Depuis mon arrivée à Suwon, je ne souhaite que le revoir. J'ai eu un peu de mal à l'accepter au début, j'ai toujours eu du mal à assumer mes sentiments, et cette envie toujours plus grande que j'ai de le voir. J'ai pris énormément de temps pour trouver le bon jour pour aller lui rendre visite. Il ne sait pas que je suis venu emménager ici, et je veux que la surprise soit telle qu'il fasse un arrêt cardiaque en me voyant. Je ne veux pas qu'il meure non plus, mais je me comprends.

Dans un premier temps, j'ai attendu d'être bien installé dans mon nouvel appartement. Appartement que je partage avec l'un de mes collègues à Inshinae School, car oui, je bosse là bas en temps que surveillant afin de subvenir à mes besoins. Il m'a fallu économiser pas mal d'argent pour pouvoir emménager en Corée du Sud, maintenant je dois me remettre à travailler puisque j'ai, comment dire, plus que quelques billets qui me servent à manger. Une fois bien installé chez moi, je me suis rendu sur ton lieu de travail. Je me souviens, lorsque nous nous sommes rencontrés, de la façon dont tu parlais de ce rêve d'ouvrir ta propre boutique, voilà qui est fait. Je me sens fier de toi, tu obtiens toujours ce que tu veux, cela ne m'étonne même pas que tu aies réussi à accomplir cette envie. J'ai pris en photo les horaires d'ouverture ce jour-là, puis je suis rentré chez moi. Je n'ai pas attendu de pouvoir t'apercevoir ne serait-ce que quelques secondes parce que je voulais être surpris moi aussi lors de nos retrouvailles.

C'est ainsi que je décide de me rendre enfin à ta rencontre, plusieurs jours après m'être rendu à ta boutique. Quand je me tiens devant mon miroir à la recherche d'une belle tenue, je me gifle mentalement, pourquoi est-ce que je me ferai spécialement beau ? Il n'est pas nécessaire que je m'habille bien, tu dois aimer lorsque je m'habille simplement, et puis, je suis nul en ce qu'il s'agit d'accorder mes vêtements. J'enfile donc un débardeur, je passe une chemise noir par dessus celui-ci dont je laisse quelques boutons défaits, un jean et mes baskets et voilà, je suis enfin prêt à aller te voir. Enfin... Pas tant que ça, le magasin ferme dans moins d'une demi-heure, qu'est-ce que je fais encore là ?! Je m'empresse de quitter mon appartement, je me rends donc sur ton lieu de travail en taxi, chose que je ne ferai pas habituellement, mais maintenant que je me suis enfin décidé à venir te voir, je ne vais pas prendre le risque d'arriver après la fermeture. Après cette course contre la montre, je me tiens enfin devant ton magasin. Je regarde l'enseigne "Heartless Diva" avec un fin sourire dessiné sur mes lèvres. Je passe une main dans mes cheveux, l'autre allant se loger dans ma poche et je pousse la porte d'entrée avec le cœur qui bat la chamade. J'aperçois ton dos à mon entrée, jusqu'à ce que tu te tournes vers moi, mon sourire s'agrandit alors, je lâche même un rire à ce que tu me dis, je m'approche de toi d'un pas lent et confiant. Je ne prends pas la peine de répondre à ta question, te lançant simplement cette phrase : « Je t'ai manqué ? » Pour être franc, il m'est difficile de garder cette attitude confiante et "classe" sachant que tout ce que j'ai envie de faire là, est de sauter dans tes bras.

Une foule de sentiment me traverse, et ce, rien qu'en le scrutant du regard. Qui aurait cru que, moi, Aiden, coureur de jupons, se retrouverait aussi chamboulé par un homme ? Il est évident qu'il faut être vraiment quelqu'un de spécial pour réussir à me faire faillir aussi souvent. Je sens que mon regard sur lui se fait trop insistant, donc je tourne la tête sur le côté, faisant mine d'observer les tenues qui se trouvent dans le magasin. Je note par ailleurs qu'ils sont beaux les vêtements ici, normal j'ai envie de dire, il ne laisserait jamais un vêtement laid passer le pas de ce magasin, sauf en ce qui me concerne, je suis sûr qu'il me laisserait venir ici en pyjama. Mais cela n'arrivera jamais, je n'ai pas encore perdu la raison.

J'ai l'impression que je vais m'évanouir en sentant ses bras m'enlacer. Je suis à la fois heureux qu'il m'ait pris dans ses bras, mais aussi j'ai très envie de le repousser. Les passants peuvent nous voir à travers les vitrines, et un client pour débarquer à n'importe quel moment. Cependant, je ne le fais pas. On se retrouve après six mois sans s'être vus, il m'a manqué, il m'a tellement manqué que ce serait un blasphème que de le repousser. Je laisse mes mains enfoncées dans mes poches, ne répondant pas à son étreinte, je souris simplement à la réponse qu'il me donne. Je me doute bien que je lui ai manqué, à chaque fois que nous nous retrouvons après une longue période sans se voir, il ne cesse de me rappeler que je lui ai manqué, du moins, lors de nos retrouvailles. Après tout ce temps à avoir entendu son accent déplorable en chinois, je n'y fais même plus attention, j'apprécie l'attention qu'il a eu en me disant cela dans ma langue maternelle, sans doute parce que je trouve que ça a un côté symbolique.

Pour ma part, je m'en tiendrais au coréen, je n'ai jamais eu l'occasion d'expérimenter cette langue avant de venir ici, je ne vais certainement pas reprendre mes mauvaises habitudes et parler le mandarin, je dois m'habituer à la langue du pays dans lequel je vis. Mes yeux sont rivés sur le beau visage de Shûji, je le détaille longuement, tenant à voir si quoi que ce soit aurait changé sur lui. Ce n'est pas le cas, mais je continue tout de même, ce visage, je ne l'ai pas vu pendant une longue période après tout. À sa question, je sors de mes pensées. Je décide alors de défaire son étreinte, je me balade à l'intérieur de la pièce en regardant les vêtements disposés dans celle-ci. « J'avais envie de prendre mon indépendance, et Ethan est là aussi. » Je ne le mentionne pas, mais il est également l'une des raisons de ma présence, une petite raison, mais l'une d'elle quand même. Je ne savais pas quand est-ce qu'il comptait revenir, et je ne supportais plus d'être seul. Certes, je voyais quelques femmes lorsque j'étais encore à Hong Kong, mais aucune d'elles n'arrivaient à sa cheville.

Je me tourne vers Shûji, j'avance à nouveau vers lui. J'hésite à formuler ma requête, je ne veux pas être celui qui lui propose de passer la soirée ensemble, c'est sans doute la honte d'aimer un homme qui revient me hanter. Je détourne mon chemin, je me rends dans l'arrière boutique et je m'assieds sur une chaise qui traîne par là, j'attends que tu m'y rejoignes. Je me suis assez exposé à la vue de tous maintenant, je le veux pour moi seul, tout de suite, l'embrasser et l'aimer en toute liberté. Néanmoins, pour cela, il faut que nous soyons seul, donc qu'il ferme la boutique. J'ai bien fait de venir peu de temps à la fermeture, je n'aurais pas à attendre trop longtemps pour obtenir ce que je désire depuis déjà six mois.

Ethan. Je lui en parlais si souvent qu'il doit sans doute déjà le connaître, du moins, il doit deviner comment il est. J'aimerais bien le lui présenter un jour. Mais je n'assume pas mes sentiments à son égard. Jamais je n'oserai révéler la relation que j'entretiens avec un homme à Ethan, il risque de me voir autrement, et j'aurais beaucoup trop honte. Cela ressemble un peu à la relation qu'il a avec son frère. Ethan, est comme mon frère, il fait parti de ma famille à mes yeux et je ne courrais le risque de le perdre pour rien au monde, et il en est de même pour Shûji et son petit frère. Je me souviens toujours de la façon dont il m'a parlé de son frère pour la première fois. " Il est l'être qui compte le plus pour moi, depuis le premier jour." J'avais trouvé cela si touchant que je n'ai pas oublié ses paroles depuis le temps.

Je lui réponds depuis l'arrière boutique, les yeux rivés sur sa personne. « Oui, c'est bien lui, tu ne te trompes pas. » J'étouffe un rire à ce compliment qu'il me lance tout à coup. En quoi est-ce sexy de m'entendre parler coréen ? En plus j'ai cet accent que les élèves de mon lycée qualifient de "mignon", or, il ne l'est pas du tout. « Tu plaisantes, c'est tout sauf sexy. Je crois que je t'ai un peu trop manqué, mon absence t'a rendu complètement fou, Shûji. » Pour x raisons, j'aime prononcer ce prénom, il m'est déjà arrivé en pensant à lui, de juste prononcer ces deux syllabes. Ceci doit paraître un peu dingue dit comme cela, je pense que ça devait aussi être dû au manque et à ce vide qu'il a créé lors de ton départ la dernière fois qu'il m'a quitté.

Le sourire qui orne mes lèvres s'accroît lorsque le propriétaire de Heartless Diva ferme enfin les portes de sa boutique. Enfin. Je n'aurais plus à repousser les avances de cet homme que je désire tant. Je me lève de ma chaise, me promenant un peu autour de la table se trouvant au centre de la pièce avant de m'arrêter, une main posée contre la table, un sourire en coin sur les lèvres. Je suis satisfait qu'il me demande la permission avant de se permettre quoi que ce soit. Depuis trois ans nous nous fréquentons, il est sans doute normal qu'il se soit habitué à ma façon de me comporter avec lui et à ce que je permets ou pas. Dans un souffle, je lâche : « Ne te gêne plus pour ça... » Je l'attends donc derrière cette table, mon regard est ancré sur lui, j'attends qu'il vienne chercher l'objet de tout ses désirs, et qu'il me fasse enfin sien. À cette pensée, je me dis que je suis vraiment accroc à Shûji, je suis choqué par mes propres désirs, ces désirs que j'aimerais tant supprimer, mais il m'est impossible de faire cela.

Je te suis des yeux tandis qu'il contourne la table pour me rejoindre, avant un long trajet en avion nous séparait, maintenant, une simple table. J'ai un peu de mal à m'en remettre, ça paraît si irréel. C'est bel et bien vrai pourtant. Après une si longue période passée l'un sans l'autre, il doit être normal que tu n'arrives à encore à réaliser que je suis là, après tout il en est de même pour moi. Je pense surtout que c'est parce qu'il ne s'attendait pas à ce que je vienne précisément dans la même ville que lui. D'ailleurs, je me demande qu'est-ce qu'il attendait, pour venir me revoir. Je ne dis pas que je voulais qu'il vienne me rejoindre en Chine... En fait si. C'est ce que j'aurais voulu. Si je n'étais pas venu, serait-il venu me rejoindre ? Plus j'y songe, et plus je me dis que non, et qu'il aurait coupé les ponts avec moi. Cependant, rien que de me voir, je sens que j'ai à nouveau de l'emprise sur lui, j'aime savoir que je lui fais tant d'effet, qu'il perd la tête seulement à cause de moi. Avant, je me fichais éperdument de la façon dont j'hypnotisais mes conquêtes, mais avec lui, c'est différent. Il échappe vraiment à toutes les règles ce Shûji.

Sentir ses mains se poser sur ma nuque et mon visage me procure de doux frissons le long de ma colonne vertébrale, je n'aime pas du tout cette sensation, cela me donne l'impression que le moindre toucher de sa part me fait faillir. Néanmoins, j'apprécie son toucher, et ses baisers. Je suis tellement contradictoire en ce qui le concerne, sans doute car je n'assume pas du tout cette relation que nous entretenons, mais je suis complètement addict à lui, je ne pourrais jamais m'en passer plus d'un an, j'en suis persuadé. Le nombre de fois où notre relation a été en péril, je suis toujours revenu. Cela me fait peur. Malgré tout ces sentiments contradictoires qui m'envahissent, mes yeux restent fixes, je scrute longuement pendant que son visage approche du mien. J'ai deux voix qui résonnent dans ma tête, l'une me dit : « tu attends ça depuis si longtemps, laisse toi faire, tu aimes ça. » tandis que l'autre me hurle de fuir. J'ai l'impression d'être schizophrène. Ah, Shûji, pourquoi est-ce que tu me rends ainsi ?! Je finis par clore mes paupières lorsque ses lèvres se scellent aux miennes, je mets sur la faute de notre longue séparation le fait qu'autant de sensations si agréables viennent me perturber. Je ne fais aucun geste vers lui, comme toujours, il doit être habitué depuis le temps. Pourtant, j'ai presque envie de lui hurler dessus quand il se détache de moi. J'étais si bien contre lui, à l'embrasser à nouveau, cependant je contiens mes reproches, je ne gâcherai pas ce moment, et je sais que j'en aurais autant que j'en voudrais des baisers.

Je ne compte plus le nombre de fois où il m'a dit ces trois mots. À chaque fois que je les entends, c'est comme s'il me le disait pour la première fois, il a cette façon de parler qui change à chaque fois. Tout à l'heure, ça faisait plus formel, mais cette fois, c'est plus intime, je sens qu'il le pense vraiment désormais. Je laisse un soupir de bien être s'échapper de mes lèvres. Enfin j'ose porter ma main sur lui, la plaçant contre son cou, j'ose murmure contre son oreille : «  Tu m'as manqué, toi aussi. » Il l'a bien mérite ce contact chaleureux, je l'ai tellement repoussé déjà. Mais. Toutes les bonnes choses ont une fin, et je m'éloigne de lui, mes mains vont se réfugier à l'intérieur de mes poches, je suis dos à lui, je regarde le mur. Je n'ai pas envie de rester ici, je veux aller chez toi. Pour être franc, une seule idée m'obsède, je veux m'offrir à lui. C'est rapide, je sais, mais ce baiser a ouvert mon appétit, je deviens gourmand, il me rend gourmand. Je n'oserai certainement pas le dire, il est hors de question que je lui donne ce plaisir, je patiente donc le temps qu'il fasse le premier pas vers moi. Je suis persuadé que lui aussi il ne veut pas s'en tenir à là, c'est impossible.

Combien de temps cette relation va-t-elle durer ? Cela fait déjà trois ans que nous nous connaissons, qu'on se retrouve toujours plus passionnément à chaque fois. Parfois je me dis que nous devrions cesser de nous voir, je sais que je lui fais mal, cependant... Il est indéniable que j'ai des sentiments pour lui. Je ne pourrais jamais le quitter, et partir, et maintenant que je suis là, qu'il sait que j'habite dans la même ville que lui, ce sera désormais impossible de mettre un terme à cette relation. Elle durera jusqu'à ce qu'il décide d'en mettre fin sans doute, ou s'il rencontre quelqu'un de mieux. Ou si je trouve quelqu'un de mieux aussi, qui sait ? Je n'espère pas cela par contre, je ne sais pas vraiment pourquoi, je ne veux pas me séparer de lui. Bien qu'en parallèle, je n'ai pas non plus envie d'être avec lui, il est à moi, c'est tout. Je n'aime pas savoir que d'autres gens peuvent le toucher, l'embrasser, sortir avec lui, je n'y songe pratiquement jamais d'ailleurs car cela me provoque une douleur assez désagréable au niveau de la poitrine et Dieu sait que je déteste me sentir faible et vulnérable.

Je plisse les yeux à l'évocation de Syuhei. Avant je trouvais votre relation toute mignonne, jusqu'à ce que je le rencontre. Il ne cesse de faire de ma vie un enfer, dès que je le vois il se met à parler de notre relation, il sait que ça me met mal à l'aise et que je n'assume pas du tout. À croire qu'il veut me faire payer pour le mal que je fais à son frère. Plus je reste loin de lui, mieux je me porte, malheureusement pour moi, à ce que j'ai compris, ils vivent ensemble, c'est génial. Je ne voulais pas me contenter de seulement deux heures avec lui, c'est beaucoup trop court. Et pour le futur, quand fera-t-on pour se voir ? Bien évidemment il est hors de question que nous sortons en public tous les deux, ensuite, je ne pourrais pas venir chez lui à ma guise à cause de son frère, et pour finir, j'ai un colocataire. Je n'aime pas profiter de l'argent de Shûji, mais j'espère qu'il nous trouvera un lieu où l'on pourra se rencontrer autant de fois que je le voudrais. Enfin.. Qu'on le voudra, en théorie seulement, je repousse assez souvent tes demandes. Je ne peux nier que je solliciterai beaucoup sa présence durant les jours à venir, nous avons six mois à rattraper, et même si j'ai dû mal à l'avouer... Cela me fait du bien, de le voir.

Je ne peux m'empêcher de penser que j'ai gagné quand même, il m'emmène chez lui. Ça ne sera que pour deux heures de temps, mais c'est déjà ça. J'ai eu ce que je voulais. Comme quoi, il n'est pas le seul à avoir toujours ce qu'il veut, j'arrive à avoir pas mal de choses de sa part même si ça arrive que fortuitement. C'est alors qu'avec un sourire ornant le coin de mes lèvres, je me dirige vers la sortie, je l'attends devant la boutique, je ne sais pas à quoi ressemble ta voiture, je reste juste planté devant l'établissement, mes mains enfoncées dans les poches de mon pantalon. Je jette un coup d’œil sur lui, et je lui lance : « Dépêche toi un peu. » Je ne dirai pas que je veux profiter de chaque secondes des deux heures que nous disposons et que c'est la raison pour laquelle je suis tant pressé, mais bon. Dès que je sais quelle est sa voiture, je me dirige vers celle-ci, j'ouvre la portière du véhicule et je m'installe à l'intérieur de ce dernier au côté passager, attachant ma ceinture. Être dans une voiture me fait penser que je devrais penser à passer mon permis de conduire coréen, ça pourrait m'être très utile.