# «Imagine there's no Heaven, it's easy of you try.» # « Je.. Je dois raconter, c'est ça ? Et bien... Je suis né le 10 mai 1992 à Haenam. Je suis arrivé par surprise, ma mère ne savait pas qu'elle était enceinte. Elle est allée à l'hôpital en pensant que ce devait être son appendice, seulement, ce n'était pas un petit bout d'estomac qu'il fallait lui retirer, mais moi. Elle avait 15 ans. Vous voyez, même avant ma naissance, je savais que je devais me faire discret pour avoir une chance de vivre. Je pense que ma mère ne s'est jamais occupée de moi, mais je suis arrivé trop tôt, ce n'était pas de sa faute. Je sais que quand j'étais bébé, c'est ma grand-mère qui s'est occupée de moi pour que ma mère puisse continuer d'aller à l'école. Elle m'a élevé jusqu'à ce que j'ai six ans mais elle était très âgée alors elle ne pouvait plus. Maman m'a mit dans une école pour garçon où je restais tous le temps. Normalement, on rentre pour les vacances mais moi je ne rentrais pas souvent parce qu'elle n'avait pas le temps de s'occuper de moi et comme je n'étais pas capable de me débrouiller seul, il valait mieux me laisser au pensionnat.
Les autres garçons n'étaient pas très gentil avec moi et quand je n'étais pas assez sage, ils me punissaient. Ils avaient raison, je n'étais qu'une gêne, toujours dans leurs pattes. »
Le psychiatre continue à écouter le jeune Heaven sans se douter qu'il déforme la réalité sans même s'en rendre compte.
« C'est ce qu'il vous a dit ? Qu'il méritait les coups ? Oh.. Pauvre petit.. Heaven est vraiment un garçon gentil. Il est adorable. Seulement, pour les garçons de son âge, il est bizarre et faible. Il n'aime pas jouer à la bagarre, il n'aime pas courir dans la boue. Il préfère colorier, lire ou prendre des photos. Il a de bonnes notes et il est vraiment doué vous savez. Je crois qu'il n'a été tranquille qu'une semaine, lorsqu'il est arrivé au pensionnat. Il était petit et mince pour son âge. Il avait de grands yeux curieux et je me suis tout de suite attachée à lui. Je suis âgée vous savez, je ne vais là-bas que deux jours par semaine, quand j'y suis, je veille sur lui, je le protège comme je peux. Il est toujours pleins de bleus et de marques. Il ne porte que des pantalons et des manches longues. Je ne m'étais rendu compte de rien mais un jour, il est venu me voir parce qu'il avait très mal au poignet, comme ça ne passait pas, je l'ai emmené à l'hôpital le plus proche. Les gamins lui avaient cassé le poignet, vous vous rendez compte de la violence ? Le directeur ne fait rien... Les punitions n'y changent rien. »
La vieille dame soupire, elle a les larmes aux yeux. Cependant, le psychiatre lui demande de poursuivre, il a besoin de tous savoir.
« Il se réfugiait dans le placard à balais, on l'a retrouvé là-bas plusieurs fois. Il y avait de la lumière et il se mettait dans un coin pour lire. Il sortait seul pour aller prendre des photos, plusieurs fois on a dû aller le chercher lorsqu'on se rendait compte, aux heures des repas, qu'il n'était pas rentrés. Il est arrivé qu'on le retrouve nu, dans le froid, juste derrière la remise. Les jeunes n'avaient aucune pitié. Heureusement que le petit Ren est arrivé, heureusement... »
Le psychiatre la remercie, et lui indique qu'elle peut s'arrêter désormais. Il va avoir besoin d'un nouvel entretien avec Heaven.
« Heaven, est-ce que les garçons étaient méchant avec toi ? »
« Ils n'étaient pas méchants, ils étaient justes. »
« Est-ce qu'ils t'ont frappés ? »
« Oui. Mais c'est parce que je le méritais. »
« Qu'est-ce qu'ils te disaient ? »
« Que je ressemblais à une fille et que je devais être traité tel quel. »
« Et comment doit être traité une fille ? »
« Dans une école de garçon, elle doit leur appartenir et leur obéir. »
« Tu sais que ce n'est pas vrai, n'est-ce pas ? »
« Dans mon école, c'était vrai. »
« Est-ce qu'ils t'ont demandés de faire des choses que tu ne voulais pas ? »
Le jeune adulte acquiesce mais ne répond pas.
« Heaven, est-ce qu'ils t'ont touchés ? »
« Il faut toucher pour frapper. »
« Ce n'est pas ce que je veux dire. Est-ce qu'ils t'ont touchés, sexuellement Heaven ? »
Un silence prend place dans la pièce et le psychiatre n'a pas besoin de réponse pour comprendre.
« Combien de fois ? »
« Je ne sais pas. »
« Beaucoup ? »
« Souvent. »
Plus le docteur en apprend, et plus il s'alarme.
« Personne ne te défendais ? »
« Ren me défendait. »
« Quand est-ce que Renest arrivé? »
« J'avais 14 ans. »
« Il était gentil avec toi ? »
« Oui. Il tapait les garçons qui était méchant et il me faisait des câlins. Mais c'était pas des méchants câlins, il me serrait juste dans ses bras et je n'avais pas besoin d'être tout nu. »
« Ren ne t'a jamais demander de faire des choses que tu ne voulais pas faire ? »
Le garçon nie.
« Non. Ren était gentil. »
« Tu le vois encore ? »
« Je suis partit quand j'ai eut 18 ans et je suis venu ici. Il avait raté son examen alors il devait rester encore un an. »
« Alors, tu n'as pas de nouvelles de lui ? »
Il secoue la tête et essuie une larme qui roule sur sa joue. Heaven n'a pas pleuré lorsqu'il a dû parler de ses agressions plus violentes les unes que les autres, mais il pleure lorsqu'il parle de la seule amitié qu'il ait connu.
« Tu crois que tu seras bien ici, tout seul ? »
« Je suis venu à Séoul pour aller dans une école qui me plaît et apprendre comment on prend de jolies photos.Ren a dit que je devais faire ça, que j'avais du talent. Je ne savais pas quoi faire alors je suis venu. Si je reste ici, Ren pourra me retrouver. C'était notre secret. Il a dit que je devait voir le monde et apprendre ce que c'était qu'une vie normale. Je veux voir. Je veux comprendre. »
Le psychiatre sourit, l'homme qui se tient face à lui à encore la mentalité d'un enfant et pourtant, il est âgé de 20 ans. Il n'est à Séoul que depuis quelques jours mais il a l'air confiant quand à son avenir. Le docteur remercie Heaven, il faudra qu'il revienne le voir tous les mois mais il peut vivre seul. Il doit apprendre à devenir un adulte et même si l'autonomie n'est pas la solution la plus aisée, elle sera sans doute la plus rapide.