Vivre le jour, dormir la nuit. Dormir le jour, vivre la nuit. … Dans le cas de Sul Li, elle ne dormait tout simplement jamais. Du moins, durant ses années trainee, ce fut le cas. Ses journées comme ses soirées se résumaient à des répétitions. Parce qu'il fallait toujours se perfectionner, se dépasser, afin d'offrir le meilleur spectacle possible. Afin de ne pas se faire lyncher par la presse, par les anti-fans. Afin de contenter le monde du showbusiness dans son ensemble, ce qui était loin d'être une mince affaire. Elle sacrifia sa jeunesse, sa santé, et même sa vie sociale pour arriver à se hisser tout en haut des charts, pour devenir une « idole ». Et pour quoi, au final ? Retomber dans l'oubli. Enfin, retomber dans l'oubli... Si seulement la totalité du monde l'avait oubliée. Ce n'était malheureusement pas le cas. Ceux qui s'en souvenaient ne gardaient en tête que sa réputation de « salope », une réputation qu'elle ne méritait pas mais qu'elle devait pourtant se coltiner, envers et contre tout. Parce que des personnes mal intentionnées la lui avaient assigné, détruisant ainsi sa vie.

Au jour d'aujourd'hui, elle ne dormait... Toujours pas. Mais pour des raisons différentes. Parce qu'elle devait enchaîner les petits boulots pour joindre les deux bouts, tout en jonglant avec des études, et avec des tentatives de repercer qui étaient plus ou moins efficaces. A vrai dire, elle manquait tellement d'argent qu'elle avait fini par accepter les propositions de Rae Gun. La première : celle de devenir sa femme de ménage, et bien que ce soit dégradant, elle prenait sur elle et s'exécutait car l'argent ne tombait malheureusement pas du ciel. Puis c'était toujours mieux que le poste qu'il lui avait proposé au tout départ : prostituée. Encore aujourd'hui, malgré ses excuses, elle lui en voulait. Elle lui en voulait, parce que sûrement que comme tous les autres, il ne l'avait jugée que sur sa réputation et en avait donc conclu qu'un tel métier lui correspondrait. Enfin bref, en parallèle à ce poste de femme de ménage, elle lui servait aussi d'accompagnatrice. Pour certaines soirées. Elle était plutôt bonne actrice puis cela lui servait de complément, un bon moyen d'arrondir les fins de mois. C'est ainsi que, vêtue d'une jolie robe en adéquation avec la situation, elle se pointa au lieu de rendez-vous. « Nee, prête... » qu'elle répondit d'un air bien moins enthousiaste. Faire la potiche ne lui plaisait pas. Puis Rae Gun... Enfin, disons juste qu'elle n'avait pas vraiment confiance en lui, et qu'elle doutait fortement du fait qu'il soit fréquentable. Mais, ce n'est pas comme si elle avait le choix.

Une fois à table, elle ne put s'empêcher de déglutir face à ce... Drôle de spectacle. Il n'y avait que des hommes, autour de cette table. Et des hommes... Comment expliquer... Vous voyez, les films italiens ? Avec les mafieux ? Eh bien, calquez cette situation mais sur un pays tel que la Corée. Oui, on aurait dit qu'ils étaient tous des gangsters... Rien de bien rassurant, en somme. Elle déglutit, se penchant légèrement vers Rae Gun pour lui faire connaître le fond de sa pensée justement, lui chuchotant quelques mots à l'oreille. « Dis... C'est pas pour être méchante ou quoi mais... Tes copains sont un peu... Enfin, un peu... Enfin...  Je prends des risques là, en fait. » Elle aurait dû demander à être payée plus, elle risquait sa vie en se trouvant parmi ce genre de personnes, non ? Oui oui, la jeune femme s'imaginait déjà dans un film à la Al Pacino.

Un téléphone portable ? Elle le fixa d'un air surpris un moment... Avant de comprendre, et de sourire légèrement, amusée. En voilà une solution ! C'était bien plus discret, et au moins, ainsi, elle pouvait dire le fond de sa pensée sur ces quelques individus les entourant. C'est ainsi donc qu'elle se mit à pianoter joyeusement sur le clavier de l'appareil, puis quand il lui demanda si elle voulait quelque chose à boire, elle se contenta de secouer légèrement la tête, souriant toujours. « Non merci, ça ira. » Pourquoi ne buvait-elle rien ? Parce qu'elle était une danseuse. Parce qu'elle avait un corps de danseuse, aussi, et qu'elle était bien décidée à le garder. Elle faisait extrêmement attention à sa ligne, à la manière d'une star du showbusiness. Car on ne perd pas facilement les bonnes vieilles habitudes, comme on dit.

Sauf que, son sourire finit par disparaître lorsqu'elle sentit une main se glisser sur sa cuisse. Elle ne rêvait pas... ? Non, elle ne rêvait définitivement pas. C'était une main. Une main sur sa cuisse. SA main. Et... Il caressait sa cuisse. Elle finit par décoller ses yeux de l'écran des portables, les reportant alors sur sa main puis sur son visage, d'un air ahuri. Il lui disait... Qu'elle avait la peau douce ? En souriant qui plus est. Sauf que la situation n'amusait pas vraiment la jeune femme. Pourtant, elle n'osait pas retirer sa main, car elle ne souhaitait tout simplement pas faire de scènes devant tous ces... Gangsters. Elle se contenta alors de déglutir et de prendre sur elle, tout en rougissant légèrement. Lorsqu'il se mit debout, Sul Li laissa échapper un soupire de soulagement, et se leva aussitôt à son tour, le suivant alors. Si elle n'était pas mal à l'aise ? La jeune coréenne se mordit la lèvre inférieure tout en passant sa main dans ses cheveux, avant de lui répondre, un petit air mécontent sur son visage. « Si je ne suis pas mal à l'aise ? Tu... Tu m'as tripoté là, et t'oses me poser cette question ? J'ai été payée pour être ton accompagnatrice, mais ça s'arrête là ! Je te l'ai dit depuis le départ, je ne suis pas une salope quoi qu'en dise les autres... Je pensais que tu l'avais compris. » Oui, elle pensait qu'il la prenait pour une salope. Comme au premier jour, lorsqu'il lui avait proposé d'être l'une de ses « filles », une prostituée, en somme. Et évidemment, cela lui brisait le cœur. Elle pensait pourtant qu'il avait compris qu'elle n'en était pas une.