On this sad day, what can I do ?



Les gouttes d'eau, longeant son épiderme pour se loger contre ses vêtements, noyaient ces perles salées roulant sur ses joues blanches nacrées. Tasyr posa sa main droite au sol en guise d'appui, et promena son regard farouche et sombre sur la rue vide qui s'offrait à lui. Dans un mouvement maladroit, le syrien tenta de se relever  mais perdit l'équilibre aussitôt, s'accroupissant. La bouteille vide buta contre le trottoir trop près, trop fort, dans cette semie-chute, s'éclatant en morceaux sur le goudron. Aaaaaah .. Aie . Le taux d'alcool dans son sang l'empêchait de réagir aussitôt, et quelques secondes furent nécessaires au garçon pour lever son coude et apercevoir la coulure rouge du sang, libéré par un morceau de verre. Tapotant sa peau à l'aide de son sweat, Taz vacilla mais recouvra son équilibre en enfouissant sa tête entre ses bras, le visage contre ses genoux. 28 juillet . C ' était le seul jour de l'année où il pouvait se permettre d ' être faible . Fuyant les cours cette journée, l'adolescent avait passé l'après midi à la cuisine pour confectionner de ses propres mains sa pâtisserie annuelle. Doué d'intelligence stratégique, le garçon avait trouvé le moyen d'occuper Mika ailleurs ce temps-là, pour se livrer à ses activités. Il était laid, il était minuscule, et mal cuit, mais le gâteau qui était ressorti du four le rendait indescriptiblement fier. C'était une journée qu'il passait seul, à se morfondre dans des souvenirs encore trop frais. Mais ce soir, le courage lui avait manqué, et Tasyr n'avait pas affronté cette épreuve, n'avait pas soufflé la bougie, préférant fuir dans l'alcool et l'air frais de l'extérieur. Happy birthday, mom. Le murmure lourd de regret lui avait échappé tandis qu'il reniflait pour la énième fois, posté dans cette position recroquevillée, le corps secoué de hoquets. La pluie se mêlait à ses larmes, lui offrant un masque des plus confortables.

On this sad day, you can call me



Je sortais encore tard du boulot. Ca ne faisait jamais que des heures supp’ qui n’étaient pas toujours payé, mais avec le métier que je faisais je ne pouvais pas me permettre de laisser des commandes prendre trop de retard. Et puis … ça me permettait de ne pas trop penser. C’était un bordel sans nom dans ma tête de toute façon. Et je préférais fuir que d’affronter les choses. A 25 ans j’avais l’impression de n’être qu’une enfant paumée qui préfère se cacher sous sa couette avec son doudou que d’affronter la réalité. Je déteste devenir adulte, je déteste les gens, je déteste l’amour. Comme ça c’est clair. J’ai raté le dernier bus, je lâche un soupir. Je pourrais prendre un taxi, mais ce soir j’ai envie de rentrer à pied. Histoire de prendre l’air et de respirer un bon bol d’air frais. Evidemment il pleut. Mais qu’importe, je dégaine mon parapluie dans mon sac et quand il s’ouvre je pousse un grognement contre West. Il a remplacé mon parapluie blanc, par un parapluie vert fluo en forme de grenouille. Super crédible. Je lâche un soupir et hausse les épaules. Cette pluie me rend mélancolique. Les lumières de la ville se reflètent dans les flaques d’eau. C’est presque beau. Je prends mon temps pour rentrer. Je me sens morose. J’avance doucement sans trop savoir où je vais finalement. J’ai décidé de prendre à droite ce soir. Et plus j’avance, et plus je m’éloigne de chez moi. Au détour d’une rue je vois une forme sombre sur un trottoir. Je ne sais pas vraiment pourquoi, ni même si c’est à cause de mon humeur, mais cette vision me touche en plein cœur. Les gens qui passent à côté s’écartent de ce garçon qui semble si malheureux. Le malheur n’est pas contagieux et ça me fait mal au cœur de voir à quel point personne ne daigne lui apporter un peu d’attention … J’avance vers le jeune garçon sans trop savoir quoi lui dire. Peut-être que je vais le déranger, mais passer à côté de lui en l’ignorant … non, je trouve ça trop cruelle.  Je m’accroupis à sa hauteur et murmure doucement « Excuse-moi … ? » Je ne sais pas trop quoi dire, alors je tente juste d’attirer son attention. Je place mon parapluie grenouille au dessus de nos deux têtes pour le protéger de la pluie et quand j’aperçois un bout de son visage, mon cœur tombe dans mes chaussures. Et mon cœur touché jusqu’ici, ce sent tout à coup vide et douloureux. Tasyr … Ce petit diable noir. Je passe une main dans ses cheveux et lui murmure avec douceur « Poussin … Qu’est-ce que tu fais là ? » Ma voix est empreinte d’une tristesse que me renvoie son image.