Je m'étais encore disputé, pour ne pas changer, avec l'un de mes amis. J'étais insupportable en ce moment, irrité et irritable, énervé et énervant. Tout ça parce que je n'arrivais pas à avoir ce que je voulais, parce que j'étais la cible des regrets et que je n'avais plus le goût de rien. Le verre dans une main, ma cigarette allumée avec difficulté entre les lèvres, je laissai derrière moi la porte d'entrée du bar-boîte pour aller quérir la fraîcheur et le calme simulé de l'extérieur. Toutefois, c'était sans compter sur la présence de ce couple que je n'avais pas vu arriver et, après une maladroite et pittoresque tentative pour me freiner et m'empêcher de leur rentrer dedans, c'est le contenu de mon verre qui s'étala en partie sur la robe moulante de la femme. Tao Jun ne faute pas. Tao Jun n'a pas à s'excuser. Aussi, je grognai d'agacement et, plutôt que me confondre en excuses, aboyai une plainte. « Oh, ça vous arrive pas de faire attention ? » J'étais juste insupportable.

Une magnifique femme au bras, l'alcool se mêlant à mon sang, je quitte enfin la boîte dans laquelle je me trouvais pour rentrer chez moi en bonne compagnie. Je serais incapable d'expliquer comment j'ai pu réussir à draguer cette femme mais toujours est-il qu'elle partage mes baisers et laisse mes mains explorer son corps. Il est donc temps de passer à la suite. Nous marchons à peine quelques minutes lorsqu'un homme semble ne pas nous voir et de ce fait, continue son chemin en notre direction. La collision était inévitable. Je grogne, la douleur n'est que très minime mais lorsque je regarde ma partenaire j'ai la très désagréable vision de sa colère. Elle est recouverte du contenu du verre de l'homme et après quelques cris, elle m'abandonne. L'inconnu se met à me reprendre, il semble énervé et c'est le regard froid et dur que je me tourne pour lui faire face à nouveau. Qui est-il pour me parler ainsi ? Je serre les poings, beaucoup de monde se trouve autour de nous. « Je devrais peut-être te briser les deux jambes pour que tu apprennes à marcher correctement. » Je ne parle qu'à peine la langue de ce pays mais je sais très bien me faire comprendre, surtout lorsqu'il s'agit de menace. Il m'a empêcher de terminer ma soirée en beauté et en plus, il ose m'accuser de son erreur ? Ne mérite-t-il pas que je lui brise réellement les jambes ?

J'étais mécontent. Les cris de la femme faisaient vibrer mon corps. J'avais le désagréable sentiment qu'ils étaient multipliés par dix pour chaque goutte d'alcool dans mon sang et, malgré qu'elles ne soient que guère nombreuses, mes tympans souffraient. Je portai ma paume libre à ma tempe pour la masser doucement et coinçai ensuite ma cigarette entre mon index et mon majeur pour apprécier le chemin allé-retour de la fumée fourbe mais délicieuse. J'avais pas tout compris à ses mots, mais suffisamment assez pour percevoir la menace. Toutefois, hargneux, je fronçai les sourcils et serrai les dents, le regard encore assombri. Je me moquai des gens qui nous encerclaient peu à peu en sentant l'odeur de bagarre qui suintait. « Tu fous quoi là ? Tu tentes de me faire peur ? Ah. » Je simulai un rire bref et moqueur. Mauvaise graine. Voyou. Je ne pouvais même pas mettre ça sur le compte de l'alcool, vu que j'étais encore conscient de chacun de mes gestes, chacune de mes pensées. J'étais fou. Et si j'avais su ce qui m'attendait, j'aurais fermé ma grande gueule.

Dire qu'il m'agace est un euphémisme, il m'énerve au plus haut point, chacun de mes pores est en train de se transformer en colère pure. Jamais on ne m'a manqué de respect, jamais on ne m'a parlé ainsi. Il est en tord, il devrait le savoir, fermer sa gueule et s'excuser, comme un gentil coréen qu'il  est. Encore une fois, mon visage de gamin, celui qui va si bien à mon double, me porte préjudice. Si j'avais un visage plus masculin, plus viril, personne ne douterait jamais de mes propos. Je lève les yeux au ciel, agacé par le gamin qui se tient devant moi, de plus en plus. Je sais que je ne risque rien, que s'il me frappe je l’enverrait droit à en enfer. Cela dit, plus il me parle et plus j'ai envie de lui montrer qu'il s'attaque à la mauvaise personne. Une balle perdue, personne ne me cherchera, j'ai trop l'habitude de dissimuler les cadavres. Il croit que je tente de lui faire peur, ah oui ? Je ne peux m'empêcher de rire. Un rire qui n'a rien de joyeux, un rire sombre. « Si j'étais toi, je m’inquiéterais pour ma vie. »] Il croit que je joue mais il doit savoir que je ne joue pas, jamais. Les gens sont autour de nous mais l'alcool m'empêche d'avoir peur et d'un geste lent, j'écarte le pan de ma veste pour qu'il puisse distinguer ce qui se trouve dans ma poche intérieure, mon Desert Eagle qui ne me quitte jamais.

Son rire était à glacé le sang, si peu en adéquation avec son visage d'enfant, sa peau lisse et sans imperfection, ses joues colorées. Instinctivement, je me tendis, un frisson d'angoisse dévalant mon corps, mais l'adrénaline qu'il me procura m'empêcha de me sauver. Tout comme ma fierté, et le reste de mon scepticisme. Il devait être doué pour impressionner, mais je n'étais pas impressionnable. « Ah ouais ? Prouve-le. » Je cherchais les ennuis. J'étais un bagarreur dans l'âme, depuis toujours. Comment quelqu'un comme lui, qui semblait si doux, pouvait-il être en mesure de faire quoi que ce soit ? Qui plus est parce que sa copine était partie changer de robe -ou un truc comme ça, fin je supposais qu'elle allait revenir- . Néanmoins.. Fuck. Des cris paniqués éclatèrent autour de nous lorsqu'il sorti ce qui ressemblait à ne pas s'y tromper à une arme à feu. Chargée ou pas, j'étais con, mais pas suicidaire. Aussi, je plantai nerveusement mes dents dans ma lèvre inférieure et laissai mon entourage fuir. Planté, pour ne pas dire paralysé par l'angoisse. Je ne savais que faire : je m'étais engagé sur un chemin boueux et glissant sans savoir les risques que j'avais pris, mais il était trop tard pour faire demi-tour. « Bluff. » Je n'en étais pas certain, mais je priais pour que ce soit le cas. Mon regard ne lâchait pas l'arme, et les battements de mon cœur raisonnaient à mes tempes. J'étais passé d'une attitude à l'autre en un clin d’œil.

Les gens crient, la panique les envahit, certains fuis, d'autres restent mais garde leurs distances, curieux. Je me nourris de ce sentiment de supériorité, je jouis de la peur que je provoque chez les autres. Lorsque je vois cela, je n'ai qu'une envie, sortir mon arme et tirer. Tirer sans but, tirer là où je le peux et les voir courir pour s'enfuir. Je suis dangereux, bercé par la violence et nourris au sang. Si je n'étais pas de la mafia, si elle ne régentait pas le monde alors probablement serais-je en prison. Seulement je ne le serais jamais, parce que même les meilleurs flics peuvent être corrompu.
Il a peur, je peux le sentir. Il fait le fier, mais dans ses yeux l'inquiétude est bien présente. Mon bijou fait toujours cet effet-là et un sourire narquois prend place sur mon visage. Du bluff? Oh non très cher, je n'ai rien d'un joueur de poker, lorsque je frappes je ne fais pas semblant. « Du bluff, vraiment? Tu me permets de te viser pour un coup d'essai alors? » Je ris, encore. Oh que ce serait merveilleux s'il me facilitait la tâche. Je n'aime pas faire ça au milieu d'une rue passante mais il ne me donne pas le choix, il me provoque, il me cherche. Le danger ne me fais pas peur, je ne risque que quelques heures de prison, quelques jours tout au plus avant que ma famille me fasse sortir de derrière les barreaux. Je pense que je disparaîtrais un certain temps ensuite, Him Jae serait furieux. Je m'en moque, il me libérera à la première mission.
Je sors alors mon bébé de la poche intérieure de ma veste et vise, pointant le canon en direction de l'homme qui me tient tête et tire. La balle passe suffisamment près de lui pour qu'il est peur mais pas assez pour le blesser. Le bruit résonne dans la rue, l’écho est persistent et moi, je souris encore. Les gens sont faciles à berner, je le fais depuis toujours, il suffit de leur dire que ce bruit n'est le résultat que d'une explosion de pétard et ils y croiront. L'homme face à moi, par contre, devient plus livide qu'un linge et moi, je décide qu'il sera ma nouvelle façon de me divertir ce soir. Il ne faut pas jouer avec la nourriture, je sais mais que voulez-vous, je suis un grand gamin. « Tu veux toujours jouer? »

Mon regard faisait d'inquiets vas-t-viens entre son arme, ses doigts, et son visage. Je cherchai à tirer de la situation toutes les preuves me suffisant à comprendre qu'il bluffait, qu'il n'allait pas tirer, qu'il n'allait pas me tirer. Après tout, une situation comme celle-ci arrivait tous les soirs, en sortant du bar, non ? Et, si l'on devait me tirer dessus pour chaque bagarre ou chaque impolitesse prononcée, je serais mort une douzaine de fois. On ne pouvait renier ce que l'on était. J'étais un fouteur de merde. Que pouvait-on y faire ? Derrière un masque d'indifférence où se peignait peu à peu la peur, je blanchissais et sentis les premières gouttes froides tomber le long de ma nuque. Je n'étais pas suicidaire, comme je l'avais déjà dit, et si je ne bougeai pas, je maudissais ces spectateurs avides de sang pour ne pas sortir leurs portables et appeler les flics. Putain. J'étais mal barré. Tout s'enchaîna bien trop vite et mon corps stoppa ses battements, à tel point que la douleur me lancina la poitrine. Une balle, à quelques centimètres tout juste. Un bruit de tonnerre, et puis, plus rien. Les yeux écarquillés, je me mis à trembler sans le vouloir. Incontrôlé. Je n'avais plus le moindre contrôle sur mon corps, mes pensées. Finalement, je ne sus s'il s'agissait de couardise ou de courage, d'intelligence ou de stupidité, mais je tournai les talons en vitesse et, lâchant mon verre et ma clope, décampa. Fort heureusement pour ma fierté personnelle et mal placée, les quelques idiots qui voulaient jouer le public avaient pris peur avant moi et s'étaient éloigné en vitesse. Ainsi, personne n'assistait à cette scène si peu conventionnelle. Putain. J'allais crever. J'aurais voulu lui hurler qu'il était fou, taré. Totalement taré. Quelques secondes m'avaient suffit pour être en nage, et brûlant. Gelé.

Il part, il s'enfuit. Enfin il a compris que je ne plaisantais pas, que tout ceci était sérieux. Dommage qu'il soit trop tard et que j'ai pris goût au jeu. Il peut courir autant qu'il le souhaite, je le rattraperais. Je n'ai rien d'autre à faire puisque celle qui devait être mon amante pour la soirée a disparu par sa faute. Un rictus prend place sur mes lèvres alors que je le laisse prendre de l'avance. Il serait encore plus amusant qu'il se croit tiré d'affaire et que je reviennes à la charge ensuite. Un coup d’œil autour de moi suffit à me faire prendre conscience que la rue s'est vidée, pourtant des regards subsistent. Je prend alors un sourire bien plus doux et range l'arme, faisant un signe de la main aux gens autour de moi. « Mesdames et Messieurs, merci d'avoir assisté à cette scène créé et imaginé par les étudiants en cinéma de l'Inshinae ! Votre réaction nous encourage à encore améliorer notre performance, venez nous voir au spectacle de fin d'année ! » Je m'incline à plusieurs reprises puis pars à la recherche de ma réelle cible, reprenant un air sérieux.

J'avance dans les rues, imaginant le parcours que j'aurais pu faire si je souhaitais m'échapper à moi-même et là, souriant, je pénètre dans une ruelle sombre. Je suis certain qu'il n'est pas loin, il n'est qu'un humain comme les autres, cherchant à fuir dans l'ombre au lieu de courir dans la lumière, là où je ne pourrais pas agir. Ils me font penser à ses acteurs dans les films d'horreurs qui se séparent, se rendant plus faible face au tueur. « Je sais que tu ne te caches pas loin et je vais te trouver, surtout n'en doutes pas. » Je ne sais pas s'il m'entend ou s'il a couru plus loin mais dans tous les cas la partie ne finira que lorsque je l'aurais personnellement décidé.

J'avais pris la fuite tel un lapin de garenne, usant de la force de mes jambes pour courir toujours plus vite. J'habitais Suwon depuis tout petit, et je pouvais me féliciter d'avoir presque les plans de la ville en tête. Ainsi, dans ce dédale de rues et de bâtiments, je slalomais à en perdre haleine, priant pour que mon échappade soit couronnée de succès. D'un détour à droite, je m'engouffrai dans une ruelle sombre, presque noire, crasseuse. Les grands immeubles se collaient presque, laissant tout juste assez de place pour deux personnes en largeur. Et de la même manière, leur hauteur m'empêchait d’apercevoir la lune, le ciel et la lumière. Plongé dans l'obscurité, le coeur battant à tout rompre, le souffle lourd et rapide, le corps secoué de tremblements irrépressibles. Les sirènes du cortège policier me tira une grimace de dégoût : ne pouvaient-ils pas arriver en temps et en heure plutôt qu'assister à l'épilogue ? Je m'accroupis, le dos contre un mur. Je pouvais bien me moquer, à l'instant, de l'odeur de crasse, d'urine, qui m’empreignaient peu à peu. L'air était nauséabond, me prenait à la gorge. Cependant, je plaquai ma main contre ma bouche au moment où des pas se firent entendre dans la ruelle voisine. Des pas, puis un éclat de voix. A nouveau, ma poitrine s'oppressa. C'était peut-être totalement con et idiot vu que j'étais en position de faiblesse, mais j'hésitais à répondre. Pour feindre ne pas être couard. « On joue à cache-cache ? » Je ris. Et je me mordis la langue. J'étais tellement con. Je le provoquais encore. Il allait me flinguer. Je me ratatinai donc contre le mur et, tournant la tête, vérifiai qu'il y avait bien une sortie au bout de la ruelle. Sauf que rien n'était moins sûr.. Et qu'il allait sans doute débarquer d'un instant à l'autre.

Est-il fou, ou n'a-t-il simplement pas conscience du danger ? Personne ne m'avait encore tenu tête ainsi, personne ne s'était encore dressé face à moi et j'admets que cela a un petit côté amusant, excitant presque. Cependant ce n'est pas si divertissant que ça puisque je sais déjà comment cela va se terminer, ma victoire est inévitable. J'avance à petits pas dans la ruelle, seul le bruit des voitures passant sur l'avenue principale brise le silence. Je sors mon Desert Eagle à nouveau et le tiens fermement. Cet homme n'était pas sur ma liste mais désormais, il est ma cible. D'un coup de pied, je renverse l'une des poubelles. « Jouons, mais toutes les cartes sont entre mes mains. » Personne ne m'échappe, jamais. J'ai été élevé pour tuer, pour détruire les cibles qui m'étaient donné et si j'en avait manqué ne serais-ce qu'une seule, alors je n'aurais pas le rang que j'ai aujourd'hui, pas à mon âge. Je cesse marcher lorsque je cible le seul endroit où il puisse se dissimuler et les sirènes policières me font rire à nouveau. Ils sont si peu rapides qu'ils me facilitent la tâche. « Comptes-tu te laisser abattre comme un animal sans défense ? Que c'est pitoyable. » J'ai bien l'intention de provoquer sa fierté en disant cela, bien que je le pense également. Il ne se laisse pas faire et j'aurais encore plus de satisfaction à tirer s'il se tient fier, debout face à moi. Je ne bouge plus, j'attends, caressant mon pistolet de mon index. Il va sortir, j'en suis certain.

Masochiste ou bien ? Répondre de vive voix assurait ma déchéance, ma mort. J'étais désormais certain qu'il ne bluffait plus, que son arme était chargée, prête à me tirer comme un lapin. Me collant davantage au mur, les jambes contre mon corps, je grimaçai. Les pas se rapprochaient, ma vie s'écourtait. Je me mordis l'intérieur des joues pour m'empêcher de répondre une seconde fois, et tentai de me fondre dans le mur. Je n'avais pas vu de fin à cette ruelle, et qui dit cul-de-sac dit Tao-Jun-couic. Son rire est à glacer le sang. C'est un putain de psychopathe. Tu m'étonnes que sa copine ai saisit la première occasion pour foutre le camp ! J'parie même que, bien au chaud chez elle, elle est en train de me remercier de toutes les larmes de son corps. Sauf qu'à cause d'elle, j'étais à deux doigts de crever, moi. Je peinais à rester silencieux, à retenir mon souffle. J'allais manquer d'air. Il n'était pas loin mais semblait s'être arrêté. Je levai donc les yeux et détaillai mon environnement pour chercher une porte de sortie et.. Et Bingo ! Si j'avais la capacité des supers-héros des films, j'avais une chance de m'en sortir ! Je me relevai donc sans bruit et grimpai sur le container. De là, je sautai pour atteindre le rebord large d'une fenêtre. Malheureusement, je le manquai de peu et en retombant, fis le bordel du siècle. « Putain de merde ! » murmurais-je, affolé. Très rapidement, je réitérai une puis deux fois l'expérience jusqu'à atteindre ce putain de rebord, me niquant les mains au passage. Et encore une fois, me prenant pour Tomb Raider Boy, je mis ma vie en danger comme un fifou -faut dire que c'est pas comme si elle l'était déjà, quoi.. - pour m'y hisser et sauter sur la partie plate de l'immeuble d'en face. Je remerciai son architecture laide à pleurer, mais d'une aide indéniable. Et perché ici, je me couchai pour reprendre mon souffle, persuadé d'être hors de danger. « Vas-y viens ! On joue, je t'attends ! » Psychopathe VS fou à lier.

Il corse le jeu et cela me ravit, pour prendre le temps d'un ébat amoureux, il va falloir qu'il me divertisse, à défaut de pouvoir faire disparaître cette frustration qu'il a lui-même créé. Je l'entends bouger, mon ouïe s'est développée avec le temps, surtout lorsque je suis en mission. Tout ceci n'est en pas une, évidemment, mais la finalité est la même. Ce soir, pour me détendre, je vais tuer un homme. L'alcool altère ma vue et brouille mes autres sens, il est si présent dans mon corps qu'il m'empêche de marcher totalement droit mais je ne perds pas ma prestance pour autant. Je frotte le canon, laissant mon divertissement tenter de s'échapper. Il n'a pas idée de qui je suis, de ce dont je suis capable. Je ris, encore une fois. Il m'amuse désormais bien plus qu'il ne m'agace. Il fait tant de bruit que si je l'avais voulu je n'aurais eut aucun mal à l'abattre, déjà. Troisième tentative, j'entends ses pieds glisser sur la pierre de l'immeuble, on dirait qu'il a réussit à se hisser. Je n'avais pas prévu cette option mais ce n'est pas grave, le jeu se corse un peu, c'est électrisant. Une nouvelle provocation ? Suis-je tombé sur l'homme le plus courageux de la ville, ou le plus stupide ? Je pencherais pour la seconde option. « Oh tu m'attends ? » Je ris. « Je te conseille de bouger, parce que je vais t'attraper, petit chat. » C'est ce à quoi il me fait penser, un animal qui tenterait de s'enfuir. Je regarde brièvement autour de moi et aperçois la lourde porte de secours de l'immeuble. Évidemment, il ne pouvait la voir de là où il se trouvait. Un rictus prend place sur mes lèvres et j'entre par effraction, provoquant un bruit sourd de fer. Mon arme à la main, je demande aux gens de se pousser. Je ne parle plus coréen mais je n'en ai que faire, ils font ce que je demande. Rapidement, je trouve les escaliers qui mènent au toit et je les gravit le plus rapidement possible. Il y a un grand nombres d'étages et même moi, je me retrouve essoufflé. Je fais une pause avant d'ouvrir la porte, reprenant mon souffle et enfin, d'un coup de pied, je me retrouve sur le toit. Je reste silencieux, le vent me fouettant le visage. Les bruits de la ville se font entendre et je dois desceller les siens au milieu, s'il est toujours là.

On dit qu'entendre un inconnu fait peur. Qu'entendre le bruit des balles vous paralyse de terreur. Le silence est toutefois la pire chose que l'on puisse entendre dans ces moments là. Il nous prive de la possibilité de situer l'autre, de l'appréhender, de le voir venir. Couché sur ce toit, je reprenais mon souffle et tentais de calmer les battements fous de mon cœur. Je ne savais pas vraiment si c'était des secondes, ou des minutes.. voire même des heures, mais le temps s'écoulait au ralentit dans cette situation. Et, lorsque j'entendis la porte du toit claquer, je sursautai. Okay, il m'avait trouvé, et j'étais trop essoufflé pour jouer à l'homme-araignée une nouvelle fois. Je jugeai d'un regard la hauteur que j'apercevais, sûrement faussée par la noirceur de la nuit, et compris que je ne pourrai pas fuir par là.. Du fait, je me mis à ramper je ne sais où, en priant pour qu'il ne me trouve pas. Si j'avais su, en sortant, que je signerai mon arrêt de mort.. ah. Y'a des jours où on ferait mieux de rester au lit ! Il fallait juste supplier le ciel pour que la nuit l'empêche de me voir.

Je suis une machine, un monstre prêt à tuer. On m'a toujours dis de ne pas réfléchir, d'agir et d'obéir aux ordres. Personne n'a d'importance à mes yeux, ceux qui en avaient ne sont plus de ce monde et les ordres désormais, c'est moi qui les donne. Ce soir je ne devais tuer personne, ce soir je devais être un tant soit peu humain mais cet homme en a décidé autrement et l'alcool qui coule dans mes veines ne m'aide pas à relativiser. En suis-je seulement capable ? Les seules règles que je suis, c'est moi qui les fais, ou Him Jae. Il m'interdit de toucher son visage, il est si mignon. Je pourrais en vomir de dégoût mais ce serait du temps perdu. J'avance sur le toit, mes pas sont lents et je tente de concentrer mon esprit sur le moindre bruit qui pourrait se faire entendre. Je suis saoul et cela perturbe mes sens, je n'arrive pas à me focaliser sur un seul son, un seul élément. Je n'aime pas être dans cet état en de telles circonstances, cela me diminue et mes capacités en sont amoindries. Un bidon se trouve près de moi et je donne un grand coup de pieds dans celui-i pour qu'il tombe au sol dans un bruit retentissant. S'il sent que j'approche, alors il se trahira lui-même, ils le font tous. Mes yeux balaient l'horizon, il se cache bien mais personne ne m'échappe, jamais. « Tu es terré dans ton trou petit rat ? » Je me prépare à tirer au premier mouvement. « Tu n'aurais jamais dû m'accuser de tes pauvres actions. » Je ne parle plus coréen, j'en suis bien incapable de toute façon. Un bruit, je me tourne et tire puis vais voir. Rien, fausse alerte. J'esquisse un rire, tout n'est qu'une question de temps.

Ventre à terre, je cessai d'avancer chaque fois que ses pas résonnaient sur le toit. Mon haut était sale, et ça n'était pas le seul. Par tous les endroits où j'étais passé à toute vitesse, toutes les fois où j'avais manqué de tomber, et les fois où je m'étais concrètement étalé, les conséquences étaient visibles. Des traces de boues, de crasse, des égratignures et même du sang souillaient mon visage, ma peau en général. Mais je n'en avais même plus cure. Seule ma survie comptait. Les secondes semblaient des heures, le sang battait à mes tempes, ma poitrine se compressait. J'avais l'impression que mon cœur pouvait lâcher à tout instant. Mes mains se plaquent sur mes oreilles à son coup de feu, et je pousse un cri étouffé sous la surprise. Peu après, je me mordis la lèvre inférieure. J'savais pas ce qu'il disait, j'comprenais pas. Ses pas s'éloignent, s'immobilisent, reviennent, vont et viennent. J'ai presque envie de crever, pour mettre fin à cette situation insupportable ! Mon souffle erratique se fait plus lourd. Mes yeux se ferment, et je serre les poings sur le sol. J'devais pas abandonner. J'préférais y passer noblement que m'enfuir avec couardise. Aussi, idiot ou brave, je me relevai : « Ça sert à rien de me terrer, j'vais finir par me coincer tout seul. » J'ignore comment j'ai réussi à rester si calme au ton de ma voix. Mais évidemment, je ne le fus guère longtemps, et la panique me prit, me forçant à parler vite, à trahir ma peur. « Vas-y, tire si t'as les couilles. » Il les avait, c'était certain. C'est moi, qui n'en avait plus assez pour fuir. J'étais à bout de souffle, épuisé.

Le temps est lent, il est maître de tout et bien souvent il nous apporte la réponse. Je dirais que la réponse à ma quête de la soirée n'est autre que l'inconscience de ma cible. Qui serait assez fou pour se tenir droit face à un tueur armée ? Aucune de mes précédentes victimes ne l'étaient et ce, malgré leur présence au sein des rangs de diverses mafias. Il est étrange de se dire qu'un homme des plus communs revêt plus de courage et je dois admettre que j'en suis agréablement surpris. Si surpris qu'il mériterait sans doute que je lui laisse la vie sauve. Seulement le courage, c'est aussi une sorte de bêtise et ne devrait-on pas punir pour la bêtise ? Hm. Un souvenir de moi ancré sur sa peau pourrait me satisfaire mais j'ai bien trop bu pour penser correctement, pour assimiler les idées. J'avance vers lui, souriant. Il était bien caché mais à me tenter ainsi, je dois admettre que la bêtise est plus présente que la bravoure. Je ris, encore, m'avançant toujours plus près, jusqu'à ce que je puisse poser mon canon sur sa tempe. Je peux sentir la peur dans chacun de ses pores, son souffle et irrégulier et moi, je m'amuse comme un petit fou. J'appuie sur sa tempe, un court instant, puis retire mon canon et m'éloigne un peu. « Tu enlèves tout attrait à mon jeu. » Je me concentre pour tenter de former une phrase correcte en coréen mais rien n'est plus compliqué à l'heure actuelle. « Ta vie n'a-t-elle aucune valeur ? Ne comptes-tu pour personne ? » Je me moque de ses réponses à vrai dire, la gâchette me démange mais j'ai encore envie de jouer, moi. Je pourrais presque bouder tant il me frustre.

A chacune de mes aspirations, l'air me brûlait la gorge et les poumons. A chacune de mes expirations, un bruit saccadé précédant l'élévation d'une fine nappe blanchâtre m'échappa. L'air été devenu froid, cinglant. La sueur dévalait mon dos, ma nuque. Les frissons mangeaient ma peau. La peur suintait par tous mes pores. C'était ça, la peur. La peur, encore et toujours, maître-mot de l'instant présent, de la situation. Trop importante pour m'aider à fuir et à lutter, je voulais juste en finir. Mes membres étaient exténués, la douleur se faisait ressentir par chaque muscle que j'avais sollicité un peu trop. Je grimaçai. Le canon était froid, plus froid encore que la mort elle-même, sans doute. Je serrai les dents. Je mordis ma lèvre. « J'me branle de ton putain d'intérêt. » Après tout, qu'est-ce qui m'intéressait, maintenant que mon cœur battait si fort à ma poitrine que j'avais l'impression de mourir à chaque seconde renouvelée ? Pourquoi ne tirait-il pas ? J'étais déjà suffisamment torturé. J'me rendais, je lâchais les armes, ça ne suffisait pas ? « Ah. Y'a des choses qui t'regardent pas mon grand ! » J'ignorai jusque là ma capacité à faire preuve d'orgueil et d'arrogance dans ces situations. Un sourcils arqué, ma langue temporairement tirée en signe de moquerie totale.. J'me moquais de tout ; j'allais y passer. Si j'comptais pour personne ? Peut-être bien au final. J'avais pas d'réelle attache. Sans doute qu'on pleurerait ma mort, et ma mise en terre, avant de reprendre sa vie avec indifférence. Même celle qui m'était le plus cher m'échappait comme de la fumée, me glissant entre les doigts. Je reniflai avec dédain et comblai encore la distance. Finalement, peut-être bien que ça changerait rien, d'y passer ? Toute peur disparut instantanément de mon regard, et je posai ma main sur la sienne pour guider l'arme jusque ma poitrine, non sans user de sarcasme. « Le plus efficace, c'est encore de tirer là. Mais tu dois l'savoir, nan ? »

Quel attrait aurais-je si mon si courageux jouet devient aussi fuyant qu'une biche ? Aucun, je l'admet. Cependant, je trouverais cela plus... Comment dire... Amusant. Courir, le chercher, tirer à distance. C'est ça que j'aime, la chasse, la traque. Les gens me trouvent anormaux, ils pensent que je ne suis qu'un fou et à ceux-là je répondrais que je dois l'être un peu mais que grâce à cela, j'ai un rang dont certain serais envieux et une vie plus aisée que les gens aimables. Je n'ai aucune mérite, je suis un robot, une machine construite de toute pièce. J'obéis aux ordres que l'on me donne, j'exécute puis je disparais. D'ordinaire j'en joue mais il faut croire que soir, l'homme qui se tient face à moi a décidé de mourir. Pourquoi ? Je ne m'en soucis absolument pas mais je trouve cela étrange. Est-ce encore son courage sot ou une simple envie de me provoquer, ça je ne peux pas l'expliquer. Je voulais jouer mais il m'a eut. Il m'énerve et mérite sa punition, il mérite que je cesse mon jeu et que je lui donne sa sentence. Il veut que je lui prouves qu'il ne peut pas gagner, très bien. Sa vie s'achèvera ici, ce soir. Mon Desert Eagle est sur sa poitrine et je souris en coin lorsqu'il croit m'expliquer les choses, répondant froidement. « Oh non. Il est plus efficace de tirer dans le cœur ou dans la tête mais il est plus jouissif de tirer ici et de regarder l'agonie. » Je baisse mon arme sur son aine et tirer un coup, un seul, pas besoin de plus. L'adrénaline envahit mon bras puis le reste de mon corps et je le regarde, reculant d'un pas. Mon sourire ne quitte pas mon visage, je recule encore, légèrement. Voir un homme vivre ses derniers instants est triste pour les gens normaux, ce fut triste pour moi lorsque mes pères sont morts mais désormais, la seule émotion que je ressens, c'est de la satisfaction.

J'avais pensé connaître le gel des hivers poignants, de la peur saisissante. J'avais pensé connaître la brûlure du sable ardent du Sahara, de l'adrénaline. J'avais tord. Rien ne me sembla plus chaud que le sang qui s'échappa d'une blessure mordante, plus froid que la balle se logeant sous ma peau, déchirant ma chaire. J'avais voulu crier, mais seul un son étouffé franchit la distance de mes lèvres. Reculant d'un pas, les pupilles dilatées sous la peur, je finis par fixer le sol en recrachant les premières gouttes d'un sang au goût âcre et métallique. Les mots s'étouffèrent dans ma gorge, moururent avant de naître. Peu à peu, finalement, le poids de mon corps m'entraîna en avant, et je ne sus user de mes appuis pour éviter de finir face contre terre. Insoutenable, insupportable. La joue contre le sol, je fixai cette main droite qui tremblait trop, dont les ongles courts raclaient le sol dans un geste désespéré. J'avais voulu jouer, je m'étais rendu, j'avais perdu. Seul, sur le toit de cet immeuble, j'allais rendre mon dernier soupire, sans aucun doute. Qu'importe les lumières qui s'allumaient, les cris qu'avaient suscité ce tir dans les alentours ; mes yeux se fermaient. Le sang cessa de battre à mes tempes, à mes veines. Ma peau cessa de blanchir, à l'inverse du sol qui pouvait s'empêcher de rougir. Mon souffle se suspendit ; mes paupières se recouvrirent dans leur entièreté ce regard orgueilleux blessé.

Le soleil se lève au loin et je dois bien admettre que j'en suis surpris. La clarté n'est que des plus minimes et j'entends la foule s'agiter sous nos pieds. Est-ce le coup de feu, le début de la journée, la fin de la nuit ou tout à la fois qui les fait crier ainsi, s'agiter, je ne saurais le dire. Tout ce que je sais c'est que je vois cet homme face à moi, cette homme qui n'aura peut-être même pas le temps de voir le soleil pour la dernière fois. Mourir pour un verre renversé, c'est tout de même stupide et sans que je ne le comprennes, je commence à me sentir mal. Pourquoi ai-je fais cela ? Avais-je réellement le droit de prendre la vie d'un innocent au début de sa vie ? Bien sûr que j'en avais le droit, il l'a cherché, il m'a cherché ! J'ai envie de vomir. Putain. Je ne comprends que trop vite ce qui m'arrive, il m'a énervé mais lorsque j'ai tiré j'ai senti une telle satisfaction que la colère s'est envolée et Him Jae va reprendre possession du corps qui devrait être le mien. Mes yeux s'embuent et j'ai chaud, très chaud. Je me sens mal, j'ai la tête qui tourne et mes jambes flagellent, me faisant tomber au sol. Je suis à quatre pattes, je tente de garder le contrôle mais c'est une maladie, pas un quelconque tour de magie. J'ai mal et puis soudain, le noir. Mon corps gît sur le toit, évanouis.

La lumière me fait froncer les sourcils et lorsque j'ouvre le yeux, je me demande ce que je peux bien faire sur ce qui est visiblement un toit. Il ne fait pas chaud, je tremble presque de froid. Lentement, je me redresse et là, mes yeux se posent sur un corps, un corps blessé, un corps sur lequel quelqu'un a tiré, sur lequel j'ai tiré. Noah ou moi, quelle importance ? J'ai peur, peur de voir un cadavre, peur d'avoir éliminer un homme qui n'a en aucun cas le profil de quelqu'un que la mafia pourrait vouloir retirer du monde. Je tremble de peur, j'ai du mal à respirer et je m'approche lentement. Pitié, faites qu'il respire encore. Je m'accroupis près de lui et tend le bras pour apposer mon index et mon majeur entre son nez et sa bouche. Je peux encore sentir un souffle, faible mais bien présent. Je me redresse alors sans attendre et appelle les pompiers, je décris l'endroit où je pense me trouver, bien que ce soit flou, puis raccroche. Personne ne doit savoir que je me trouvais ici. Je recule, regardant une dernière fois l'homme qui j'espère, survivra, puis je prends l'escalier de secours pour m'enfuir. Je veux rentrer, je veux dormir, je veux oublier que mes mains ont encore faits du mal.