Qu'est-ce qu'elle est emmerdante. Limite pire que la folle qui me suit partout. Vous savez Mee Na la lycéenne ? Je crois que les deux se valent. Mais soit. Maintenant qu'elle vient de me casser deux cordes la voilà qui joue sa mijaurée. En plus elle m'appelle Yu. Qui lui a autorisé à me donner ce surnom. J'ai l'impression d'être son mec quand elle fait ça. Nyanyanya excuse-moi. Nyanyanya je suis désolée. Je m'en fous qu'elle soit désolée. Le mal est fait. D'accord, elle n'a ni blessé ni tué quelqu'un mais elle a n'a pas respecté notre accord : ne pas toucher à mes instruments. Il y a d'autres clauses dans ce contrat. Exemple : Faire à manger quand l'autre n'est pas encore arrivé (vous comprendrez d'ailleurs pourquoi je rentre toujours plus tard que BoBae). Bref. Je ne supporte pas quand elle s'excuse comme ça. Elle croit que tout se pardonne en s'excusant. Heureusement pour elle que je peux toujours réparer ces deux putain de cordes sinon croyez-moi qu'elle l'aurait senti passé. Je ne suis pas quelqu'un qui frappe les filles et pourtant j'en serai capable. J'ai déjà giflé Mee Na. Si je m'en suis voulu ? Énormément, mais elle le méritait.

En gardant toujours mon sang froid je me détache de BoBae qui essaye de m'attendrir avec sa gueule de chaton. Elle a beau être vachement mignonne ça marche pas. Sans même lui adresser la parole je me rends dans la cuisine pour vérifier ce qu'elle a cuisiné. J'avais vu juste. Un curry m'attends. Et putain, quel curry. Je me mord la lèvre. Je vais tout manger. Tout. Et ainsi quelques minutes plus tard me voilà assis sur le canapé à manger une assiette de mon plat préféré alors que je sais pertinemment que Bobae est toujours triste. Elle n'est pas triste parce qu'elle a endommagé ma pauvre guitare mais parce que moi je suis remonté contre elle. Et ça, je l'ai bien compris qu'elle n'aimait pas quand on était en froid. Mais j'ai envie de lui faire payer. Je veux qu'elle comprenne que la prochaine fois ça pourrait être pire. Néanmoins, pour le moment je déguste. Son plat est tout simplement parfait. Et sans m'en rendre compte je prononce un petit «Délicieux» en Japonais. Merde. C'est pas la bonne tactique si je veux lui faire du mal. Espérons qu'elle n'ait pas compris... « C'est pas terrible. Même ma soeur fait mieux» ajoutais-je cette fois-ci en Coréen, de manière plus froide même si je ne le pensais pas. Je veux juste l'emmerder.

Il finit par me lâcher sans même porter un regard sur moi. Il a même l’air plutôt dégoutée pour tout avouer. Je crois qu’il ne supporte pas me voir faire mes yeux de chaton brillant. Je ne fais pas vraiment ça pour l’amadouer mais disons que si ça peut le calmer j’ai tenté … mais je n’ai fait que l’énerver encore plus. je déteste quand Yusuke est en colère contre moi. J’ai l’impression d’être une petite fille qui va se faire abandonner. Mais c’est con, parce qu’il me lâcherait pas pour ça. je veux dire, il lui faudrait trouver un coloc qui accepte de ranger l’appartement, de pas faire trop de bruit, qui ne parle pas beaucoup et qui fasse une cuisine d’enfer pour ses papilles de japonais en manque du pays … En plus de ça je paye toujours en temps et en heure et je fais la lessive. Je suis parfaite pour cette colocation ! Parfois je me demande de quelle façon me voit Yusuke. Est-ce que je suis juste sa colocataire qui doit supporter son humeur de chien ? Ou bien est-ce que je suis une amie ? Je ne demande pas non plus la meilleure place dans sa vie, mais une amie ça m’irait bien … Parce qu’ainsi je sais que je peux compter sur lui quoiqu’il se passe. Mais là ... Je n’en sais rien en fait. Parfois j’ai l’impression d’avoir un frère protecteur avec moi et l’instant d’après il m’envoi bouler comme si j’étais une merde. Je n’arrive pas à le suivre ni à le comprendre pour tout dire. Je le regarde se servir une assiette de curry et c’est une mini victoire dans ma tête, mais pas assez pour me redonner le sourire. J’esquisse une moue désolée quant il passe devant moi en m’ignorant pour aller dans le salon. Il s’assoit dans le canapé son assiette dans la main. Ça me fait chier … mais je ne sais pas quoi dire. Si j’insiste avec mes excuses il va finir par me foutre dans le mur. Alors je me contente d’aller me mettre à l’aise et passe un t-shirt d’homme en guise de chemise de nuit. Il est tellement grand qu’il m’arrive mi-cuisse. Suffisant pour moi. Je me contente de mettre un shorty comme bas et retourne me servir une assiette dans la cuisine. J’ai pas faim mais ca vaudra mieux que de rester planté au milieu du couloir.

Je m’assois en tailleur à côté de la table basse, je peux regarder la télé comme ça, parce que je n’ose pas m’assoir à côté de lui sur le canapé. Et que le fauteuil est trop loin de lui … Alors j’opte pour un compromis à mi chemin entre les deux. J’ai pas envie qu’il me pousse … j’vais finir les quatre fers en l’air, non merci. Je mange doucement en me demandant ce que je peux faire pour que Yu me pardonne … Et je finis juste par me dire que c’est en le laissant tranquille et décolérer dans son coin que les choses pourront s’arranger. C’est à ce moment là que je l’entends me parler, ça m’énerve de ne pas avoir entendu, mais je relève la tête et la tourne vers lui en lui demandant timidement « Hn ? » Mais apparemment il se plaint juste de mon curry. Je baisse la tête vers mon assiette en me mordillant la lèvre inférieure. Je le trouvais bon mon curry moi … Je ne trouve rien à dire à ça. Je veux dire, j’aurais pu l’envoyer bouler comme il m’avait appris à faire, mais dans l’histoire j’étais en tort et il n’allait pas me faire de compliment alors qu’il était fâché après moi … Pff, et j’ai cette foutue boule au ventre qui ne veut pas me quitter. Ça m’agace, alors je décide de prendre les choses en main. Je me relève et va m’assoir à côté de lui sans le regarder. Si je dois lui montrer que je suis désolée je le ferais ! « Tu veux que je te prépare autre chose ? » lançais-je pas franchement sur de moi … Je glisse la télécommande vers lui en signe de paix. Ce soir il pourra choisir le film qu’il voudra …

En plus d'être chiante, Bobae est parano. Et encore parano est un euphémisme. Elle a peur. Peur que les gens la jugent. Peur qu'on la déteste. Peur de ceci et de cela. Si elle faisait quelque chose de mal par rapport à moi elle s'en voudrait. Pourquoi? Parce qu'elle a peur de moi. C'est malheureux à dire mais j'en suis persuadé. Elle a peur que je l'abandonne,que je la jette de cet appartement pour que je la mette à la rue. Je ne suis pas très gentil mais je ne suis pas un connard non plus. Bobae mérite sa place dans cet appart plus que quiconque même si elle est têtue et qu'elle s'amuse à abîmer mes instruments de musique. Je la connais par cœur. Je pense même la connaître mieux qu'elle même. Je connais ses réactions pour tout. Et ce qu'elle me demande après lui avoir volontairement menti sur la qualité de son plat ne m'étonne pas. Parce que j'ai sois disant pas aimé le repas elle serait prête à m'en refaire un ? Qu'elle folle. N'importe qui d'autre m'aurait envoyé chier mais elle, elle encaisse. Elle prend sur elle pour me combler. C'en est même déroutant parfois. Je racle mon assiette deja presque finie,sans même regarder ma colocataire. J'ai tout englouti tellement c'était bon et cette idiote se pose encore la question de savoir si je veux autre chose. Elle est définitivement adorable mais bien sotte. Même ma soeur est plus peste qu'elle.

Mon plat terminé je débarrasse tout puis retourne dans le salon avant de m'arrêter net. Elle était donc là et je ne l'ai même pas aperçue. Là. Assise par terre près de la table basse. Je la regarde un instant puis fronce les sourcils en voyant les vêtements qu'elle porte. Cette fille veut que je la tue. Vraiment. Je m'approche d'elle et attrape un pan du T-shirt qu'elle porte. «Tes parents t'ont jamais appris à demander l'autorisation pour emprunter des vêtements? » Rétorquais-je froidement,le regard noir. Mes vêtements. Elle a emprunté mon haut et mon caleçon sans que je lui demande rien. D'accord on vit ensemble depuis quatre ans mais c'est pas une raison.

Finalement je relâche la jeune fille en me rendant compte de mes propos. Je me sens extrêmement mal. Je ne voulais pas lui dire ça. Là tout de suite j'ai honte et je me sens terriblement con. Je soupire doucement et retourne m'asseoir n'osant plus regarder la bluing dans les yeux. «Je suis désolé Bobae je voulais pas dire ça...» Trop de fierté pour lui dire ça dans les yeux. Je me sens mal. Je ne veux pas qu'elle se mette à pleurer. Je les faisais déjà bien assez chialer comme ça les filles. Comment ais-je pu être si bête? Tout ça à cause d'une expression à la con. Sauf que voilà. Bobae n'avait pas eu de parents. Pas même de parents adoptifs si j'avais bonne mémoire. Et j'ai été assez con pour oublier ce détail. Je m'étais à présent excusé. C'était sûrement la première fois dailleurs mais à partir de maintenant on serait quittes.

Je ne sais pas si je pourrais être qualifié comme quelqu'un de méchant. Certes je ne suis pas un rigolo mais...Méchant non. Je suis juste froid. C'est comme ça. J'ai toujours été comme ça et il faut dire qu'en Corée ça s'est accentué. J'adore la Corée et j'adore les Coréens mais y a certaines choses que je ne comprends pas chez eux. Leur racisme envers nous les Japonais par exemple. Parce que nos grands-parents voire arrières-grands parents les ont colonisés il faut qu'ils nous insultent comme si on était des sous-merde et ça j'ai beaucoup de mal. Mais soit. C'est sûr que ce n'est pas non plus seulement pour ça que j'ai l'air si méprisant. On me le dit souvent ça « Yusuke t'es méprisant, antipathique, je m'en foutiste, t'es chiant ». Oh oui ça j'y ai le droit mais c'est mon caractère et personne ne peut me faire changer. Ça fait maintenant quatre ans que je vis avec Bobae et ça fait quatre ans qu'elle doit me supporter. Tout comme je dois la supporter bien entendu. C'est dur de vivre avec elle. On peut dire au revoir aux grasses mat'. On peut dire au revoir aux soirées jeux vidéos en tête à tête avec sa télé. Ouais parce que madame veut faire partie active de ma vie. Pas que ça me dérange, mais ça devient insupportable parfois. Parmi toutes les filles que je fréquente, Bobae reste définitivement la plus bizarre. La plus facile et à la fois la plus difficile à cerner. Une mère, une soeur. Je ne sais pas. Elle est bien plus qu'une coloc'.  Mais passons. Madame a décidé d'aller se changer. Qu'elle y aille. Ça lui servira de leçon. Elle sait que je n'aime pas qu'on touche à mes affaires. C'est pas forcément contre elle mais je sais qu'elle est maladroite et que malgré tous les efforts inimaginables que j'ai fais, je n'arrive toujours pas à lui accorder ma confiance. Quand je sors de chez moi je vérifie qu'elle a bien éteint le gaz, qu'elle n'a pas touché à mes affaires. Dès que que je rentre tard c'est toujours pareil. Je vérifie qu'elle soit bien dans sa chambre avant d'aller moi-même au lit. Et quand elle y est pas, quand j'apprends qu'elle a dormi chez quelqu'un d'autre ça a le don de m'agacer parce que je me dis qu'il aurait pu lui arriver quelque chose. J'ai l'impression que c'est une enfant dont je dois m'occuper. C'est une pression en plus. Si je vivais avec Hansa ou un garçon rien ne serait pareil. Mais avec la bluing c'est très dur. Les deux premières années je m'en fichais totalement. Elle faisait ce qu'elle veut , je faisais ce qu'elle veut. A vingt-ans on avait tout de même assez de maturité pour prendre sur soi. Mais là est tout le problème de Bo Bae. J'ai l'impression qu'elle ne grandit pas. Certes elle fait à manger et elle range. En attendant celui qui répare les lampes ou qui répare l'étagère c'est moi. Pas elle. Je ne lui demande pas de faire le boulot d'un mec. Loin de là. J'aimerai juste... Qu'elle prendre plus de dépendance. J'aimerai qu'elle l'ouvre. Qu'elle cesse de toujours se rabattre sur son sort.

Bref il est temps pour moi d'aller changer mes cordes de guitare. J'aimerai bien le faire dans ma chambre tranquillement, mais l'étudiante en design va venir toquer à la porte ou va passer sa soirée à pleurer dans la sienne. Alors autant que je fasse ça dans le salon. Elle viendra me voir réparer ce qu'elle à cassé comme ça. Ainsi, je me retrouve assis en tailleur sur le sol, ma guitare convenablement posée sur la table basse, prête à passée sur le billard. « La prochaine fois je te jure que je te tue... » Non c'est toujours pas passé. Avec elle je suis assez rancunier.

Quand j’arrive dans la chambre je retire ses vêtements en râlant. C’est vrai que j’aurais pu demander mais ce n’est pas la première fois que je mets un de ses t-shirt, il ne l’a jamais remarqué ? Je jette son haut sur mon lit avant d’ouvrir mon armoire pour prendre un débardeur. Ce n’est pas comme si j’étais sale … Je me mettais toujours en pyjama une fois que j’avais pris ma douche. Et là c’était le cas aussi et j’avais envie d’aller lui rappeler. Avec une pancarte. Que je lui fouterais dans la gueule. Je ne suis pas violente, mais parfois j’ai des envies comme ça. Ce qui m’a énervé c’est de le voir m’ignorer comme il le fait. De me laisser aller me changer comme si j’étais une grosse dégueulasse et que ça ne faisait pas quatre ans qu’on vivait ensemble. Il pouvait bien me prêter un de ses t-shirt non ? Je retire son caleçon aussi, qui était de toute façon, trop grand pour moi. Et je sors un de mes shorts en coton que j’enfile rapidement. Je fais un tour par la salle de bain. Histoire de lui foutre ses fringues au sale qu’on en parle plus. Je retourne dans la cuisine, j’ai envie de faire du ménage, mais j’ai déjà tout fait. Alors je me retrouve à m’asseoir sur mon canapé en face de lui. Evidemment c’est l’endroit qu’il a choisit pour réparer ses cordes. J’ai envie de repartir dans ma chambre mais je n’aurais rien à y faire. Alors j’allume la télé et change de chaine en espérant trouver une qui puisse me plaire. Avec toutes les chaines qu’on arrive à avoir, il n’y en a aucune qui passe un film qui me plait vraiment. En plus maintenant j’ai froid. J’irais bien chercher la polaire de Yu dans sa chambre mais s’il sait que je l’a met aussi il ferait un meurtre. Alors je prends un coussin que je cale entre mes bras. « La prochaine fois je te jure que je te tue... » sa remarque me fait un coup au cœur. Et au ventre. Je trouve ca méchant … il va loin pour une bourde que j’ai commise. Et surtout pour laquelle je me suis déjà excusée plusieurs fois. Je retins un soupir en baissant ma mine triste vers la télécommande. « Alors fait le … au moins tu seras débarrasser de moi. » De toute façon personne n’a jamais voulu de moi. Ni mes parents, ni des parents adoptifs et encore moins un homme … Alors finalement peut-être que Yu me rendrait un bon service en me tuant. Qui me regretterait à part Hwannie ? Pas grand monde … Et cette constatation fit apparaitre une boule dans ma gorge. J’ai du mal à déglutir et l’écran devient flou. Ouais, je crois que j’ai les boules. Et ça me fait mal dans la poitrine. Je me mords la langue pour ne pas pleurer. Mais j’ai beau retenir mes sanglots, une larme traitresse vint rouler sur ma joue quand je cligne des yeux. Juste une, parce que mes yeux se sont remplis trop vite, avant que je n’ai pu me retenir. Alors pour éviter de me donner en spectacle devant le jeune homme, je renifle et me lève du canapé en lui lançant d’une voix un peu trop éraillée à mon goût «  Je t’ai dit que je m’excusais Yusuke … » je cache mon visage derrière mes cheveux et m’accroupis devant le meuble télé pour faire mine de choisir un dvd. En réalité, c’est juste une façon de me mettre dos à lui. Aussi paradoxale que ça soit je n’ai pas envie d’être toute seule. Alors je reste avec lui, même si son humeur désagréable me rends plus triste encore …
  

Je savais que j'aurai jamais du accepter de filles dans mon appartement. Sur l'annonce il y a quatre ans j'aurai du marquer « colocataire masculin ». Mais non. J'avais laissé l'opportunité au sexe faible de postuler et voilà les problèmes que ça engendrait. Voilà quatre ans que je dois me coltiner Bobae. Pas qu'elle soit méchante loin de là, mais c'est une petite fille dont il faut s'occuper. A qui il faut dire « ne fait pas ci, ne fait pas ça ». J'aurai du m'en douter quand elle m'a expliqué pour ses parents, mais à 18 ans...alors que j'étais même pas encore majeur j'avais pas encore compris ça. Pour moi, c'était : on est des colocataires. On se partage juste un appartement et ça s'arrête là. Mais après quatre longues années, croyez moi que tout a changé. Ce n'est plus une colocataire. Cette fille est devenue comme ma petite sœur. Je suis dur avec elle c'est vrai, mais j'essaye dans un sens de l'éduque. Bon d'accord...C'est un peu fort dit comme ça, mais je ne lui veux pas de mal. Je lui fais comprendre qu'elle doit respecter les règles imposées et que si elle le fait pas je peux m'énerver facilement. Je ne peux pas vous dire combien de fois j'ai fais pleurer Bobae. Peut-être un million de fois. Je suis quelqu'un de dur. C'est dans mon tempérament. Je suis rancunier. Mais je ne recherche pas à faire du mal. Encore moins à ma colocataire. Sauf que voilà c'est trop tard. Je peux le dire haut et fort : le mal est fait. Je l'entends parler de sa voix enraillée. Je me mords la lèvre et je me maudis. Je me l'imagine déjà les larmes aux yeux. Pourquoi dit-elle une chose pareille. Comme si je voulais sa mort. Qu'elle idiote. Bon sang Bobae...grandis je t'en prie. « Tu sais très bien que c'est pas ce que j'ai voulu dire... » lui répondis-je toujours aussi froidement pendant que continue de réparer mes cordes. Comme si elle pensait que je voulais sa mort. C'est pas possible d'être si naïve. Ça fait quatre ans qu'on vit ensemble. Si elle ne m'apportait rien. Je l'aurai viré pour cohabiter avec quelqu'un d'autre. Mais voilà. La bluing fait partie de ma vie maintenant qu'elle le veuille ou non. Alors non. Je ne veux pas sa mort sur la conscience. La vie est bien trop précieuse et mérite d'être vécue pleinement. Il faut vivre avant de mourir, n'est-ce pas ? Et vas-y qu'elle s'excuse de nouveau.
Je soupire doucement et préfère me concentrer sur ma guitare a réparer. J'entends ma colocataire bouger. Ou va-t-elle ? Je relève la tête et la voit dos à moi, en train de trifouiller les dvd. Je la laisse faire puis délaisse ma guitare pour m'approcher de la jeune femme. Je pose ma main sur son épaule pour lui faire part de ma présence à ses côtés. Mais je ne tarde pas à venir relever le visage de ma colocataire, tenant son menton du bout des doigts. Je la regarde droit dans les yeux. Son visage est humidifié par les larmes. Je me sens mal. Les filles qui pleurent à cause de moi ça me rend faible. Je ne supporte pas de les blesser. J'évalue rarement la force de mes coups. Je frappe et c'est après que je me rends compte de mon erreur. « Pleure pas...c'est bon c'est qu'une guitare... » dis-je le plus sincèrement possible avant d'essuyer doucement son visage. J'aimerai lui sourire pour la détendre mais je n'y arrive pas. Je me contente de lui adresser un regard noir, sans trop d'expression, comme à mon habitude puis je l'aide à se relever lorsque la porte sonne. J'arque un sourcil et jette un coup d'oeil à miss pleurnicharde, me demandant si elle attendait quelqu'un. Tant pis. Je vais ouvrir quand même. « Tara ? » C'est stupéfait que je laisse entrer la tsébé dans mon appartement. Elle me veut quoi ? Si c'est pour un cours de musique c'est un peu tard. Pareil si elle veut que je lui rende ses cours. Les tsébé et la politesse franchement.

Elle craint cette soirée, elle craint à mort. Ennui total et erreur monumentale. Voilà comment résumer la soirée de l'espagnole. Un peu plus tôt, un gars à la fraternité lui avait parlé de cette soirée, lui avait vendu comme l’événement à ne pas rater. Le lieu où il fallait être ce soir. Ses deux colocataires perdus quelque part dans la nature et Kan occupé on ne sait où, pas de raison de refuser. Et bien elle aurait dû en trouver une parce que même si le gars avait toute sa tête cette soirée est le lieu à éviter par tous les moyens possible. Mais trop tard, elle est là alors autant essayer de s'éclater. Et puis Tara est incapable de rester assise sans rien faire alors autant trouver un moyen d'en profiter. Mais profiter de quoi ? De la musique ? Non, vaut mieux pas en parler de la musique. De l'alcool ? Quel alcool ? D'ici une ou deux heures il n'y en aura plus assez pour tout le monde. Elle lance un regard plein de désespoir à sa cousine et cette dernière le lui rend. Elle aussi avait entendu parler de la soirée par le même tsebe. Attention à lui s'il recroise le chemin d'Hong Se Ra & Rey Tara il va en entendre parler de cette invitation. Et pas qu'un peu. Tara porte son verre à ses lèvres et le boit sans grande conviction. Puis elle sort son paquet de cigarettes, - sans en proposer à sa cousine vu qu'elle connaît déjà la réponse - autrement dit une clope et on bouge parce que c'est plus possible là. Cigarette fini c'est l'heure de partir. Mais quitte à avoir gâché une soirée autant qu'elle soit bénéfique. Une même idée leur traverse l'esprit en  passant à côté d'une table trois bouteilles d'alcool se battent en duel, les ramener avec elle en souvenir. Du vol ? Non pas du tout, juste un dédommagement. Discrétion zéro elles se font repérer et se mettent à courir comme des gamines.  

Une fois dans la rue, les deux cousines s'arrêtent sur un banc pour discuter sauf que le froid en décide autrement. Alors finalement elles préfèrent rentrer. Elles se séparent n'habitant pas le même quartier. Soirée pas vraiment mémorable mais les connaissant ce n'est que partie remise. Plutôt loin de chez elle et pas vraiment motivée à s'arrêter là pour ce soir, bouteille à la main, elle regarde autour d'elle. Le centre, il y a Areum pas loin. La brune envoi un message à son amie. Raté. Elle n'est pas chez elle. Il y a Yusuke aussi qui habite pas loin, visite surprise. Sans vraiment se préoccuper de l'heure elle se repère et se dirige vers chez lui. Elle se souvient qu'il a une colocataire, au pire elle fera connaissance avec elle. Tara ou comment relativiser les choses.

Dix minutes plus tard, Tara sonne à la porte et c'est Yusuke qui lui ouvre. Visiblement surpris par la présence de la tsebe, c'est compréhensible. Plutôt joyeuse elle esquisse un grand sourire en guise de bonsoir. Bouteille cachée dans le dos, elle rentre se retenant de le prendre dans ses bras. Elle sait qu'il n'aime pas quand elle le fait mais c'est tellement naturel que parfois elle ne peut pas s'en empêcher. Elle s'avance pour ne pas rester dehors et se tourne vers lui tandis qu'il ferme la porte. Oubliant complètement qu'il n'habite pas seul. Elle lui tend la bouteille de vodka malheureusement à moitié entamée. « Cadeau ! » pas de philosophie, pas de musique, pour une fois.

Je sais qu’il ne le fait pas exprès, il n’est pas méchant, il est juste maladroit et parfois, sa froideur prend le dessus sur ses mots. Mais il se rend toujours quand il dépasse les limites et vient toujours s’excuser. Parfois plus gentiment que d’autres. Alors quand je le vois venir à côté de moi et poser sa main sur mon épaule pour me tourner vers lui je crois que je lui ai déjà pardonné. Je tourne mon visage triste vers lui et il m’essuie mes joues à l’aide  de ses pouces. Je ferme les yeux juste quelques secondes pour savourer sa proximité. Ça me fait du bien quand Yusuke se laisse aller à quelques gestes tendres ainsi. Ça le rend plus attachant à mes yeux, moi qui manque cruellement d’affection, j’aime voir que le jeune homme peut en prouver un minimum à mon égard. J’ai le cœur qui rate un battement quand je croise son regard noir. J’ai toujours l’impression de me perdre dans son regard. Ses deux billes noires sont un puits sans fond où je me noie avec plaisir. Je lui esquisse un demi-sourire pour lui montrer que je ne suis pas fâchée. J’appuie un peu plus ma joue dans sa paume chaude et inspire doucement en savourant sa chaleur. Il  a raison, ce n’est qu’une guitare … Mais venant de lui … Ces mots ont une toute autre portée … Qu’il choisisse mon chagrin à sa guitare me conforte dans l’idée qu’il tient à moi … Le truc avec Yusuke c’est juste qu’il faut lire entre les lignes … Et après 4 ans je commence tout juste à maitriser l’exercice …  Ses mots ont dépassés ses pensées, voilà tout, pourquoi en faire toute une histoire ? On n’a plus qu’à se mettre un film, et passer le reste de la soirée à se détendre. Et je pense déjà à ce qu’on pourrait regarder quand la sonnette retentit. Je me redresse surprise et agacée aussi qu’on vienne nous déranger comme ça. Je fronce les sourcils et secoue la tête quand Yu me demande si j’attendais quelqu’un. J’ai peu d’amis et ceux que j’ai, m’envoient toujours un sms avant de passer. Je gonfle mes joues en affichant une mine boudeuse. « Si c’est pour moi dit que je suis pas là ! » murmurais-je à Yu en le laissant aller ouvrir. Je me mets en retrait histoire de pouvoir voir qui est là sans pour autant être vue. Quand Yu ouvre la porte mon cœur rate un battement et j’ai l’impression d’être face à une mauvaise blague de mon karma. C’est quoi ce délire ? Depuis quand cette fille se pointe chez moi ? Elle … Elle connait Yusuke ?! Depuis quand ? Et pourquoi ? Il ne sort pas avec cette fille quand même ?! Qui se pointerait chez les gens à une heure pareille sans prévenir ?! Je fronce les sourcils en oublie toute cette histoire de parents et de guitare. J’essuie mes joues convenablement et m’avance vers les deux amis et croise les bras et me glissant entre Yusuke et Tara. Je n’ai pas conscience de mon geste, qui est d’ailleurs très possessif, mais ça m’énerve de la voir aussi près de lui à lui tendre cette bouteille d’alcool. Elle veut quoi ? Le rendre ivre pour abuser de son corps ? Tss. Ma langue claque d’agacement entre mes dents et je lui demande « Tu fou quoi ici Tara ? » même prononcer son prénom m’arrache la bouche. J’aurais cru qu’avec le temps je serais passée à autre chose, mais ce n’est pas tant les souvenirs du passé qui m’énerver, mais c’est de la voir aussi … Souriante avec Yu. Elle m’a déjà piqué un ami, elle ne me volera pas mon colocataire ! C’est dingue ce que cette fille peut être sangsue ! Je suis rarement énervée, voir jamais, je crois même que c’est la première fois que Yu me voit avec les sourcils froncé et ma grosse voix de Bo Bae pas contente … Je reste fermement campée sur mes positions et croise toujours les bras en reculant pour presque coller mon dos au torse du jeune. Yusuke est à moi, chasse gardé ma grande. Et j’ai beau vouloir réprimer ce sentiment, je crois que notre passé commun avec le jeune tsebe et l’attachement que j’éprouve pour le japonais me rende … jalouse.