La-pelle du devoir.

mother father gentleman.

« Écoutes moi bien, toi. Tu veux que je te dise ? Tu me plais bien. » Manshik avait beau essayé de garder les yeux ouverts, ceux-ci se fermaient irrémédiablement. Son costume de carotte le grattait mais enfermé à l'intérieur et compressé comme une saucisse, cette carotte géante n'allait pas pouvoir se soulager pendant un petit moment. Surtout qu'il n'arrivait plus à se rappeler où se trouvait sa maison. Ni comment il avait pu enfiler ce costume ou comment il pouvait l'enlever. Il se tapa contre un tronc d'arbre et se stoppa. « Quoi, une pelle ? » Dingue, le tronc parlait ! Levant la main droite, Manshik toucha la joue du tronc parlant. Il ne répondit pas à sa deuxième question qui lui répétait la même chose, quelque chose à propos de cette fichue pelle. Ses pupilles brillaient, oh oui qu'il avait bien fait de boire autant, rencontrer un tronc qui parle n'a pas de prix. « Et pour quoi faire ? » Il était intrigué tout de même, ce n'était pas tous les jours qu'il pouvait rencontrer un... hé, attendez, c'était un lapin désormais ? « Wow, comment t'as changé aussi vite le lapin ? » Sa vue se troubla.

Manshik ne put s'empêcher de s'esclaffer, lâchant un rire aussi gros que gras. Il finit d'ailleurs par s'étouffer, toussotant pour retrouver une voix normale. « J'ai une pelle pour toi. » Le grand dadet le toisa de son regard si particulier qui brillait accompagné d'un sourire malicieux. « Seulement si tu m'aides à enlever ce costume et à retrouver ma maison. » En se souvenant qu'il ne savait plus où il habitait et avec une vilaine impression qu'il ne pourrait plus jamais enlever son costume, Manshik fut soudainement triste. Il suppliait presque du regard la lapine, exécutant une prière silencieuse pour avoir ce qu'il souhaitait. Les lèvres tremblantes, la carotte s'efforçait de faire craquer cette lapine avec une moue qu'il espérait attendrissante. Pensant être encore plus convainquant ainsi, Shikos attrapa par les épaules la lapine et fixa le blanc de ses yeux.

Manshik ne put se retenir d'exploser de rire en voyant la lapine lamentablement tomber et s'écraser contre le bitume qui devait tout sauf être agréable. Il se mit à taper dans ses mains, même si la tâche se relevait être plus compliquée que d'habitude à cause de son costume de carotte qui le gênait, sans pour autant vouloir l'aider. Mais bon, l'éducation que ses parents lui ont inculqué durant son enfant est vite revenue. « Tel le gentleman que je suis, j'aide les pauvres femmes en détresse ! » Alors que juste avant cette phrase, il riait aux éclats en tapant frénétiquement dans ses mains comme un imbécile heureux. Il se baissa et tendit sa main vers la sexy lapine mais, au lieu de recevoir normalement sa main, il sentit quelque chose de froid et visqueux dans le creux de sa paume. Louchant dessus, il observa le mollard qui trônait fièrement à cet endroit puis reporta ses yeux de merlan frit sur la lapine. Au lieu de crier et taper un scandale en pleine rue, Manshik crache également mais cette fois sur la joue de son vis-à-vis, riant une nouvelle fois à gorge déployée. N'était-ce pas drôle ? « Mais oui je te jure, viens ! » Se retournant trop rapidement, Manshik trébucha sur le rebord d'un trottoir mais ne tomba pas pour autant.  Le sourire aux lèvres, il partit d'un pas déterminé vers une destination... Inconnue ?

Il n'osait même pas se l'avouer à lui-même, qu'il n'avait aucune idée vers où ils se dirigeaient. Manshik menait juste la marche, obnubilé par le sol qu'il fixait en espérant ne pas tomber. Il ne se rappelait pas l'endroit où se trouvait sa maison, ou son appartement, ou même son studio. Tiens, il n'arrivait même plus à se souvenir dans quel type de logement il créchait. Dos à la lapine, il dit, la voix chevrotante en lui faisant un signe de la main d'abandonner : « Mais non, je sais où on va ! » Alors que seulement quelques minutes auparavant, il lui avait bien demandé son aide pour retrouver son habitat. Mais peut-être qu'elle avait déjà oublié ? Un silence s'installa entre eux, entrecoupé du bruit des talons sur le bitume de la lapine près de lui. Pourtant, Manshik finit par se retourner un peu trop brutalement après la dernière phrase prononcée par sa partenaire, et faillit même lui tomber dessus.  « QUOI  ? Oh non, s'il te plait !! » La carotte réussit tout de même à rester sur ses pieds, tanguant comme un bateau qui allait chavirer à cause du poids de son costume. Vivement qu'il le retire. Alors qu'il allait de nouveau répliquer, des voix se firent entendre dans la nuit noire, et Manshik déglutit fortement. Observant les alentours à une vitesse fulgurante, il poussa la lapine dans un buisson à leur droite et s'y engouffra à sa suite. Parfois, cela aidait de se faire courser par n'importe qui -le plus souvent par des petits-amis en colère, ne cherchez pas à savoir pourquoi-, avec le temps Manshik avait développé des compétences pour se cacher en cas d’extrême urgence, comme maintenant. Fixant la lapine, il mit un doigt sur sa bouche pour lui mimer de se taire. Quatre gars plutôt baraqué passèrent devant eux et Manshik avait la désagréable sensation qu'ils cherchaient quelqu'un, lui peut-être ?

Concrètement, il avait envie de chialer. On se serait cru dans un mauvais remake d'un film d'action tout aussi bidon que les acteurs : Manshik avait le poing porté à ses lèvres qui tremblaient, les yeux brillants comme s'il s'apprêtait à éclater en sanglot sur le moment alors que de son autre main, il frottait vigoureusement le dos de sa sexy lapine qui dégueulait tout près de lui. Elle finit par se redresser après avoir rendu tout ses précédents repas et s'essuya sur une feuille au-dessus de la tête de la carotteshik. Cette dernière ne put se retenir et lâcha une petite larme face à la sincérité de sa lapine qui beuglait. Ce n'était pas gênant, Manshik avait déjà oublié que quatre gorilles souhaitaient l'étriper. Alors qu'il reniflait de la façon la plus classe dont une carotte peut faire preuve et qu'il s'essuyait avec une feuille, il suivit du regard la lapine devant lui. Ses yeux s'agrandirent au fur et à mesure qu'elle parlait. N'attendant ni une, ni deux, il décida de faire son entrée et sortit en plongeant du buisson, arrivant en galipette. « JAMAIS JE VOUS LAISSERAIS EMMENER MA GO. » Et sans plus attendre, il enleva une de ses baskets blanches pour la jeter sur un des gars.