mommy, where are you ?

Hansa ne s'y faisait pas. Cette vie, ce n'était pas la sienne. La Corée, ce n'était pas son pays. Du haut de ses six ans, la petite fille n'avait déjà plus rien d'une enfant. Passé brisé, joie envolée, bonheur subtilisé, il n'y avait plus que l'ombre dans ses yeux. La tête remplie de question que l'innocence de la jeunesse aurait dû lui épargner, elle regardait - absente, les échymoses sur ses mains maman ... Il n'y avait plus la moindre trace de larme dans ses yeux, elles avaient disparu il y a longtemps, dans cette petite armoire où elle avait vu le sang et l'horreur. Les cris de sa mère lui parvenaient encore aux oreilles Je vous en supplie non elle se souvenait de ses larmes, de ses supplications face à ses tortionnaires. Elle avait encore le goût salé de ses larmes ravageant ses jouees en bouche, mais plus rien ne coulait, plus jamais. Elle ne pouvait pas, son oncle le lui avait interdit. Si elle pleurait, il la frappait, alors elle ne pleurait pas. Ses bras et ses jambes lui faisaient mal, mais elle ne s'en souciait pas car à l'intérieur elle était vide, elle ne ressentait pas. Parfois quand la nuit tombait, il lui arrivait de se hisser à la fenêtre de sa chambre et d'observer les étoiles. Elle le faisait souvent quand elle était avec ses parents, elle se souvenait du nom des constellations. Elle les récitait parfois en silence, de peur d'oublier. Il ne fallait pas oublier, jamais, c'était ce que son oncle lui répétait sans cesse N'oublie jamais ce que ces monstres ont fait à tes parents. Peut-on oublier des horreurs pareilles ? Hansa l'ignorait, c'était en tout cas marqué au fer rouge sur son coeur. Elle leva les yeux vers le ciel étoilé ; Orion, Grande Ours, Pégase, Andromède ... Ses lèvres mimaient le nom des alignements sans émettre le moindre son. Elle devait être discrète, il ne fallait pas qu'on l'entende, jamais. Elle devait pouvoir disparaître dans la nuit, c'était son oncle qui le lui avait dit.

Le soleil se levait sur la ville. Ce n'était pas aussi beau qu'en Thaïlande. En Thaïlande, Hansa aiait se lever à l'aurore pour le voir baigner la jungle dans sa lumière, mais en Corée elle n'aimait pas le soleil, car il annonçait une nouvelle journée. Elle descendit de son bureau, prenant garde à ne pas faire grincer le plancher pour pouvoir se glisser dans ses draps. Il ne fallait pas que son oncle sache qu'elle n'avait pas dormi, parce qu'il fallait dormir pour pouvoir s'entraîner. Mais Hansa ne dormait plus, elle ne voulait pas fermer les yeux et voir le sang écarlate de ses parents se déverser sur le sol, elle ne voulait pas entendre le rire gras des assassins pendaient qu'ils s'en prenaient au corps de sa mère. Alors Hansa ne dormait pas, jusqu'à ce qu'elle tombe de fatigue et qu'elle soit incapable de penser. Parfois, ça arrivait pendant la journée, lui causant des réprimandes et toujours plus de coups, mais elle réussissait de plus en plus souvent à ne tomber dans cet état que la nuit. Soudain, elle entend la porte de sa chambre qui s'ouvre, et ses doigts se resserrent autour de ses draps, les yeux clos pour simuler le sommeil. Il était trop tôt, elle ne voulait pas déjà commencer son entrainement. Seulement, ce n'était pas son oncle. C'était son cousin sur le pas de la porte, le regard plein de reproches. Hansa n'osait pas bougé, son petit corps prostré dans ses couvertures. Son cousin non plus ne l'aimait pas, elle ne savait pas pourquoi. Sans doute parce qu'il devait s'occuper d'elle ? Elle n'était qu'un poids pour cette famille après tout. Maman, où es-tu ? pensa-t-elle. Maman, pourquoi ne suis-je pas avec toi ? Maman... pourquoi suis-je en vie et toi pas ? 

mommy, where are you ?

Hyo Jin essayait encore. Il ne comptait plus les heures, ni les soirées qu’il avait passé à essayer et le nombre de gamelles qu’il s’était pris. Toutes ces nuits à essayer sans aucun résultat apparent, le désespérait. Ses gestes n’étaient pas assis précis, pas assez rapides. Il avait pourtant bien observé les mouvements que son père apprenait à la petite Hansa, mais rien n’y faisait. Son père ne cessait de répéter à la gamine qu’elle n’arriverait à quelque chose qu’à force d’entrainements et de dur labeur. Alors, le petit voulait suivre ce conseil, car il venait de son papa. Il ne pouvait qu’être juste donc. Hyo Jin avait bien tenté de demander à son père qu’il lui apprenne à lui aussi. Mais, il n’avait rien voulu entendre, envoyant le jeune enfant dans sa chambre sans lui laisser une chance de s’expliquer.

Pourquoi papa ? Pourquoi mon papa ne veut pas jouer avec moi ? Papa, pourquoi tu n’as pas le temps ? Pourquoi passes-tu tout ton temps avec Hans ? Pourquoi je ne peux pas participer ? Pourquoi ne t’occupes-tu plus de moi ? Pourquoi papa … tu ne m’aimes plus ? Voilà toutes les questions que le gamin se posait sans jamais oser les demander à son père. Alors sans vraiment s’en rendre compte, il s’était mis à haire Hans. Il fallait trouver un coupable. Il était tout trouvé. Depuis l’arrivée de la petite fille, tout avait mal tourné. Son père ne lui avait plus prêté aucune importance, le reléguant à la seconde place.

Pourtant au début, il était pris de compassion pour la petite. On lui avait dit qu’elle avait perdu ses parents. Il pouvait la comprendre. Lui, il vivait loin de sa maman. Il pensait chaque fois à elle, se disant qu’il devait être fort. Cependant, cela ne dura pas longtemps.

Encore une fois, il essayait. Oh ! Attendez ! Il avait enfin réussis à reproduire ce mouvement sur lequel il s’acharnait depuis un moment. Fier de lui, un sourire naissait aux commissures de ses petites lèvres. Il le refit pour être sûr qu’il l’avait bien intégrer. Pas de soucis. Il y arrivait enfin. Hyo s’apprêtait à se rendre dans son lit, certain de mériter une bonne sieste. Cependant, le soleil se levait déjà sur la ville. La sieste serait pour plus tard. Une nuit blanche de plus n’était pas bien grave.

Le gamin se dirigeait vers la cuisine, préparant deux toasts de confiture qu’il déposa dans une assiette et un verre de lait. Il mit le tout sur un plateau avant de remonter à l’étage. Devant la porte de sa destination, il ouvrit la porte sans frapper. Il savait que Hansa serait déjà réveillé. Il ouvrit doucement la porte pour éviter au maximum les grincements. Il ne faudrait pas que son père ne le surprenne, sinon il recevrait une fessée. Le petit-déjeuner était la seule chose gentille qu’il faisait pour la petite fille en dehors de lui mener la vie dure à sa manière. C’était grâce à sa mère.  Quand il lui avait parlé de Hans, elle lui avait demandé de faire quelque chose de gentil pour elle. C’était la seule chose de Hyo avait trouvé sans se faire gronder par son père. Lentement, il entra dans la pièce sans regarder la jeune enfant et posa le plateau sur son bureau. « Voilà ton déjeuner Hans… » Il avait parlé tout bas. Il ne fallait pas que son père les entende. Jamais.  

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Tous les matins étaient identiques depuis qu'elle était arrivée dans cette maison. Son petit déjeuner, posé sur son bureau, une douce attention au goût pourtant si amère. Elle ouvre les yeux, rabat les couvertures, exposant son pyjama rose à fraises. Contraste saisissant, comme si Hansa était n'importe quelle petite fille. Elle ne l'était pas. Depuis que cette porte avait volé en éclat, là-bas dans sa maison, elle n'avait plus rien d'une fillette ordinaire. Yeux baissés, elle sortit de son futon. Elle n'osait jamais regarder Hyo Jin dans les yeux, elle avait peur de lui, peur qu'il soit comme son père. Elle s'inclina légèrement, la tête rentrée le dos voûté Merci, Hyo Jin. Elle avait mis du temps à le remercier, sa voix était mal assurée, à peine audible. Hansa n'avait jamais compris cette habitude qu'avait pris celui qui légalement était devenu son frère, c'était comme la promesse d'une journée plus ignoble encore que la vieille. Mais elle a faim, rester éveillée la nuit, ça épuise, alors elle ramène l'assiette près d'elle et s'assied sur le futon pour manger la tartine grillée. Elle n'aime pas ça, en Thaïlande elle mangeait un petit déjeuner asiatique, avec du riz, des oeufs, du poisson parfois aussi. Elle n'était pas habituée au petit déjeuner à l'occidentale, elle ne le serait jamais, elle voulait celui que lui préparait sa maman. Mais elle ne pouvait pas. Jamais plus elle ne la reverrait, sa maman.

Mangeant sa tartine petit bout par petit bout, Hansa n'osait toujours pas dire le moindre mot. Son oncle lui avait dit qu'elle devait être forte, qu'elle devait être sûre d'elle mais elle n'y arriverait jamais. Elle ne savait pas comment faire. Parfois elle avait envie de crier le fait qu'elle n'était qu'une enfant, mais elle avait trop peur pour ça. De toute façon, son oncle ne voulait pas de la vérité, il n'y avait que ses objectifs qui l'intéressaient. Est-ce que Hyo Jin en faisait partie ? Elle releva les yeux vers lui avant de les baisser tout aussi vite. Elle ne le pensait pas, mais elle n'en savait rien après tout. Elle se sentait si fragile, si vulnérable, elle avait envie que son papa vienne la rassurer. Il avait toujours été là, il l'avait toujours prise dans ses bras quand elle avait peur, alors pourquoi ne répondait-il pas à ses appels au secours ? Elle avait déjà terminé son premier toast et se lancer sans attendre sur le deuxième. La pauvre enfant était affamée, la peur est quelque chose qui donne faim.

Une fois le pain terminé, elle but le verre de lait d'une traite. C''était la seule chose qu'elle aimait bien. Une fois son petit déjeuné terminé, elle se releva pour tout poser sur son bureau, présentant toujours le sommet de son crâne à son ainé, ses longs cheveux noirs cachant presque l'entièreté de son visage. Elle essuya les moustaches blanches autour de sa bouche. Puis, depuis le premier étage, une voix résonnait Hansa ! Il était déjà sept heures, elle ne pouvait pas s'attarder d'avantage. Pourtant, pouvait-elle tourner le dos à Hyo Jin ? Ce ne serait pas poli, elle ne savait pas quoi faire, elle était prise au dépourvue. Il n'était que sept heure, mais déjà ses entraillées étaient nouées.

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Une fois le plateau posé sur le petit bureau, Hyo Jin recula lentement, toujours sur la pointe des pieds vers la porte, aux aguets. Il jeta de petits coups d’œil à la petite fille qui se levait de son lit, s’approchant doucement et craintive. Il la salua brièvement quand elle le remercia. Il était plus préoccupé par les bruits qui pouvaient venir du couloir par la porte entrouverte. Si son père les surprenait, le petit Hyo Jin se ferait enguirlander. Pour Hansa, c’était une autre histoire. Comme à son habitude la petite retournait à son futon avec l’assiette pour en manger son contenu. Cela arrangeait le gamin. Cela le mettait mal à l’aise de la voir manger un si médiocre petit déjeuner alors que lui avait droit à un vrai festin, tantôt occidental, tantôt asiatique. Il ne savait pas encore très bien cuisiner, alors il faisait avec ce qu’il savait préparer. Peut-être devrait-il demander à sa mère de lui préparer un petit déjeuner ? A vrai dire, il ne comprenait pas pourquoi son père ne lui donnait pas à manger le matin alors qu’il passait tout le restant de sa journée en compagnie de la petite fille alors que Hyo Jin devait jouer seul, surtout maintenant que les vacances étaient là.

Il voyait bien que Hansa avait peur de lui. Cela se voyait dans son comportement qu’elle adoptait avec lui. Il n’avait pourtant rien fait pour mériter cela. Il était juste jaloux d’elle, même un peu envieux, car son père s’occupait plus d’elle que de lui. Il n’avait plus aucune complicité avec son père depuis qu’elle était arrivée. Il lui en voulait pour cela. Il faisait tout ce qu’il pouvait pouvait pour attirer l’attention de son père, mais il n’arrivait qu’à lui soutirer qu’un mot ou deux, bien souvent. Il ne le regardait même plus quand il parlait à Hyo et que la petite fille était également dans les parages. Alors, sans le vouloir, il se mit à lui en vouloir. Bien qu’il sache qu’elle n’y était pour rien, c’était plus fort que lui. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher d’être gentil avec elle. Ce que sa mère ne cessait de lui répéter. Il ne le montrait que par de petits gestes comme celui du petit déjeuner, car dans son comportement, rien n’indiquait qu’il voulait être gentil. Ce n’était pas contre elle, il était ainsi depuis toujours. Il était difficile de lui arracher un sourire. Seule, sa mère y arrivait. Cette attitude l’empêchait de se faire des amis, car les autres avaient peur de lui. Il avait donc très peu d’amis avec qui jouer.

La pauvre enfant remmena son assiette vide à Hyo Jin qui s’en saisit pour la replacer sur le plateau et s’apprêtait à partir quand il entendit son père appeler Hansa. C’était comme tous les matins, rien de très alarmant, sauf que des pas non loin de la porte se firent entendre. Le gamin regarda la gamine, paniqué. Cette situation n’avait jamais eu lieu auparavant, il avait toujours eu le temps de partir avant l’arrivée de son père. Mais ce matin, il était plus matinal. Il ne savait pas quoi faire. Tant la précipitation, il referma la porte complètement, espérant que cela retarderait son père. Horrifié, il regarda tout autour de lui un endroit où il aurait pu se cacher. Mission difficile : la pièce était très peu meublée. Une petite commode où se trouvaient les vêtements de Hansa pourrait faire l’affaire. Les pas se rapprochaient, de plus en plus près, de plus en plus rapides. La poignée de la porte commençait déjà à tourner. Sans plus hésiter, Hyo Jin ouvrit l’armoire et s’engouffra à l’intérieur. Il replia ses jambes contre son ventre, le plateau et l’assiette calé au milieu. « Hansa ! Tu n’es pas encore prête ? Dépêches-toi un peu ! » Son père était déjà là. Il essayait de réguler sa respiration pour pas qu’on l’entende. Un. Deux. Trois. C’est à cet instant qu’il se rendit compte que dans la précipitation, il avait oublié le verre de lait. Misère.