Un sac. Mais quel sac. Édition limité à cinq exemplaire dans le monde. Coup de chance, le seul exemplaire pour l'Asie était proposé dans une espèce de tombola un peu miteuse ici-même à Suwon. Sa valeur était estimée à dix-mille euros. Rien que ça ... autant vous dire que pour un sac, pour quand on était jeo, ça faisait beaucoup. Bien sûr, j'aurais aisément pu me le payer. C'était malheureusement pas le principe du jeu. J'avais donc commencé à accumuler tous les bons possibles et inimaginables pour acquérir ce fichu sac. Pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir un mauvais pressentiment à ce sujet. Moi, ne pas avoir de chance dans ce genre de tombola ? C'était malheureusement un euphémisme. D'ailleurs, la preuve : «  Et le gagnant ou la gagnante du sac Chanel édition limité est…. Im Ji Ho ! » Génial. Si ça tombe c'était un glandu qui avait eu un bon un acheté un paquet de chips bon marché. En plein dedans. Le gars qui vient chercher le sac a pas du tout l'air de comprendre ce qu'il fait là. C'est déprimant. Il compte l'offrir à sa meilleure amie ? C'EST PAS SON GENRE ? Je manque de m'étouffer avec mon smoothie à la banane en entendant cela. Il redescend alors de l'estrade, et se faufile. Croit-il m'échapper ? No way. Je le suis, puis quand nous sommes à l'écart de la foule, l'interpelle. «  Ta meilleure amie est bien chanceuse, tu sais combien vaut ce sac ? » Je me rapproche de lui, l'air de rien, jetant un regard au précieux bien, avant de poursuivre « Ce n'est pas une simple édition limitée, ce sac a été dessiné par Gabrielle Chanel elle-même peu avant sa mort, mais n'a jamais été mis en vente. » Comme quoi, j'étais loin d'être une fan en carton, mais être née dans le milieu de la mode aidait, je devais bien le reconnaître. «  Il est estimé à environ dix-mille euros, bien qu'il soit très compliqué d'estimer le prix d'une édition limitée telle que celle-ci. » Je relève mon regard pour le plonger dans celui de jeune-homme, je suis aussi sérieuse qu'il est possible de l'être. « Écoute, Im Ji Ho, je ne te connais pas, et ne connais pas ta meilleure amie. Ce sac est effectivement le genre de n'importe qui, Chanel est le genre de n'importe qui. Certains le trouveraient même banal. Cependant, je doute que toi ou ta meilleure amie voulez autant ce sac que moi. » L'esprit jeopardize dans toute sa splendeur. Je ne lui avais pas encore proposé de l'argent, parce que j'ignorais s'il était de ce genre-là, mais j'étais prête à - presque - tout pour récupérer ce fichu sac. Puis très franchement, j'étais persuadée que sa meilleure amie n'avait pas suffisamment de style pour rendre honneur à ce sac. Alors autant qu'il se retrouve dans mon dressing non ?

Manifestement, j'allais avoir du mal à le convaincre. Je pouvais le comprendre, c'était certain. Cependant, il était hors de question que je lâche l'affaire aussi facilement. Je le voulais, à tout prix. Je soupirai doucement, et passai une main dans mes cheveux avant de replonger mon regard dans le sien «  C'est certain que ça ferait un très beau cadeau, mais des sac y en a plein les magasins. Je suis même prête à échanger celui-là contre n'importe lequel autre, que ce soit Chanel, Prada, Vuitton ou que sais-je. » Après tout, pourquoi lui donner de l'argent quand je voyais bien que ce n'était pas son intention ? En revanche, lui proposer un cadeau équivalent, ça risquait peut-être de l'intéresser non ? «  Qu'en penses-tu ? Tu offres un sac magnifique à ton amie, et en même temps tu fais une bonne action envers une personne qui a vraiment, vraiment envie de ce sac. » Vous voulez sérieusement me faire croire que c'était pas une proposition en or ça ? Et je pouvais même proposer mieux, parce que j'étais dans mon jour de bonté. «  J'ai même une meilleure proposition. Dans le cadre de mon travail, j'ai un sac de Dolce and Gabanna. Ce n'est pas une édition limitée, mais il n'est pas encore disponible dans le commerce, il ne le sera que début deux-mille quinze. Le seul autre exemplaire être à Milan, dans les bureau du Vogue Italia. » Et si on savait que j'étais prête à l'échanger contre un autre sac, je risquais de sacrés ennuis. Cependant, aucun autre magasine n'avait le Chanel en sa possession, donc au final, si je le mettais à la disposition des mannequins pour un shooting, ce serait encore mieux. Plus qu'à espérer que ça marche. Je finis par grimacer légèrement «  Tu dis qu'on a pas toujours ce qu'on veut dans la vie, et c'est vrai. Mais si une personne avait l'opportunité de te donner quelque chose qui t'es vraiment cher, tu voudrais pas qu'il le fasse ? » Je lui demandais pas la lune après tout. Et j'étais à peu près certaine qu'à ses yeux, un sac de marque en valait en autre. C'est le cas d'ailleurs. Simplement, moi j'ai jamais été fan de D&G, j'ai toujours préféré Chanel. C'était là que tout se jouait, c'était une question de goût. Mais je nageais dans les marques, ça devait jouer. Pour le commun des mortels, l'important n'est-il pas d'avoir un beau sac, tout simplement ?

Il est têtu le bougre. Bon, je peux pas vraiment lui en vouloir. Je comprends qu'il veuille offrir ce sac à quelqu'un qui lui est cher, mais pouvait-il comprendre ce que la mode représentait pour moi ? Non. Les gens me prenaient pour une bête fille égocentrique et superficielle, mais savent-ils seulement pourquoi je suis comme ça ? Un père pdg d'un magasine de mode, une mère propriétaire d'une chaîne d'institut de beauté, un frère beau, une soeur adorable, et puis moi. Qui n'avait jamais été à la hauteur de leurs attentes. Ce genre de sac, c'était la preuve qu'ils s'étaient trompé à mon sujet. « Je t'ai jamais parlé d'attendre une semaine. J'ai pas plus envie d'attendre que toi...  » Je dois me rendre à l'évidence, c'est peine perdue, et je n'aurai jamais ce sac. Soudain, un espoir. J'écoute attentivement sa proposition, et je me retrouve interdite, la bouche légèrement ouverte quand il finit sa phrase. Être sa petite amie, jusque demain, même heure ? Il était sérieux ? Je le vois reprendre son chemin, comme si la discussion était close, et je comprends alors son intention : me faire lâcher l'affaire. « Attends. » Je fais volte-face, le voyant de dos poursuivre sa route, et je reprends tout aussi vite « Il est hors de question que je vende mon corps contre un sac, mais ça dépend de ce que tu attends d'une petite amie ? » J'allais regretter cette histoire, je le sentais. Mais tant pis, il ne m'avait pas l'air d'être un mauvais gars, alors je craignais quoi au juste ? Je retournai vers lui, et me replantai devant lui, les bras croisés sur ma poitrine. « Il est dix-sept heures, vingt-quatre heures c'est bien ça ? J'ai rien de prévu demain, ni ce soir, alors ça tombe bien. Tu pourras même visiter les locaux de High Cut, t'en penses quoi ? » Il ne me restait qu'une seule chose à dire, qui allait sans doute sembler étrange dans ma bouche, mais à quoi je tâchais de me tenir depuis mon retour d'Afrique « En revanche, si ce sont des rapports charnels que tu cherches, compte pas sur moi. » Au moins, c'était clair.

Franchement, vous y croyez ça ? Kang Soo Ah qui manque de passer à côté du sac de sa vie parce qu'elle refuse de coucher avec un mec carrément b..beau. C'est ce que l'on appelle l'ironie à l'état brut, si je ne m'abuse. Et pourtant. Je le regarde béate, et le vois appeler un taxi sans savoir quoi lui répondre. Un taxi arrive par ailleurs. Et là, je fais quoi dites-moi ? Je laisse passer ce sac limité à cinq éditions et dessiné par Gabrielle Chanel elle-même ? Non. J'ignore ce qu'il faut que je fasse à cet instant précis, mais je sais que la situation n'est pas aussi désespérée qu'elle y paraît. Après tout, il suffit de nous trouver un accord. Je soupire : après tout, les relations quand on est riche sont généralement régies par l'argent. Cela me fera office d'entraînement pour quand j'épouserai un riche pdg uniquement pour faire grossir mon propre capital. Alors que Ji Ho entre dans la voiture, je viens à sa suite, signifiant au chauffeur que nous sommes ensemble avant même que Ji Ho n'ait donné d'adresse. « Si tu te demandes ce que je suis en train de faire : j'accepte ta proposition. » Si j'allais coucher avec lui ? Certainement pas. Seulement, cela me donnerait plus de temps pour réussir à le convaincre d'échanger ce foutu sac. Chanel, je te hais. Je tourne alors la tête vers lui « Tu n'as pas de petite amie, et tu veux offrir ce sac à ta meilleure amie. J'en déduis que tu n'attends pas d'une petite amie qu'elle soit une fille facile. Tu as l'opportunité d'avoir une petite amie posée, réfléchie, ambitieuse, étudiante en droit et en gestion, et propriétaire de son propre magasine. En plus de ça, je prépare très bien à manger, tu pourrais manger chez moi ce soir ? » j'attrape mon portable dans mon sac pour vérifier l'heure, ainsi que mon agenda pour m'assurer que je n'ai rien d'important à faire dans la journée de demain. Parfait. « En prime, tu repartiras avec un sac inédit, Dolce and Gabanna, réservé au monde de l'édition pour le moment, et qui s'est notamment retrouvé entre les mains de Lee Hyori pour une shooting. Qu'en penserait ta meilleure amie selon toi ? » S'il laissait passer cette occasion, il était définitivement taré. Mais j'oubliais un détail ô combien important « Et une dernière chose, je ne pense pas m'être présentée : Kang Soo Ah. Ravie de passer les 24 prochaines heures avec toi. » Moi, du genre à forcer la main ? Si peu ...

J'avais gagné. Enfin, plus ou moins. Ok, je me retrouvais à faire la call girl en quelque sorte, mais j'avais déjà fait bien pire dans la vie. De toute façon, j'avais été élevée de ce genre d'univers, du coup s'il pensait pouvoir se débarrasser de moi facilement, il se trompait. Je me mis automatiquement à réfléchir ce que je pourrais cuisiner, je n'avais pas l'habitude de faire à manger plus plusieurs ... Encore heureux que Shanna n'était qu'un bébé et se contentait de biberons, sinon j'ignore comment j'aurais fait. « Chanel c'est l'image de marque. Le double C fait rêver. » j'agrémentai mon explication d'un haussement des épaules. En vérité, dans ma famille on était plutôt griffés Prada, mais quand je vivais encore aux USA, et que je n'y connaissais rien, Chanel c'était ma référence, comme bien des gens je suppose. Les choses aujourd'hui étaient différentes, mais je restais extrêmement attachée à cette marque. Suffisait de voir le contenu de ma trousse de beauté. La suite de son discours me saisit, et je me retourne vers lui, un sourire au coin. « Tu penses arriver à me faire craquer ? » Je dois reconnaître qu'une partie de moi s'amusait de la situation, d'autant plus lorsqu'il parla d'aller chez Victoria Secret... « Et si tu craques avant moi ... ? » Hors de question que je me laisse avoir, par contre, si je pouvais mettre fin à cette histoire avant demain soir alors grand bien m'en fasse.

En y pensant, il devait beaucoup l'aimer sa meilleure amie pour se coltiner une chieuse comme moi qui n'en a qu'après son sac. Friendzone peut-être ? Je l'ignorais, et c'était pas vraiment mes oignons de toute façon. Moi tout ce qui m'intéressait, c'était que ces vingt-quatre heures passent le plus rapidement possible. Pimenter le jeu me semblait dès lors être une très bonne idée. Ji Ho s'attendait à me faire craquer avant les vingt-quatre, sauf que c'était un sac Chanel dont il était question. Sans parler du fait si j'échouais, il repartait également avec le Dolce & Gabbana, et j'allais avoir la direction artistique du magasine sur le dos. Bref, je pouvais pas me permettre de craquer. « Eh bien ... j'adore le shopping, donc ça risque d'être drôle. » Entends par là, Im Ji Ho, que tu risques de te faire avoir à ton propre jeu en me traînant dans un magasin. Il me parle finalement de tomber amoureux de moi, et je ne peux m'empêcher de rire doucement « Il faudrait être fou ou masochiste pour tomber amoureux de moi. » De toute façon, je m'attends pas à un jour vivre une grande et belle histoire d'amour, j'ai fait trop de conneries pour ça. Mon karma était déjà entaché à ma naissance pour me faire naître chez les Kang, et je n'avais cessé de l'encrasser depuis mon arrivée en Corée. Vous voulez connaître la meilleure ? Je m'en foutais. Cela faisait longtemps que j'avais abandonné l'idée de vivre un conte de fées, et je le vivais plutôt bien. On descend du taxi, et il me prend la main, j'en profite alors pour me rapprocher et m'accrocher à son bras, telle une amoureuse transie. J'ai l'habitude avec Hak Cha de toute façon, même si je compte pas me servir de Ji Ho. Enfin, c'est déjà un peu ce que je fais, mais c'est lui qui l'a proposé après tout. « As you wish, darling ~ » Ouais, parce que Soo Ah en mode amoureuse, elle parle anglais aussi, que voulez-vous. Je repère rapidement plusieurs ensemble qui me plaisent, un corail, un prune - selon l'étiquette -, et un noir et ivoire. « J'essaie déjà ceux-là ? » un sourire craquant pour la forme, et voilà déjà que je le tire vers les cabines d'essayages. Il n'allait pas regretter de m'avoir tiré chez Victoria Secret, je pouvais le lui assurer.  

C'est le moment où je lui ris au nez ? Vous savez, le moment où il me dit qu'il me faudra quelque chose pour ce soir. J'espérais qu'il ne s'attendait pas à ce qu'on couche ensemble, parce qu'il en était tout bonnement hors de question. Je ris comme si de rien était et passe ma main dans mes cheveux « T'inquiète, j'ai des t-shirt XXL Marvel qui feront très bien l'affaire. » Désolé Darling, t'as intérêt à te rincer l'oeil tant que t'en auras l'occasion. En soi, ça, ça me dérange pas. J'avais déjà servi de modèle à une étudiante en stylisme, qui m'avait fait défiler en petite tenue devant son jury. J'étais pas du genre pudique. S'il touche, je le mords, voilà tout. Il me dit ensuite qu'on pourrait dire la même chose de lui concernant l'amour, tout ça. Je peux pas m'empêcher d'être surprise. Il a pourtant pas l'air d'un mauvais gars en soi... mais allez savoir quels secrets se cachent derrière une apparence aussi lisse. Je préfère ne rien dire, et laisse couler. De toute façon, ça ne me regarde pas. Quand il me répond en anglais, je retiens ce rictus habituel que j'ai lorsque un asiatique parle anglais. C'est certain que tous n'ont pas vécu en amérique, je peux pas vraiment m'en moquer, ils ont au moins le mérite de faire des efforts. De plus, je dois reconnaître que je trouve ça très mignon. Il finit par rajouter un ensemble supplémentaire au trois que j'avais choisi, et mes lèvres s'arquent en un sourire en coin. Il jouait avec le feu. « Très bon choix, je le garderai pour la fin. » On se rend alors vers les cabines, je choisis celle du fond, comme à mon habitude. Je gratifie Ji Ho d'un dernier regard avant de pénétrer dans la cabine et de me déshabiller. Soudain, tandis que je regarde mon reflet dans le miroir. Je repère sur mon flanc une cicatrice de morsure qui n'avait pas encore totalement disparue. Une bouffée d'adrénaline me fait perdre légèrement pied, et je me rattrape contre la parois. C'était pas le moment de craquer, pas face à un inconnu, pas à cause des tsebe, je me l'interdisais. J'enfile l'ensemble corail, m'assurer que mon expression ne soit pas trop cadavérique, et sort de la cabine tout sourire, comme si de rien était. J'allais finir par le réclamer, ce putain d'oscar. « Alors, t'en penses quoi ? »