Elle était en train de vernir ses doigts de pieds sur la table du salon quand elle avait reçu le message qui allait la précipiter dans l'abysse. Le 07 Avril, match de foot inter-universités. Sa tête s'était décomposée. Déjà parce que ça voulait dire qu'elle n'avait qu'un tout petit mois pour chorégraphier une nouvelle intro des cheerleaders, et ensuite parce que son lundi shopping allait être pourri pour faire bonne figure en face d'innombrables crétins manipulés par son talent d'actrice. Ses doigts s'étaient crispés autour du pinceau. Et Jinsang. Elle avait presque oublié Jinsang. Elle aurait pu être tranquille, à prétendre que les cours lui prennent tout son temps pour ne pas voir sa face de rat – et non. Raté. La jeune femme avait balancé son téléphone portable à l'autre bout de la pièce, se disant qu'elle allait avoir le temps de digérer cette nouvelle et qu'avec un peu de chance, le mois passerait en emportant sa colère avec lui.

Et puis, non.

Boyung était sur le bord du terrain, agitant ses pompoms avec une exagération dont personne ne se doutait. Un sourire parfait peint sur son visage. Le teint radieux, et exhalant le bonheur ainsi que la joie de vivre. Le campus entier devait penser qu'elle irradiait pour Jinsang, qu'elle ne voyait que Jinsang – mais sérieusement, le petit nouveau dans l'équipe était sacrément beau en plus d'être doué dans tout ce qu'il faisait. Comment y résister ? Ses yeux le fixaient en permanence, passant de joie intense à envie de meurtre dès lors que son petit ami attitré apparaissait dans son champs de vision. La voilà qui baissait sa garde. Mais un coup de coude d'une autre cheerleader suffit à la ramener sur terre. Tu dois vraiment être fière de ton copain avait-elle soufflé à l'attention de la présidente. Et elle s'était forcée à vanter les mérites de cet être abject pendant un quart d'heure pour paraître crédible. Mauvaise foi à part, la jeune femme ne pouvait nier le talent évident qu'il possédait en sport, même si pour elle c'était équivalent à envoyer une balle à un toutou afin qu'il court après. Disons que pour un toutou, il courrait bien.

Son regard fixait le panneau affiché plus loin. Pas par soucis des points – non, sérieusement, elle s'en foutait assez violemment du score, ça ne changerait en rien ses performances acrobatiques – mais pour surveiller l'heure. Et il fallait dire que cela avançait trop lentement à son goût. Levant les yeux au ciel, elle pensa à la manucure qu'elle aurait pu avoir si des primates n'avaient pas décidé de courir après une balle, pile ce jour là. Sa tenue de cheerleader lui grattait vaguement le dos. Si ce n'était pas prada, elle faisait des réactions allergiques. Malheureusement, le directeur de la fac n'avait pas voulu fournir l'équipe. Parce que, bien entendu, si la capitaine portait une tenue, il fallait que les sous-fifres soient assortis à elle – et non, ce n'était pas l'inverse. Ses yeux se posèrent sur Jinsang alors qu'il marquait un énième but, et une moue déforma les traits de son visage. Peut-être était-ce sa perfection qui l'avait lassée ? Ils ne s'étaient pas toujours arraché la gueule en privé. Pas au début, du moins. Elle se souvenait le sentiment que lui procurait la vue de cet homme, il y avait des mois de cela, et parfois elle se surprenait à être sensiblement triste que tout cela se soit évaporé si vite. Par impulsion, Boyung se mit à crier son nom à répétition, levant les bras en l'air en agitant ses gros pompoms. Le but ? Faire le plus de bruit pour qu'on ne voit qu'elle, son corps parfait, et son amour transi pour le capitaine de l'équipe, bien sûr. Et cela semblait marcher.

Le temps que son cerveau procède aux informations, l'équipe avait gagné et ses pieds ne touchaient plus le sol. Elle comprit ce qu'il se passait quand elle sentit les lèvres du capitaine se poser sur les siennes avec douceur. Faisant naître chez elle cette irrépressible envie de lui gerber sur les chaussures sans concession. Gardant son sourire parfait et sa joie plastifiée, elle enroula ses bras autour de sa nuque, hochant la tête. J'ai seulement vu que le temps passait trop lentement « Vous avez été absolu-parfait-génialement géniaux ! » s'exclama-t-elle en montrant toutes ses dents. Sa tête se pencha sur le côté quand il lui annonça qu'en plus d'avoir ruiné sa journée de shopping, sa possible manucure, et son long bain chaud de trois heures, il fallait qu'en plus elle fasse semblant de ne pas être dérangée par l'after qui allait se dérouler. Oh mais oui, les bons toutous ont besoin de leur os, après le pseudo effort « On est pas obligés ? Tu plaisantes ? On ne va pas rater ça, tout de même. C'était super ! Et puis je pense que tes hommes aimeraient t'y voir. » Minauda-t-elle en le taquinant, triturant le col de son tee-shirt par envie de glisser ses doigts autour de sa nuque et de l'étrangler. Tu pues … « Tu veux passer te doucher chez moi d'abord, ou les vestiaires te suffiront ? » S'enquit-elle en battant des cils, sentant les regards des autres sur eux.