« Insu ! » je cours pour me cacher. Mais quand je baisse mon regard sur mes jambes je les trouve petites. Tout comme mes mains d’ailleurs. La voix de mon père retentit tonitruante derrière moi. J’ai peur. Ça vibre jusque dans le creux de mon ventre. J’ai le cœur au bord des lèvres. Le virage du couloir me parait loin et j’ai peur de le rater. Je glisse au sol et cogne mon genou sur le parquet trop lisse. Ça me fait mal. Mais je me reprends, il faut que je lui échappe. Il est tout débraillé. Et son haleine sent l’alcool. Encore. Je cours, parce que je sais ce qui va m’attendre si je ne trouve pas de cachette. J’ai envie de pleurer, mais si je me laisse aller à mes émotions, ma vue va se brouiller et je perdrais du temps à essuyer mes joues. J’arrive dans ma chambre, je me jette contre la porte pour la fermer, et de mes petits bras j’arrive à glisser mon coffre à jouet devant la porte. Si ça ne l’empêche pas de rentrer, ça aura au moins le mérite de le retarder. Je me précipite sous mon lit et enfouissant mon visage dans mes avants bras. Quand mon père se met à donner des coups brutaux contre la porte je masque mes oreilles de mes mains. J’ai peur. Et les coups se font de plus en plus fort, de plus en plus brusques. J’ai l’impression de tomber dans le vide, tout autour de moi résonne comme un écho. J’ai mal au ventre. J’arrive plus à déglutir et je gémis quand j’entends la porte s’ouvrir. La voix de ma mère retentit dans le couloir comme un cri aigu mais j’ai presque du mal à la percevoir. Soudain je sens deux mains qui m’agrippent les chevilles et me tire brusquement de ma cachette de fortune. Je devrais peut-être changer d’endroit. Mais mon père les connait toutes. Le placard, sous le lit et derrière le rideau. C’est bête, comme si un rideau pouvait me protéger. Mais c’est bête un enfant. Mon cœur se soulève quand je sens la poigne de mon père me tourner brusquement vers lui. Ma tête heurte le sol et alors que je vois sa main immense s’abattre sur moi je lâche un cri qui me vient des trippes. Je me réveille en sursaut. Ce n’est qu’un cauchemar. Un putain de cauchemar comme je fais souvent. Et je me réveille toujours au moment où mon père est sur le point de me battre. J’ai mal au cœur, puisqu’il bat comme un fou furieux dans ma poitrine. J’ai envie de vomir. Je me lève et passe une main sur mon torse nu couvert de sueur. Putain. C’est toujours pareil. Je me réveille en nage et je suis crevé. Je remonte mon pantalon en coton qui tombait sur mes hanches et avance jusqu’à la cuisine. Faut que je me prenne un truc. De l’eau pour commencer. Puis après on verra. Mais le temps passe, et j’ai cette boule au ventre. Rah putain, je déteste me sentir comme ça. foutue souvenir. Je fais craquer mon cou avant de retourner dans ma chambre. Je grignote une galette de tofu. Histoire de me caler. J’attrape mon oreille. Je sais que je n’arriverais pas à me rendormir. Et quand je vois qu’il est à peine 3h du matin ça me fou encore plus les boules. J’hésite un instant puis je me décide à aller gratter à la porte d’Eien. Ma colocataire. Elle et son coréen mal foutu m’ont fait craquer pour cette colocation qui s’annonçait merveilleuse. On est pareil dans le fond, même si en apparence on n’a rien en commun. J’avance dans la pièce sombre et but dans sa chaise en lâchant un juron. Elle devrait se faire des tatouages fluorescent, je la repérerais mieux comme ça. « Eien … » Soufflais-je doucement pour la réveiller avec le plus de délicatesse possible. Je grimpe sur son lit et me laisse tomber à côté d’elle sur le matelas en enfouissant ma tête dans mon coussin. Tourné sur le coté, je la regarde dormir quelques secondes avant de lui dire « Eien … j’ai fais un cauchemar est-ce que je peux rester dormir avec toi … ? » je prends une petite voix exprès pour la faire craquer. Je lui fais mes yeux de chien battu auquel elle ne résiste jamais … Une petite moue sur mon visage et je lâche un soupire à fendre le cœur. Je me rapproche un peu plus d’elle en espérant qu’elle ne me jette pas de son lit et me blottit contre la jeune fille comme un petit chiot le ferait. Recroquevillé sur moi-même je glisse mes deux bras entre mes cuisses. Puis je la regarde, aussi près d’elle je louche un peu je dois l’avouer et ça ne doit pas me donner un air très malin, mais je ne suis pas fatigué. Alors au lieu de passer le temps tout seul, je viens la regarder dormir. Merde, dis comme ça, on dirait un putain de psychopathe flippant, mais en vrai c’est juste que son souffle régulier à tendance à me bercer. Puis elle est marrante quand elle dort. Elle bave. Et parfois, il m’arrive de la prendre en photo de la mettre en fond d’écran. Histoire d’illuminer ma journée.