rien à faire. personne ne venait à l'infirmerie aujourd'hui. diantre, même les fausses maladies et les tentatives pour sécher les cours étaient absentes. assis à mon bureau, je regardais mes photos de joon. évidemment, ces dernières étaient de très mauvaises qualités puisque je les avais prises en cachette, espérant qu'il ne me verrait pas. alors voila. c'était à ça que ressemblait mon avant-midi. regarder des photos, rêvés de lui et attendre que quelque chose arrive. et que Dieu, bouddha et tous les autres là haut en soit loué, quelqu'un ouvrit la porte de l'infirmerie. enfin, il ne faut pas trop les louer, ce n'était que tasyr qui venait d'entrer. mais soit, c'était toujours mieux que rien. le pauvre enfant, il se minait la santé une cigarette à la fois. je me suis alors levé et sans un mot, je l'ai forcé à se coucher sur le lit alors que je me mettais à chercher quelque chose pour lui rendre une mine normale. « c'est pas bien, tu te mine la santé pour rien » oui, c'était de mon devoir de lui faire la morale sur sa santé. je voulais qu'il vive vieux le taz, qu'il ait une famille avec un homme, ou une femme. bref, tout cette connerie de vie qui l'attendait. je lui tends un comprimé, ça devrait l'aider à ne plus avoir envie de gerber.

je savais que j'étais chiant. mais j'y pouvais rien, c'était dans ma description de job. je m'inquiétais pour mes élèves et toutes les conneries qu'il pouvait faire. je savais ce que c'était que d'être jeune, heck, je n'avais que 22 ans, je faisais le même âge que certains d'entre eux, même j'étais plus jeunes que d'autre! je savais que les trucs qu'ils inhalaient ou fumaient ou whatever, je savais ce que ça faisait à leur santé, et je m'inquiétais pour eux, comme l'infirmier que j'étais. mais bon, il en a rien à foutre de ce que j'ai à dire sur sa santé, comme tous les jeunes il se croit invincible, et je veux pas lui péter son délire. je veux juste qu'il sache que je vais être là pour lui quand il se pètera la gueule à avoir poussé trop loin. j'ai beau faire de la prévention, je suis quand même là pour ramasser les miettes cassées. à sa question, je fais un petit sourire timide avant de lui montrer une photo prise à la volée que je regardais quelques minutes plus tôt. on voit carrément rien, c'est flou, c'est le dos d'un grand mec. mais tasyr sait très bien de qui il s'agit. « je l'ai croisé à la cafétéria aujourd'hui. il portait une chemise bleue qui le mettait très en valeur  t'as vu? »

je suis dense, je l'avoue. j'ai un mauvais dicernement et je suis complètement incapable de savoir si les gens se moquent de moi ou me détestent à moins que ces derniers me le disent en pleine face. je vis dans mon petit monde, dans ma petite bulle, et j'aime ça. le monde est beau, il y a des licornes et elles chient des arcs-en-ciels, alors que les papillons pisse des skittles. alors quand tasyr siffle et s'impressionne, je suis satisfais, je suis heureux. même si c'est faux et qu'il ne fait que jouer la comédie, moi je le crois et ça me fait plaisir qu'il prenne part à la discussion. je fronce le nez quand il me parle du poids de l'homme de ma vie et je regarde la photo à nouveau, plus attentivement avant de m'exclamer : « mais non! il a même maigri depuis le mois dernier! ». je passe mon doigt sur l'écran à plusieurs reprises, changeant la photo à chaque fois avant de lui en montrer une autre. sur celle-là, la personne est de face, assise à son bureau en train de regarder des papiers, le reste du corps est coupé par la fin de la fenêtre dans la porte. il n'a pas l'air beaucoup plus gros qu'avant, mais moi je vois la différence. je le connais par coeur, et je sais que ses joues sont un peu plus jouflues.