En recevant les sms de Tasyr, j'étais passée par plusieurs stades. Premièrement, la surprise, parce que je n'étais pas habituée à ce qu'il me parle. Parce que l'on ne s'entendait pas, je l'appréciais à vrai dire ce gamin, mais nous n'étions pas forcément proches. Ensuite, l'inquiétude. Pourquoi avait-il besoin de mon aide ? Avait-il des ennuis ? Mais aussitôt avais-je ressenti ces craintes, que je m'étais raidie, laissant place à la troisième émotion : la méfiance. Depuis ma mésaventure avec les tsebe, et notamment le fait que ce soit en partie la faute de Minh, j'avais énormément de mal à me fier aux gens. Tasyr était plus âgé que Minh, mais il était vert, et ne jouissait pas fondamentalement d'une bonne réputation. Je le connaissais moins bien que Minh également. Était-ce bien prudent de le laisser venir chez moi ? Je l'ignorai. J'envoyai un message à mon frère, au cas où, lui disant que si je l'appelais il devrait rappliquer aussitôt. Voilà, c'était comme ça que j'étais devenue : paranoïaque. Mais ça, personne ne devait le savoir.

J'avais à peine pris la peine de m'habiller, me contentant d'enfiler un short, mais gardant mon t-shirt ironman, celui que je mettais pour dormir. Quand mon téléphone vibre, je déglutis, prend sur moi et vais ouvrir au syrien. J'essaie de ne pas paraître trop sur la défensive, j'espère que c'est réussi. Entre, je t'en prie. Si Tasyr était sincère, il n'avait pas à subir mes inquiétudes. Dans le cas contraire, mon frère serait là en moins de deux.

Très franchement, c'était pas le fait de me retrouver en présence d'un tsebe qui me mettait tellement mal à l'aise. C'était de savoir ma fille dans la pièce d'à côté. Les tsebe l'avaient clairement menacée, et de ça, je ne m'en remettrais jamais. Je vivais pour elle depuis mon retour d'Afrique. Ma vie importait peu, elle n'avait jamais compté à mes yeux, mais Shanna était sacrée. Cependant, je ne pouvais pas m'empêcher de vouloir faire confiance à Tasyr. C'était pour cela que j'avais accepté qu'il vienne chez moi. S'en rendait-il compte ? Qu'importe.

Ses mots me font prendre conscience que j'agis très mal. Il n'a rien fait, mais je semble le suspecter. Je me réprimande intérieurement, avant de pousser un soupir désolé Navrée Taz ... Je ne te fouillerai pas, je te fais confiance. Alea jacta est. J'avais prononcé des mots que je risquais de regretter, mais qu'importe. Mets-toi à l'aise, tu veux quelque chose à boire ou à manger ? Je me dirige d'instinct vers la cuisine américaine, séparée du salon par un simple bar. J'attrape une bouteille d'eau, et un paquet de bonbons, en attendant que Tasyr me réponde.

Je dépose la bouteille sur la table, tout en ouvrant le sachet de bonbons. D'emblée Tasyr en choppe un. Bien sûr, ça ne me dérange pas, même si à la base je les avais pris pour moi. Le syrien n'était pas un gosse, et je me laissais à penser que les hommes se détournaient des bonbons rendus à un certain âge. Moi, j'aimais toujours autant ça. Je dépose le sachet sur la table, prenant une poignée pour moi, avant de m'asseoir dans le fauteuil et de replier mes jambes contre ma poitrine Étonnamment, ouais, elle dort. Je sais juste pas jusque quand. Je sens bien que ma fille ne l'intéresse pas plus que ça. C'est soit de la politesse, soit une tentative d'éviter le sujet qui l'avait poussé à franchir le pas de ma porte. Tu ne m'embêtes pas Tasyr... en revanche tu commences à m'inquiéter. Qu'est-ce qu'il t'arrives ? Bon, si c'était une partie de confessions nocturnes, j'aurais peut-être dû sortir l'alcool. Au pire, il n'était jamais trop tard.