J'avais conduis. J'avais pas arrêté de rouler. J'm'étais regardé dans le rétro, j'faisais peine à voir. Le maquillage qui avait dégouliné sous mes yeux à cause de l'eau dans laquelle j avais trempée mon visage. Ma robe chemise dont les boutons étaient décalés. Et merde, rien que ma sale gueule quoi. On aurait dit une pauvresse. Le pire je crois bien, ce qui est vraiment à pleindre, c'est cette détresse. La détresse que je lisais dans mes yeux.


C'était fini. J'avais fini avec Kan. Y a pas moins d'une heure, on a volé en éclat comme jamais. On s'est explosés, pour mieux recoller les morceaux. J'avais serré les dents sur tout le long de la route, les nerfs étaient encore là. Et même si je m'empêchais de pleurer pour ne pas à voir cette faiblesse, une part de tristesse s'était emparée de moi. Parce que y a toujours eu ce truc entre nous, malgré les tornades. Y avait une proximité mince, à peine perceptible qui était là. Qui fait que l'autre était devenu un bien à protéger malgré tout. Mais regardez : c'est tellement mince, que ça va disparaître dans peu de temps. Il faut que ça disparaisse il le faut. Faut pas que ça reste, faut pas que ça me ronge, faut pas qu'on se bousille à distance. Faut qu'on pense nos plaies chacun de notre côté, qu'on ramasse les pots cassés seuls. Parce qu'on a juste plus le droit de s'aimer. Il fallait s'en empêcher.


Ca faisait une heure que j'étais garée, et je savais même pas où je m'étais foutu. Je repensais à tout ce qui s'était passé, même si c'est pas faute d'essayer d'arrêter. Je m'étais roulé un joint, je l'avais fumé trop vite. Maintenant j'étais frustrée. Au moins ça occupe la frustration, plus que la peine. C'était une bonne chose peut-être.  Et avec l'énergie qu'il me restait, je sortis de la bagnole pour prendre l'air. Une brise vint me caresser les joues, et je frémis en expirant fortement par la bouche. Les mains dans les poches je regardais autour de moi. Oh... non je reconnaissais l'endroit. Je reconnaissais l'immeuble. Je m'approche des sonnettes pour regarder les noms et il était toujours là. Wang Ethan habitait toujours au même endroit. Je reculai pour revenir m'adosser contre la voiture, et me penchai dedans pour attraper mon paquet de cigarette.


Fallait pas que je reste là en vrai. Non fallait que je bouge. Je voulais pas qu'il me voit dans cette état, ça serait trop humiliant. Je voulais pas qu'il croit que je l'attends, comme ça. Je serais capabme de craquer, de fondre, de faire des choses que j'ai pas le droit de faire. Mais mes pieds étaient enracinés au sol, je savais même pas où aller. Je ne voulais juste pas qu'il sorte de chez lui... ou revienne.


Croyez le ou non, ca fait maintenant une demie heure que je suis assise sur le capot de ma voiture à fumer cigarettes sur cigarettes. Je regardais mes pieds, l'air ailleurs. Au moins mon vernis était bien fait, ça rattraper un petit peu le reste. Je sortis de mes pensées philosophiques quand j'entendis un bruit de clefs et de sacs plastiques. Je relevais la tête, et me figeai sur place.

T'aurais du te barrer pauvre idiote.

Nos regards se croisent, et je sais pas comment me sentir. Vous savez pas combien depuis combien de temps je l'ai pas vu. Vous savez pas à quel point ça me rend mal de me dire que je suis juste bonne à jeter à ce moment. Peut-être qu'avec un peu de chances il me reconnaitra pas, vu comme je suis bousillée...

Mais quelle heure est-il? Je prends mon téléphone et vérifie. Merde. Merde. Triple merde. Je n’aurais pas dû sortir hier soir, se mettre la mine avec Jaeduk, c’est toujours mauvaise idée en semaine. Comme toujours, je n’ai pas touché à ses trucs chelous, je ne touche pas à ces choses-là, même pas en soirée. Par contre, l’alcool… Je commence à en être peu à peu adepte. C’est pas bon, c’est pas bien. Non pas en bouche, mais juste pour mon corps. Il faut que je stoppe un peu, il faut que je me calme, que je me concentre sur mes entraînements, que je me concentre sur les chorés du groupe, que je me concentre sur ma vie en somme. Cependant, comment faire lorsque je me dis que je fais de la merde avec mon cœur.

J’ai des appels en absence de Jie, des messages de Raewon aussi, et de Jeona, mais surtout, de Sera. Je passe mes mains sur mon visage et me redresse. Mal de crâne. J’ai fait quoi hier soir déjà ? Je ne sais plus. Je ne m’en souviens plus. L’alcool m’a bien anesthésié. J’ai mal aux os. Je prends mon téléphone et rappelle Sera. « Désolé… j’ai fait la fête… Mmh… Non ça va rien de mal… Oui… On se voit bientôt. » En ce moment, nos conversations ressemblent à ça. A du vide. Parce que je ne suis pas amoureux d’elle, parce que je sais que ma place n’est pas avec elle, et parce que je n’assume pas le fait de ne pas pouvoir répondre à ses sentiments. Je voudrais bousculer un peu ma vie, trouver le bon chemin à suivre, cesser d’être dans le flou. Mais à vingt-et-un ans, qui sait réellement y faire ?

Je vais dans la salle de bains et regarde mon reflet dans le miroir. J’ai les cheveux en bataille, des cernes, l’air un peu pâle. Des marques de rouge à lèvres sur le torse et sur les bras, des suçons sur le cou, mais je ne sais plus qui sont les filles que l’on a pu croiser. Une douche froide, un appel au secrétariat de l’université pour dire que je suis malade et que c’est pour cette raison que je ne suis pas venu aujourd’hui, et je range un peu cette piaule.

Sacs poubelles en main, habillé d’un simple débardeur noir et d’un short. J’ai juste envie de me recoucher, de faire le mort pour ce soir. Poussant la porte d’entrée de l’immeuble, je baille, et lève la tête. Regardant le ciel un instant ; il n’y a pas d’étoiles.

Pourquoi ? Mon regard a croisé le sien, et mon cœur a arrêté de battre. Je devrais faire comme si je ne l’avais pas vu, aller jusque la benne et rentrer chez moi. Faire comme toujours et l’ignorer, faire comme si de rien n’était, nous ne sommes plus ensemble, alors, ce ne sont plus mes affaires. Mais, mon cerveau ne réagit pas, et mon corps est en freeze. Je la détaille. Et mon cœur se serre. Non, je ne peux pas, je ne peux pas…

Les sacs tombent au sol et avant de m’en rendre compte, je l’ai prise dans mes bras. Je la serre juste contre moi. Elle est détruite. Simplement détruite, et j’ai mal. Quand elle allait mal, moi également. On dirait qu’il y a des choses qui ne changent pas. Je la tiens contre moi. « Ne restons pas là… viens, rentre.. s’il te plait… » Dis-je en anglais. Comme avant.

Je suis fou. Parce que malgré la dégaine qu’elle se traîne, je la trouve belle.

J'avais peur de le voir, parce que je savais pas vraiment si j'en avais envie. C'était pas le moment du tout, même si j'ai songé l'espace d'un instant, dans mes éclats de voix avec Kan, de revenir vers lui. Cet acte me semblait juste putain d'insensé et j'ai décidé de rien faire. Mais le karma a fait les choses. Pourquoi j'avais roulé jusqu'ici, alors qu'il y a une demie heure je savais même pas où j'avais atterri, la tête trop ailleurs. J'me souviens avant la tempête, je voulais rentrer chez moi pour me détendre et être tranquille. Super soirée, décidément.


J'essaye de fuir son regard, de détourner le mien de ses yeux noirs perçants. J'espérais qu'il m'avait pas reconnu, j'espérais pouvoir me cacher sous mes quelque cheveux mouillés et mes yeux de panda. Mais tout ça a été trop rapide. Il a lâché ses putains de sacs poubelles en pleine rue et a commencé à venir – si ce n'est courir – vers moi. Mes yeux se sont écarquillés et je me suis levé du capot. Attend ma vieille, t'as essayé de fuir là ? Je rêve où tu viens de te lever pour essayer de te barrer dans ton auto ? C'que t'es conne, t'as décidé de tout foirer jusqu'au bout toi.

Il s'approche de moi et mon premier réflexe physique et de reculer d'un pas. Mais ses bras m'entourent et son odeur m'enivre. J'ai le coeur qui allait exploser non pas à cause de sa force, mais à cause de ça. Comment après tout cela, pouvait-il se ruer sur moi, comme si rien en s'était passé ? J'pensais qu'on pourrait se regarder dans le blanc des yeux en silence, comme les gens gênés qui culpabilisent le font si bien. Mais lui il a juste traversé la route pour me rejoindre, il m'a même reconnu.

Lâche moi, c'est pas juste de faire ça. J'le voulais pas... du moins pas comme ça.



J'entends le son de sa voix que j'avais pas entendu depuis longtemps. Elle est rauque, et me rappelle beaucoup de choses, voir beaucoup trop. Pourtant j'ai encore celle de Kan dans un coin de la tête qui murmure. Il me demande de rentrer avec lui, mais je suis complètement désemparée pour être honnête. J'suis censée faire quoi en fait ? L'envoyer bouler, alors qu'il m'a rejoint en pleine détresse, ou juste accepter une nouvelle fois son aide. Parce que je me souviens de la première fois om il est apparut, où il m'a tendu la main. J'ai plus voulu la lâcher. Est ce que tout cela devait recommencer ?

Il me fait avancer et je reste silencieuse, regardant le goudron. J'ai l'air d'une fada, d'une handicapée. Mais je savais juste pas quoi lui dire. Puis mon visage se tourne vers lui et j'essaye de m'exprimer. « Je sais pas si... » je m'arrête devant la porte d'entrée. « Tu devrais être sûr de toi avant de vouloir me faire monter. »

Oui parce que tu sais Ethan, tu vas vouloir savoir des trucs qui te plairont peut-être pas. Tu vas voir des trucs qui vont sans doute te dégouter. Et moi je me dégoûte déjà assez.

Elle est plus maigre. Elle est plus fine. Elle est plus légère. Sa respiration est presque imperceptible, pourtant je sens que son cœur bat à cent à l’heure. Ses cheveux étaient mouillés, pourtant, il n’avait pas plu. Elle était blessée, elle était meurtrie.

Pourquoi étais-je tombé amoureux d’elle ? Pourquoi ? De toutes les femmes qu’il a eues, il fallait que ce soit-elle. Elle qui se fait du mal, qui se détruit, qui refuse autrui. Elle qui m’a hantée depuis le premier jour, qui a pris mon cœur, qui m’a totalement hypnotisé afin de ne voir qu’elle. Oui, bien entendu, depuis qu’elle est partie, je ne suis pas non plus resté un saint. Mais, aussi glauque que cela puisse paraître, et aussi étrange que l’on puisse juger, je me suis parfois surpris à l’imaginer elle à la place d’une nouvelle femme face à moi.

Elle a bougé, elle a essayé de fuir. J’ai toujours compris qu’elle était un animal sauvage. Prenez un chat domestiqué, il ne craindra jamais votre main. Prenez une lionne, elle grognera toujours quand vous tendrez le bras. Pourtant, je pensais qu’elle avait confiance en moi. Moi je me rends compte que j’ai encore pleinement confiance en elle. Imma fool, Imma fucked up.

Je passe mon bras autour d’elle, posant ma main au niveau de son bras, la gardant contre moi alors que j’avance, la prenant avec moi, traversant la route. Je me fiche des sacs poubelles sur la rue. Ils resteront bêtement là. Son maquillage a coulé, ses yeux sont perdus et défoncés, son visage est tellement triste… Je m’apprête à taper le code d’entrée, lorsque sa voix m’arrête.

Basse. Sans âme. Démolie. Voilà comment j’entends sa voix à mes oreilles. Voilà comment elle est. Suis-je fou de penser que je peux l’aider ? Suis-je fou de vouloir l’aider ? Ce n’est plus le moment de réfléchir, je suppose qu’il est enfin venu le temps d’agir avec elle. Mes doigts tapent une série de cinq chiffres et je pousse la porte, entrant le premier, tenant la porte, me tournant vers elle. Appuyé dessus, pour laisser l’entrée dégagée, je passe une main dans mes cheveux courts. « Je ne poserai aucune question. Entre. »

Et dieu sait à quel point il m’est difficile de taire, à quel point il m’est impossible de ne pas m’en faire pour toi. Tu es là, tu es revenue, et c’est tout ce qui compte pour moi à cet instant. Je fermerai ma gueule, je tairais mes interrogations, je ne te brusquerai pas. Mais s’il te plait, entre, au chaud, au calme, en sécurité. Là où je saurais que personne ne te fait de mal, là où je saurais que tu ne te feras pas de mal. Parce que c’est prétentieux de le dire ainsi, tu ne pourras le faire ; je suis avec toi.

J'attends sa réponse, parce que j'voudrais qu'il y réfléchisse bien. Je voulais qu'il se visualise bien ce que ça pourrait impliquer de me faire rentrer dans cet appart, entre ces murs où il s'est déjà passés pleins de choses. Qu'est ce que ça allait faire si je refoutais les pieds là-haut, sans blague.. J'allais voir ce matelas où tout les deux on s'était allongés maintes et maintes fois. J'allais voir ce rebord de fenêtre sur lequel je m'asseyais quand je voulais fumer la nuit pour pas le déranger, à cause de mes insomnies. J'allais retrouver cette odeur qui est propre au lieu.

J'allais juste retrouver tout ce que j'ai perdu déjà. Lui y compris.


Finalement il me laisse le passage libre, et je le regarde, sans aucune expression sur mon visage tâché de maquillage. C'est faux Ethan, on le sait tout les deux. Je peux pas te dire ce qui s'est passé, et si je le fais, tu peux pas me promettre de ne pas poser de questions. Je rentre quand même. Même si on sait, toi comme moi, que tout ne sera pas comme on l'a dit. J'vais m'effondrer, tu vas me rattraper. Tu vas être curieux, et quand tu me demanderas si ça fait mal j'te dirai sûrement «  un peu ». Ca m'écorchera la gueule, mais j'le ferais quand même. Et ça je peux le prédire.


Maintenant je montais les marches, j'avais donné un dernier coup d'oeil à l'auto. Qu'est ce qui se serait passé si j'avais décidé de me casser, d'appuyer sur l'accélérateur et de quitter la rue ? De toute façon quoi que je fasse, j'ai l'impression que cette journée était vouée à l'échec. Alors laissons le destin faire son putain de travail, comme toujours.



Arrivé en haut, je m'écarte pour le laisser ouvrir la porte d'entrée et contemple son visage. Il n'avait pas changé, il était beau, il avait cette même petite lueur qui luisait dans ses pupilles noires. Cette petite lumière cachée dans l'obscurité. Timidement, je rentre après lui dans le petit studio où se cachent tout nos souvenirs. Et sans trop savoir pourquoi, je me retourne, laisse les mots couler hors de ma bouche. «  Tu sais, je ne suis pas venue pour te voir. » Je crois que je rougis un peu, de honte et de colère. Tu pouvais pas fermer ta gueule ? Pas besoin de te justifier ma grande, maintenant que t'es ici y a plus de retour en arrière.

Je détourne le regard pour ne lire ni peine ni incompréhension dans son regard. C'était vrai, j'ai atterri ici par hasard. Bon et alors, est ce que j'ai vraiment besoin de le faire remarquer.
Ici tout semblait serein, j'avais l'infime impression de me sentir apaisée. Mais j'pouvais plus tenir debout. Mon corps était fatigué, mon âme l'était tout autant. D'un coup, – quoi qu'avec une certaine lenteur – je me laisse tomber sur le matelas. « Pardon. J'voulais pas dire ça. » J'expire bruyamment, n'ose même pas lever les yeux vers les siens. «  Si tu veux pas me poser de questions, pourquoi tu me fais monter ? » Cette fois-ci, je lève le visage. Toujours aussi neutre, je voulais savoir à quoi bon c'était de m'amener ici si c'est pour qu'on se regarde dans le blanc des yeux.


Même si on sait tout les deux, qu'on fera pas que se regarder dans le blanc des yeux.

Montant les marches derrière elle, je garde silence. J’ai tellement voulu ce moment, que le vivre à présent me laisse perplexe. J’ignore ce que je suis censé faire en vrai, mais tout ce que je veux c’est qu’elle demeure en lieu sûr. Vu son état, hors de question qu’elle remette un pied dehors, et je me surprends à me demander juste comment faire pour qu’elle dorme. Juste ça. Uniquement ça. Je ne cherche pas à comprendre ou imaginer ce qu’il s’est passé pour qu’elle en arrive là, non, je veux juste que l’insomnie ne la touche pas ce soir, et qu’elle récupère des couleurs. Je suis définitivement taré, et attaqué jusque la moelle en plus.

J’ai changé, j’ai beaucoup changé. Enfin non, je n’ai pas changé, j’ai évolué plutôt. Je suis le même, mais je tente tant bien que mal de réparer mes erreurs, de corriger les pires défauts que je puisse avoir. Non, je ne vais pas tout corriger chez moi, ce n’est pas ainsi que tu m’as aimé de toute façon ; et puis ce n’est pas comme ça que je m’aime non plus. Cependant, on a toujours dit qu’avant de pouvoir aimer quelqu’un, il fallait s’aimer soi-même. Je ne m’aimais pas lorsque tu es partie, et là que tu es revenue, au moins je suis en paix avec mon être. Elle fait un pas sur le côté, et j’insère la clé dans la serrure sans la regarder, ouvrant, retirant mes chaussures. « Pas besoin que je te dise « fais comme chez toi », hm. » Je fais claquer ma langue alors que je vais ouvrir la fenêtre pour laisser un peu d’air frais entrer. C’est le foutoir chez moi, je n’ai pas eu la foi de tout ranger, mais c’est propre. Comme toujours. Il y a des choses qui ne changent pas. Remarquant mon reflet à la fenêtre, je m’approche de mon bureau et cherche ma pommade pour les inflammations. Bon, j’avoue, c’est censé être utilisé pour les blessures, les mauvaises chutes lors de mes entraînements et tout ce bordel, mais j’ai découvert que ça marchait d’enfer sur les suçons.

Sa voix brise le silence, mais je ne bronche pas. Je me fous de savoir pourquoi tu es venue, tu es venue, et c’est tout ce qui compte pour moi à cet instant. Je hoche à peine la tête pour lui faire comprendre que je l’ai entendue et vais dans la salle de bains. Le miroir me dit que les marques à mon cou s’empirent. Je me suis fait bouffer ou comment ça se passe ? Putain, je m’en souviens pas. J’applique la crème fraîche et constate que ça fait mal. Génial. Je cache ça comment moi maintenant ? Revenant dans la pièce principale, en même temps dans mon studio ce n’est pas bien compliqué, je range le tube et ne réponds toujours pas à son pardon. Je vais simplement prendre une bière dans le frigo, prenant une chaise pour m’asseoir, lui laissant le lit.

« Tu devrais prendre une douche avant de tomber raide de sommeil. Ton corps ne demande que du repos. » Je ne réponds toujours pas à sa question, prenant mon téléphone, répondant au message de Jie que je viens de recevoir. Je l’ai dit, je ne poserai aucune interrogation et ne chercherai à en savoir plus. Donner une réponse claire à sa dernière phrase aurait été faire preuve de curiosité.

Il quitte la pièce, m'ignore. A quoi joue-t-il ? A quoi joue-t-on ?  Je crois que je suis encore plus mal à l'aise d'être ici que ce que je pensais. Tout ça, c'était inhabituel. Tout les deux on avait jamais ressenti un moment de gêne aussi profond qu'à cet instant. Y a eu des éclats de rire, des moments de complicités, tout ce qui s'en suit. Mais des moments comme celui-ci, jamais.  Hormis – peut-être – le jour où j'ai décidé de mettre fin à notre relation.. je me rappelle de ce jour.


Je me rappelle que c'était une fois de trop, une fois où j'ai dis définitivement stop.  Sa grande main avait valsé jusqu'à ma joue, et cette nuit là ça m'avait fait terriblement mal. Vous savez, j'p'ense qu'avec Ethan c'était tout aussi douloureux qu'avec Kan. Kan et moi on a passé un temps fou à se tabasser, se meurtrir. Avec Ethan, c'était très rare, c'est arrivé surtout vers la fin. Dès qu'il était pas content, dès qu'il était un peu trop jaloux, je m'en prenais une. Et ce qi les rendait douloureuse hormis la puissance qu'il y mettait, c'était parce que j'idéalisais tellement cette relation en un sens que ça me blessait de voir qu'il venait pourrir mon idéal. J'avais pas d'idéal avec Kan. On s'aimait juste. Et pas de la bonne façon.


Tu fuiras pas longtemps Ethan. Pourquoi on est là tout les deux si maintenant que j'suis rentrée, t'es devenu muet ? Répond au lieu de partir dans tout les sens. A sa recommandation je le fixe d'un oeil noir. « Non. » Je pince ma lèvre et attends qu'il me regarde. Une fois que son visage fut tourné vers le mien, je me levai avec une douleur au crâne. Je plisse les yeux puis les ouvre à nouveau d'un air fatigué avant que nos regards se re-croisent. «  Ca a pas de sens... si tu me fais monter juste comme ça. » Je marque une pause en frottant un de mes yeux. Sur ma main, une trace noir et je soupire.


Je le connaissais maintenant, j'avais l'habitude. Si j'étais là, c'est que dans un coin de sa tête il s'passait un truc. Après ce qu'on a vécu il pouvait juste pas me laisser monter les marches de cet immeuble juste pour que je sois là assise sur son matelas. Maintenant j'étais pieds nus comme un gitane ici, à le regard avec mes yeux de pandas. Et lui tapait sur son téléphone, m'abandonnait sans rien dire. De qui on se fout ?



« J'ai un appart aussi, si j'veux prendre une douche j'peux retourner chez moi. Pourquoi tu me fais monter ? »  Toujours aussi rudes dans tes propos quoi qu'il arrive. Est ce que j'aurais même pu retourner chez moi ? Est ce qu'il était parti ? J'avais plus la tête à rien.  Seulement en ces lieux, je pourrai pas supporter le silence.

Parle moi juste. De tout ce que tu veux, ou presque, mais comble au moins ce vide-ci. Je t'en supplie.

Rien n’a de sens. Quand est-ce que toi et moi avons eu réellement un sens de toute manière ? Quand est-ce que toi et moi avions une ligne définie à suivre ? Nous n’avons jamais eu de scénario, jamais suivi de règles. Pourquoi est-ce que ça l’étonne maintenant ? Les engueulades que nous avions avaient-elles un sens ? Les fois où j’ai levé la main sur toi et où tu as éventuellement pu me le rendre, avaient-elles un sens ? Quand tu es partie, avait-ce réellement un sens ? Jin Sil, je l’ai compris depuis longtemps maintenant, depuis que je t’ai perdue, que nous n’avions pas à suivre un sens, un chemin, mais que je serai toujours lié à toi malgré moi. La première fois, dès la première fois, la seule fois où nous avons certainement dansé, c’est à cet instant et cette fois là que j’ai compris que je serai toujours ton homme.

C’est con, parce que j’ai toujours été fier de pouvoir dire que tu étais mienne, que tu étais à moi, que j’étais ton petit ami. Je ne te l’ai jamais dit, mais pour moi, tu étais la cité dorée que je rêvais de trouver. Tu as tes défauts, j’ai les miens, mais je suis juste aveuglé, encore aujourd’hui. Lorsque tu es autour de moi, lorsque tu es près de moi, mes yeux, mon cœur ne voient plus que toi. Je n’y crois pas, aux contes de fées, au prince charmant, je crois juste en toi. « Je t’ai fait monter parce que je suis incapable de te laisser filer encore une fois. Tu es déjà partie, et c’était la fois de trop, la seule, mais la fois de trop. » Je range mon téléphone dans ma poche.

Quel changement n’est-ce pas ? J’arrive à parler maintenant, j’arrive à m’exprimer maintenant, j’arrive à te dire ce qu’il se passe dans ma tête. Et aussi impassible puis-je paraître, aussi détaché puis-je sembler, dans mon esprit, c’est le débarquement de pearl harbor. Je soupire, et la regarde, passant une main dans mes cheveux. « Prends une douche, mets toi au chaud, reste ici. Parce que je ne vais pas te laisser passer cette porte là bas. Pas sans moi en tout cas. Tu es blessée, tant de l’extérieur comme de l’intérieur, et tant que tu ne seras pas lucide, c’est avec moi que tu vas rester. »

Je me suis levé, et je ne sais pas pourquoi, je tourne dans mon studio, et je ne sais pas pourquoi. Je crois que j’ai envie de la reprendre dans mes bras, mais je ne sais pas si elle me laisserait. Je ne veux pas lui demander ce qu’il s’est passé, parce que de toute manière elle ne me le dira pas, alors de mon placard, je sors une serviette et la lui tends. « S’il te plait, fais ce que je te dis. » Si je ne pose pas de question, alors, au moins écoute moi, je ne demande pas la lune, je demande juste à te décrasser de cette expérience que tu viens de vivre et que t’essaies de dormir. Ce n’est pas beaucoup demander, n’est-ce pas ?