J'étais tactile, c'était indéniable. Un besoin constant d'affection ; recevoir, mais aussi donner, et ce puisque j'étais bien plus douée de mon corps que de mes mots. Or, dans cette société misogyne, « manichéenne », et dégradante, j'avais bien peu de temps à courir les rues en quête d'une étreinte. Sans doute était-ce la raison pour laquelle j'aimais travailler avec une femme, ou alors qu'indirectement, c'était de la simple attention que je réclamais en me faisant sucer, en baisant ? Je sais pas. Mes doigts glissaient sur sa nuque, remontaient dans ses cheveux, d'un effleurement appuyé tendre, doux. Voilà une facette que bien peu connaissaient, et il n'en était pas plus mal. Son sourire eut des répercussions sur mes lèvres qui s'étirèrent à nouveau. La laissant s'installer au sol, je rougis discrètement de ces quelques mots flatteurs, accusant le haut taux d'alcoolémie que je venais d'atteindre par ces dernières gorgées. Je me positionnai à ses côtés, passant un bras autour de ses épaules pour ramener son corps frêle mais ferme contre moi, pour que sa tête heurte mon torse, pour que mon souffle se perde dans ses cheveux. Je ris. « Je crois que j'le connais ouais.. Mais il paraît aussi qu'il n'est pas aussi terrible qu'on le dit, tu sais ? Il paraît que c'est surtout son équipière qui est dangereuse. Celle là, là, la succube. On dit qu'elle est d'une beauté à faire pâlir les déesses, et qu'elle peut charmer n'importe quel homme d'un regard. Ouais, ça doit être elle l'héroïne. Celle rusée, et qui lui donne la force d'avancer, à ce pirate faux qui s'attire tous les mérites sans rien faire. Tu le savais, ça ? » Un moyen détourné pour qu'elle prenne conscience de son importance dans ma vie de tous les jours. Une moue amusée sur le visage, je déposai finalement un baiser sur son front avant de me rallonger totalement, et me détendre. La boisson délie les langues.

Le sol dur n'était plus un soucis ; l'habitude et le temps avaient fait leur chemin. Evidemment, nous avions nos couchettes, nos lits, comme on aimait les appeler en sachant qu'ils n'en étaient pas. Mais il nous arrivait aussi de dormir par terre.. Lorsque nous étions trop saouls, par exemple. Je pinçai les lèvres. Sourcils froncés, j'effectuai une pichenette sur son bras en imitant un grognement frustré : « Je dirais que ça dépend des jours. Elle doit oublier, alors, qu'il pourrait trouver nombre de femmes plus satisfaisantes. » Petite vengeance inutile. Je me penchai à son oreille, saisis le lobe de celle-ci entre mes dents pour la taquiner de faibles pressions. « tellement plus dociles, aussi.. » C'était un bête quotidien. Des câlins, des engueulades, du vol, des batailles, des péchés.. Mais aussi un jeu de séduction et de provocation constants, en sachant évidemment que nous n'irions jamais plus loin que cette étape. Aucun de nous ne le voulais surement. Ce qui n'empêchait pas de s'amuser, comme mon bref baiser de tantôt avait pu le confirmer. Son sourire cachait quelque chose, qui, au final ne me surprit guère. Un jeu à boire ? Comme le dernier qui avait, justement, été la raison pour laquelle j'avais passé une partie de ma nuit à rendre mes repas dans l'eau ? Aish.. Je me massai le menton de ma main libre avant de saisir la bouteille qu'elle avait ramené. « Pour une fois tu dictes les règles. Peut-être que, comme ça, j'aurais une chance de gagner, hm ? »

Cap ou pas cap ? Voilà un jeu qui, je le savais, n'allait pas être de tout repos. N'importe qui se serait lancé des gages normaux, ou des questions indiscrètes. Nous jouions au dessus de cette ligne ; les actions seraient dégoûtantes, ingrates.. Mieux valaut prévoir le stock de bouteilles. Un nombre incalculables d'idées fourmillaient dans mon crâne meurtri et noyé. Me relevant difficilement, j'avançai en chancelant, mais d'un pas assuré comme toujours. Que ce soit face au monde ou face à elle, peu importe les circonstances, il était hors de question de montrer la moindre lueur d'hésitation quoiqu'en fusse le geste. « Bouge pas. Tu nous connais, je pense qu'on va avoir besoin d'un bon stock de rhum. » Boire jusqu'à ce que ma gorge soit en lambeaux. Et boire encore. Boire jusqu'à ce que mon œsophage soit brasier ardent, et boire encore. Boire jusqu'à ce que mes yeux se ferment, jusqu'à frôler le comas éthylique. Et boire encore.. Me dirigeant vers la cale, je tirai de nos réserves autant de bouteilles que pouvaient en enlacer mes bras. Et, les quatre verreries en ma possession, je revins m'asseoir à la place occupée tantôt par mon beau fessier musclé, les posant au sol. « Tu commences. Je veux te laisser un avantage.. » Murmurais-je avec un sourire en coin mutin, un regard narquois, une expression sournoise. Oh oui ; les idées se bousculaient dans ma tête. Mais je n'étais pas certain qu'elle en apprécie la teneur..

Je fermai les yeux. Un discret mais sensuel grognement de satisfaction s'échappa d'entre mes lèvres pour se fondre sur les siennes alors qu'elle flirtait avec ma bouche sans y appuyer le contact. Je savais qu'elle ne cherchait qu'à jouer, qu'à m'allumer. De la même façon que j'avais joué avec elle. Intimement, et c'était un désir vicieux, je voulais la voir essoufflée, pantelante, sous mes yeux, sous mon corps. Je ne désirais pas forcément conclure certaines choses, ou rapprocher nos corps à n'en faire plus qu'un ; loin de là cette idée. Je désirais juste qu'elle prenne conscience que, si je le désirais, je pouvais la rendre folle. Aussi folle qu'elle me rendait fou. « Cap ou pas cap de..? » Répétais-je d'un ton taquin, alors qu'elle s'éloignait déjà pour formuler sa demande. Je ne cachai pas l'expression surprise qui étira mes traits. Elle voulait commencer avec des questions et requêtes absurdes..? « Pas cap. » J'haussai les épaules sans grand étonnement. Personne ne touchait à mon physique ; j'étais bien trop beau pour. Je saisis donc la bouteille que nous avions entamé pour la descendre de deux gorgées. « A mon tour. Cap ou pas cap de lécher le mât ? » Idiot, ceci aussi. Nous commencions petit, dans l'idée de finir la bouteille.

Seigneur Dieu, Capitaine des sept mers.. Cette façon de boire, cette façon de poser ses lèvres sur ce qui s'apparentait à la fente de la bouteille. Mon regard ne se détachait pas, vicieusement, du liquide qui coulait dans sa gorge, et ce jusqu'à ce qu'elle s'écarte de la boisson pour la reposer à sa place initiale. Les choses étaient mieux ainsi. Lissant les plumes de l'un de mes nombreux ornements à l'oreille, je tentai de conserver mon calme en attendant son gage. « Ah, si peu.. » Commentais-je en lui adressant un sourire plein de sous-entendus, les yeux vrillés sur ses lèvres alléchantes. Putain, il fallait que je me reprenne. Ce serait passé avec n'importe qui mais, bien que l'envie venait peu à peu conquérir du terrain, par respect pour notre relation, ça serait une mauvaise idée de poursuivre sur cette voie.. Et pourtant.. Je retirai ma veste. Déboutonnant lentement ce qui pouvait se rapprocher le plus d'un mixte entre bouton et agrafe, je finis par retirer totalement mon vêtement pour le lancer plus loin. Je n'étais sans doute pas des plus musclés qu'elle avait vu, j'en avais conscience. Mes abdominaux ne ressortaient pas comme chez les gros bœufs, mes veines ne saillaient pas. J'étais juste proportionné et incroyablement bien fait. Des muscles fins mais présents, une force considérable, un torse et des abdos durs. Avais-je besoin de plus ? « Satisfaite ? » Je ris. Le vent fit frémir ma peau. « Cap ou pas cap de m'embrasser ? » Coulais-je d'un ton rauque. Je le méritais amplement. Elle avait déjà usé de son pouvoir de séduction trop de fois pour ne pas me récompenser.

Je savais bien que ça n'était pas que l'alcool qui m'avait poussé à réclamer une telle chose. C'était ses regards, ses gestes. Mes regards, et mes gestes. Une attirance mutuelle, ces bouffées de chaleur qui me rongeaient, cette satisfaction de la savoir comblée à la simple vue de mon corps un tant soit peu dénudé. En revanche, ce qui était certain, c'est qu'en temps normal je n'aurais jamais poussé le vice plus loin qu'un simple baiser -qui, si mes souvenirs étaient bons, n'était pas le premier-. Hors, la boisson compressait le bas de mon ventre dans une forme de désir incontrôlé en pleine expansion. Ses mains sur ma peau nue, sur ma taille sculptée. L'une des miennes vint saisir délicatement sa nuque afin de l'empêcher de se retirer de cette étreinte si plaisante. L'autre glissa jusqu'à ses reins pour la rapprocher de mon corps d'un mouvement involontairement sec. J'avais mérité ma récompense. « démone. Pirate. » Murmurais-je, rieur, entre deux baisers. Comme plus tôt, je saisis la lèvre inférieure de Soo Ah entre mes dents pour y exercer de faibles pressions, la comblant parfois du bout de ma langue. Hors, au lieu de m'en tenir là comme la dernière fois, au lieu de simplement la relâcher, je vins quérir un nouveau baiser, long et fougueux, qui acheva d'allumer cette braise dans mon corps. « A toi. » Mieux valait cesser là. Pour l'instant.

« C'est parce que ça ne me gêne pas. » J'haussai simplement les épaules devant cette douce vérité. Quel homme censé serait gêné de la situation ? Un corps de déesse réchauffant le mien, sa poitrine cachée épousant mon torse nu, nos souffles reprenant tout juste leur course normale. Lorsqu'elle posa son front contre le mien, je fermai les yeux à nouveau et me pencha en avant pour venir chercher un bref baiser, si ce n'est un simple effleurement. Je caressai sa joue de mon pouce. Nous étions fous. C'était la première fois que nous allions aussi loin. Nous étions fous. C'était la première fois que je désirais autant. Un rire saccadé, moqueur mais amusé, m'échappa, faisant vibrer nos corps. Ma tête plongea dans son cou, déposant une myriade de baisers brûlants sur son épiderme. « Tu aurais jamais du dire ça. Tu pourras t'en prendre qu'à toi-même.. » Je la mettais en garde tout en sous-entendant le fait qu'à ses simples mots, le retour en arrière était anéanti. M'affairant à faire brûler sa peau sous mes lèvres, mes dents et ma langue, ma main quitta ses reins pour se faufiler sous ses vêtements. Et, d'un geste adroit, expert et rapide, se poser entre ses cuisses, sur son sous-vêtement, flattant par dessus le tissu cette partie si intime de son anatomie. « Aigoo.. Quel mauvais capitaine. Et quelle mauvaise subordonnée, hm ? » Et quel mauvais jeu..

Elle avait raison. Tout n'était que folie. Nous étions fous d'agir ainsi en osant penser qu'il n'y aurait aucune répercussion. Mais, l'un comme l'autre, exprimions-nous un réel désir de cesser les choses ici ? Mes mains se perdaient dans ses cheveux, sur sa nuque. Mes doigts apprirent de la douceur de sa peau, mes lèvres connurent la saveur de sa peau. Laissant de rougeoyantes marques sur son épiderme fin, je jouai avec son sous-vêtement. Jusqu'à ce qu'elle ne redresse ma tête, jusqu'à ce que nos bouches se cherchent, se trouvent, ne flirtent.. Elle avait le goût de l'alcool. Ses lèvres addictives semblaient rhum, sucre, miel. Et je ne m'en lassais pas. Sous ses caresses, je prenais feu. Je devenais feu. Ma peau brûlait. Mon dos rencontra une fois de plus les planches de bois, frémit. La position n'avait rien de confortable, mais possédait un charme excitant. L'avoir au dessus, la laisser guider les choses.. Mes deux mains saisirent son visage de porcelaine pour le rapprocher du mien. Ses joues rougies par l'ivresse me semblaient délicieuses, et ma bouche ne cessai d'apprendre des courbes de ses pommettes, de son menton, de sa gorge. « Putain qu't'es belle.. » Murmurais-je avant que mes lèvres ne retournent s'emparer des siennes avec passion. Nous étions fous. A nouveau, mes doigts glissèrent sur son corps ; ils effleurèrent ses bras, sa taille, son ventre, et glissèrent sous ses habits gênants. « Dis moi que je vaux mieux que tous tes chatons de salon.. » Réclamais-je. Mes dents se saisirent du cartilage de son oreille.