter. Lorsque je reviens, elle est face à la fenêtre. Je demeure debout, et remets mon bonnet à sa place. Le moment de partir va arriver, je le sens. La laisser seule maintenant est peut-être la meilleure chose à faire, et, en entendant sa requête, ou plutôt, le ton de sa voix, je comprends qu’il vaut mieux que je m’en aille. Si je reste, et qu’elle se met à pleurer, je la prendrai dans mes bras, et ce ne sera pas bon. Elle ne voudra pas que je parte après ça, et moi, je ne pourrais réellement plus la laisser. Alors je me dirige, vers la porte, regardant une dernière fois derrière moi. « Si un jour t’as besoin d’aide, appelle moi. » ma main se ferme autour de la poignée, et j’ouvre la porte. Une fois fermée, je souffle, je me sens vide.

I’m sorry I couldn’t get to you.