Je n'avais jamais fait attention à ce genre de petits détails. Comme par exemple, Ô combien la couchette pouvait être inconfortable lorsque l'on avait tout sauf sommeil, comme il pouvait faire plus frais, étonnamment, ici que sur le pont. Je n'avais jamais, non plus, dénombré si précisément les imperfections des planches qui faisaient notre mur. Et, non plus, fais si attention au bruit si particulier de ses larmes. A vrai dire, je ne l'avais jamais entendu pleurer. Je n'étais pas vraiment sensible, pas même très altruiste ou attentif à autrui, mais Soo Ah était mon trésor le plus précieux. Et une part de moi semblait s'écouler dans ces perles salées. Je me relevai après qu'elle ai quitté la pièce pour la suivre le plus silencieusement possible. La trouvant assise sur le pont, je passai outre le frisson frais qui mordit ma peau nue refroidissant pour la rejoindre. Je manquai de tomber plus d'une fois, mais par je ne sais quel miracle, trouvai la force d'asseoir mes fesses juste derrière elle. J'encerclai sa taille de mes bras, la ramenant contre moi. « C'est rien, c'est moi qui suis désolé. J'aurais jamais du demander des choses comme ça. » Je nichai ma tête dans son cou après avoir dégagé de mes mains l'un de ses côtés, passant ses cheveux de l'autre. Un simple baisé apposé ; traité de paix. « J'espère que tu pourras me pardonner. » J'étais mal à l'aise, d'évoquer, d'invoquer, de tels mots. Ceci ne me ressemblait en rien. Mais je ne voulais à aucun prix que les choses changent. Malgré mon corps en éveil, je pris sur moi afin de simplement l'étreindre, la berçant doucement de mes bras puissants. « Pleure pas. »

Quand bien même la couverture pouvait entraver nos mouvements, je réussis avec plus ou moins de succès à encercler son corps de mes bras, caresser son ventre de mes doigts. Mon nez plongé dans son cou, je soupirai de bien-être et de gêne mêlés. Son odeur suave naturelle, sa fine particule de sueur loin d'être désagréable faisant briller sa peau, mais aussi le parfum artificiel de la boisson créaient un mélange aphrodisiaque. Je me mordis les lèvres, sentant mon bas-ventre faire des siennes à nouveaux, se contractant et se relâchant douloureusement, oppressé. « Même, t'as rien à te reprocher. Si t'avais pas eu l'intelligence de tout arrêter, on aurait été trop loin. » Je tentai de la rassurer alors qu'elle changeait de position. Je profitai du réconfort qu'elle m'apportait en fermant les yeux, mes mains plongeant dans ses longs cheveux flamboyants. Je n'aimais pas qu'elle pleure. « Aish.. Je t'ai demandé d'arrêter de pleurer ! » Réclamais-je sur un ton, contre toute attente, conciliant. Je passai mes bras autour de ses appuis afin de la soulever et me hisser sur mes jambes par la même occasion. Il faisait froid, trop froid pour nous. Trop froid pour moi, tout du moins. La guidant vers notre chambre sans la quitter, je souris brièvement. « Tu veux que je dorme avec toi ? » Ça n'était pas l'idée du siècle. Mais c'était la meilleure que j'eus.

Quelle mauvaise idée de proposer à Soo Ah de passer la nuit avec elle alors que j'étais encore nu, alors que nous avions été sur le point de faire une bêtise, de ne faire plus qu'un. Alors qu'une partie de moi n'était pas contre cette idée, au fond, tandis que l'autre hurlait au scandale. « Je sais ma belle, t'inquiète pas. C'est juste que j'aime pas ça, tu le sais. » Un ton presque paternel, ou fraternel. Affectueux, en tous les cas. Je l'aidais à essuyer ses larmes et déposai un baiser sur sa joue, restant un moment ainsi à profiter de la chaleur encore présente entre nos deux corps attirés par une étrange alchimie. M'écartant de quelques centimètres, je frémis longuement. Son acceptation me fit chaud au cœur, son regard, chaud au corps. Comment pouvait-elle me repousser et espérer que j'en fasse autant si elle me bouffait ainsi du regard ? J'étais intelligent, consciencieux, mais je restais un homme, et un homme ivre de surcroît. Du moins, je me cachais encore derrière cette image ; l'alcool s'évaporait peu à peu de mes veines. Mes bras glissèrent sur ses cuisses en une caresse, remontèrent chatouiller sa taille et ses côtes, avant que l'une de mes mains ne s'attarde sur son bras avant de saisir sa main, entremêlant nos doigts. « T'es malade, comme femme. » un soupire au creux de son oreille avant de l'entraîner vers notre chambre. Là alors, conscient de l'étroitesses de nos couchettes, je lâchai sa main afin de prendre tout ce qui pouvait faire notre confort et le laisser tomber au sol, créant un nid douillet de toutes couvertures, draps et oreillers de fortune.

Me redressant pour juger mon oeuvre d'un œil critique, je songeai que la nuit que nous nous apprêtions à passer serait à la fois l'une des plus délicieuses, et l'une des plus affligeantes. La dernière fois remontait à celle où je l'avais suppliée de venir dormir avec moi, en proie à des cauchemars répétitifs. Il m'arrivait de faiblir, comme chaque être humain. Mais cela devait faire des années depuis. J'avais gagné en prestige, gagné en taille -dans tous les sens du terme- et en orgueil depuis, en fierté aussi. Il allait être difficile de mettre de côté sa libido. Je grognai, alors que sa joue prenait place sur mon dos. « Pourquoi ? C'est pas la première fois que tu me vois nu. » Partager la vie d'une femme dans un espace si restreint signifiait devoir, parfois, se montrer ainsi, qu'on le veuille ou non, parfois même sans en avoir conscience. Néanmoins, je finis par accepter en poussant un soupire, et me dégageai de son étreinte pour retourner chercher mon pantalon sur le pont aussi vite que possible. Ma virilité en éveil ainsi masquée, je m'autorisai à m'asseoir sur la couchette improvisée en tapotant la place à mes côtés pour l'y inviter. « Tu dis ça, mais moi, d'en bas, j'vois des choses bien intéressantes.. » Je me moquais. Il est vrai que la longueur de sa robe n'avait aucun effet sur la façon dont j'étais désormais allongé, et que mon regard était désormais rivé entre ses cuisses. Elle n'était pas la première femme que je voyais dans son entièreté, et ce geste ne me gênait même plus. Amusé, j'esquissai un micro-sourire.

Il était plutôt appréciable de n'obtenir aucun coup, aucun éclat de voix aigu. Plutôt agréable de pouvoir apprécier le tableau de sa féminité envoûtante de mon poste, allongé. J'aurais aimé, et je n'en cache rien, pouvoir pousser les choses plus loin. Seul l'amertume d'une envie persistante nouait ma gorge. C'était irresponsable, mais j'assumais mon désir toujours présent. Seule l'intelligence qu'elle avait ravivait m'empêcher de courir dans le sens de mes envies. Un soupire quitta mes lèvres au moment où elle s'abaissa afin de se soustraire de mes yeux curieux. « C'est dommage. T'es plutôt bien foutue, j'avais une belle vision des choses. » Un sourire certes malicieux, cela n'empêchait pas la vérité d'éclater. Je pensais chacun de mes mots, y compris le regret que j'avais de la voir s'échapper. Son bras passé autour de mon corps me fit grogner d'appréhension. J'enfouis ma tête dans son cou. Ne contrôlant pas la force mes gestes, encore flou d'alcool, mes deux bras la tirèrent trop violemment, la faisant heurter ma peau brûlante. « Pardon. » Je m'excusai d'un baiser sur sa mâchoire, avant de me forcer à fermer les yeux, ne pouvant contrôler les battements insensés de mon cœur s'épuisant. Demain, sans doute, j'irais encore dépenser quelques pièces dans le but de satisfaire mon corps tenté.

Mon nez dans son cou me rendit fou. Sentir les effluves de sa peau satinée, comprendre à quel point mon corps l'inspirait. Mes doigts glissèrent dans son dos, dessinant quelques abstraites arabesques d'un geste vif et ferme. La douceur n'était que peu de mes habitudes. J'aimais la sentir contre moi, son être frêle noyé dans le mien, encore juvénile et bouillonnant. Je passai alors l'une de mes mains dans ses cheveux, ne parvenant pas à fermer les yeux. Emmêlant une mèche autour d'un de mes doigts, je poussai un soupire retentissant. « Heureusement, sinon tu tiendrais pas avec moi.. » Un rire s'échappa de ma gorge. J'avais beau me conforter, me réconforter, dans l'optique que j'étais intelligent et responsable, nos corps enlacés me rendaient fou. Et je savais que je n'étais pas le seul, je l'avais compris, je l'avais senti. Rah, fuck. Qu'elle arrive encore une fois à me repousser, et j'abandonnerai, définitivement.. Ma bouche se posa sur sa gorge , remontant jusque sous son menton en un effleurement subtile. Mes bras la rapprochèrent encore. « Ton corps brûle au moins autant que le mien. Je suis pas un chaton.. » Répétais-je avec une pointe de jalousie.

Mon geste trouva la réponse escomptée. Ses mains enserrèrent ma taille. Lorsque son front trouva sa place contre le mien, je m'hissai sur son corps. Mon nom soufflé dans un murmure m'embrasait. Bon sang, c'était quoi encore ce jeu risqué ? Un nouveau ring entre la passion et la raison ? Avantage pour ce premier, visiblement. « Soo, je crois qu.. » Un baiser encourageant. Ses lèvres capturant les miennes. Encore une fois, mes bras encerclèrent avec force son corps pour tenter de le noyer dans mon être, ne faire qu'un, tandis que je profitai de ce bien court baiser qui, je le savais, aurait pour résultat un énième retournement de situation. Je penchai légèrement la tête sur le côté, venant caresser sa bouche vermeille de ma langue conquérante. Surpris malgré tout qu'elle me repousse aussi vite, je plissai les yeux en refrénant mon besoin de reprendre prisonnière sa peau de mes dents. Mon envie ne s'était jamais tarie. « Je sais, mais.. Ta bouche dit non, et ton corps crie oui. » Retournant embrasser la peau de son cou, je laissai quelques nouvelles marques vives en étouffant un gémissement de contentement. « Est-ce que ça compte vraiment comme une connerie ? Ose avouer que t'as jamais ne serait-ce que fantasmé moi. » C'était une demande tout à fait égoïste, et pourtant j'y croyais dur comme fer. L'inverse était vrai, elle m'avait inspiré bien quelques voluptueuses pensées, mais il était dans la norme des choses. J'aurais pu, si j'étais plus compatissant, la laisser partir. Si j'étais plus modéré et raisonnable.  En pressant mon bassin contre le sien de quelques ondulations suggestives qui finirent de mettre le feu à mon corps, je décidai d'ancrer mes yeux dans les siens. Je priais pour qu'elle ai assez de force pour mettre le point à la ligne de ce jeu enflammé. Ou non. Non, j'espérais qu'elle soit bien trop faible pour.

Comme tantôt, mes yeux se noyaient dans l'abysse si profond de ceux de cette nymphe. Elle était une succube, c'était officiel, désormais. Démone qui hante mes nuits sous l'apparence d'une femme ravissante, éveillant mon appétit sexuel et mes fantasmes. Depuis combien de temps n'avais-je pas touché une femme propre sur elle, digne et courageuse, plutôt que ces squelettes ambulants qui crient dès que les touche en se pensant sensuelles ? Mes hanches remuaient, imprimant un rythme rapide de frottements contre les siennes. Mes lèvres entrouvertes trahissaient ma satisfaction par quelques soupires rauques suggestifs, avant que je ne m'immobilise. « Putain. » A nouveau, un juron de colère éclatant envers moi-même. Yoyo personnifié, je ne cessai d'alterner entre prise de conscience majeure et luxure appétissante. Malheureusement, cette première était toujours bien trop brève. Mon front contre le sien, je fermai les yeux, pris de bouffées de chaleur faisant dégouliner le long de mon corps quelques gouttes salées par la transpiration. Je devais la rendre pantelante, pourquoi l'inverse était-il plus vrai, désormais ? Le souffle de mes mots s'écrasa contre ses lèvres si proches des miennes. « De toutes façons, même si on arrête là, est-ce que les choses n'ont pas déjà changées ? Est-ce que tu me regarderas normalement demain ? Est-ce qu'on est pas déjà allés trop loin ? » Ma cage thoracique oppressa mon organe vital battant à tout rompre. « Je suis pas bourré. » répétais-je à l'identique de tantôt, comme ultime défense, quand bien même ça n'était le cas.

Je me forçai à raisonner, optant pour la sage décision de fermer les yeux et éviter de tomber sur son corps divinement sculpté. J'étais tenu chien par le désir, mais je savais qu'à pousser ma capacité à réfléchir dans ses retranchements, j'arriverai à reprendre possession d'un état d'esprit plus sain. Du moins, je me forçai à y croire, à l'espérer. Heureusement qu'elle était là pour faire le boulot pour nous deux. Et si j'arrivais à transposer mon esprit en dehors de mon corps par je ne sais quel miracle, j'aurais sans doute ris jaune. Comment pouvais-je penser une chose et son opposé à la fois, tenir des discours et penser des choses si incompatibles entre elle, basculer d'un état à l'autre en une fraction de secondes ? « T'as raison, comme toujours. » Contrairement à l'ordinaire, ça n'était pas un reproche agacé, mais un véritable soulagement que d'annoncer ceci. Comme par un étrange phénomène, mes épaules d'affaissèrent et mon ventre se dénoua, libéré non pas de la passion mais d'un poids considérable. Maintenant qu'elle avait choisi une véritable voie, qu'elle s'était raisonnée et gonflée à bloc, je n'avais plus à subir le dilemme incessant qui m'oppressai. « Pardon, vraiment. » J'étais un véritable boulet de canon, et j'en avais fichtrement conscience, soudain. M'écartant afin de l'aider à se dégager, je croisai les bras et enfouis ma tête entre ceux-ci en grognant d'amertume. « Il vaut mieux, oui. » Je n'avais rien d'autre à dire que confirmer ses paroles. Je ne bougeai pas, n'ouvris pas les yeux, me contentant simplement de basculer un morceau de couverture sur mon dos pour éviter de souffrir de la morsure de la nuit fraiche. « Bonne nuit Soo, et merci. » Merci pour quoi, aish ? Il était si rare que je remercie réellement. Mais le jeu en valait la chandelle. Elle nous avait préservé. « Merci pour nous. »