Elle venait de finir ses devoirs, jeona était passée la voir pour lui dire qu'elle sortait, mais qu'elle ne revenait pas trop tard. Elle lui avait fait un bisou sur la joue, lui disant de faire attention à elle, avant de se replonger dans ses devoirs. Elle était à présent assise devant la fenêtre, elle avait allumé sa veilleuse, le ciel était tellement sombre cette nuit. Il y avait un orage. Elle n'en avait pas peur, mais ça rendait le ciel plus noir que d'habitude, et elle n'aimait pas ça. Elle regardait les éclairs à travers la fenêtre, elle n'avait pas fermé les volets. Elle mordillait la paille de son bubble tea qu'elle avait presque fini. Elle en voulait un autre, et alors qu'elle allait se mettre à bouger, elle vit une forme dans le grand jardin. N'importe qui pouvait passer par là, c'était si simple de rentrer enfait, la jeune chinoise le savait. Elle frissonna un peu, effrayée. Dire que Jeona n'était pas là. Elle déglutit bruyamment. Elle n'osait plus bouger. Elle ferma fortement les yeux, espérant avoir simplement rêvé. Elle essayait vainement de se rassurer. Mais lorsqu'elle entendit du bruit, elle dû se rendre à l'évidence. Il y avait bien quelqu'un. Elle resta immobile pendant quelques instants, elle n'aurait su dire avec exactitude combien de temps. La jeune fille prit une grande respiration, essayant par ce simple geste de se donner du courage, bien que ça soit largement insuffisant. Elle se leva, descendant lentement, sa peluche et son téléphone en mode lampe de poche à la main. Elle se planta finalement devant la porte, pesant le pour et le contre, devait-elle vraiment l'ouvrir ? Elle secoua doucement la tête, elle devait être courageuse. Elle ouvrit alors brusquement la porte. Son portable ainsi que sa peluche tombèrent abruptement sur le sol, mais elle n'en avait que faire, bien trop préoccupé par la vision devant elle.  Elle ne s'attendait pas à ça. Tomber sur son meilleur ami, l'air désespéré, complètement angoissé, par terre. Elle ne put retenir un petit cri, qu'est-ce qu'il s'était passé ? Elle appela un domestique pour l'aider à relever son ami et le soutenir jusqu'à la chambre de la demoiselle. Lorsqu'il fut installer sur son lit, elle congédia le pauvre gérard qui avait l'air essoufflé puis se concentra sur Tasyr. Elle lui caressa doucement les cheveux. Il était trempé. Elle s'empressa d'aller lui chercher des serviettes et se faufila discrètement dans la chambre de son frère pour lui ramener un haut sec. Elle déposa une serviette sur la tête de son ami, laissant le reste à coté, et elle lui frotta avec douceur les cheveux. Elle était inquiète. Yue se baissa à sa hauteur et prit ses mains dans les siennes, l'appelant avec tendresse. « tasyr ? baobei ? »

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Il avait beau être l'aîné, en cet instant, il ressemblait tout simplement à un enfant terrorisé. Lorsqu'un nouveau bruit assourdissant tonna dans le ciel, tandis qu'un éclat de lumière se fit voir par la fenêtre de la jeune fille, elle le sentit resserrer sa prise sur leurs mains liées. Il était effrayé. Voir son visage être déformé par la peur impressionnait la demoiselle. Elle ne l'avait jamais vu ainsi. Et à vrai dire, c'était la première fois. Elle caressa doucement les mains de son ami à l'aide de ses pouces, essayant de l'apaiser, bien que tout cela paraisse en vain. Elle était un peu désemparée, mais n'en fit rien paraître, ce n'était pas le moment, pour l'instant le plus important était de le rassurer, de le faire aller mieux. Il eut le courage de se détacher d'elle pour se changer, il avait l'air un peu déconnecté de la réalité en faisant ces gestes, et ça ne fit que renforcer l'inquiétude qu'éprouvait la chinoise. Pourquoi son aîné allait-il aussi mal ? Elle ne savait pas, mais tout ce qu'elle pouvait faire était de lui apporter du réconfort, et un sentiment de sécurité. Il se colla à nouveau rapidement à elle, et elle le laissa faire, passant ses bras autour de lui, de sorte à le serrer fort contre elle. Son visage était enfoui dans son cou. Il avait peur. Elle se sentait impuissante. Il essayait de paraître fort. Elle eût tout bonnement envie de prendre son angoisse, pour qu'il soit vraiment fort, et pas qu'il ne s'en donne juste l'image. Elle caressa ses cheveux encore mouillés, malgré qu'elle les ait préalablement frottés avec une serviette. Elle avait peur qu'il tombe malade, mais encore plus de se détacher de lui.
La voix tremblotant de son aîné lui brisa littéralement le cœur. Elle se sentait bien faible et inutile face à la détresse de son meilleur ami. Et son incapacité à faire quoi que ce soit d'autre que le serrer fort contre lui et lui caresser les cheveux lui donnait envie de vomir.
Mais les éclats de lumière qui illuminaient sa chambre se faisaient de plus en plus nombreux et les bruits qui y résonnaient de plus en plus assourdissants. Elle devait se lever pour fermer les volets, et prendre son ipod pour lui mettre de la musique dans les oreilles. Cependant elle avait peur. Peur qu'au moindre mouvement, il soit encore plus effrayé et se sente encore plus désemparé. Yue chuchota alors doucement, pour ne pas l'effrayer un peu plus. « baobei..je vais fermer les volets, tu veux bien me lâcher ? »

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Elle ne se sentait pas gênée par ce qu'il se passait. Bien qu'elle soit désemparée par la situation, elle ne se sentait pas embarrassée par tout ça. Ils étaient amis. Meilleurs amis aux yeux de la plus jeune. Elle se devait de le rassurer, c'était tout ce qu'elle voyait pour l'instant. Lorsqu'elle émit l'idée de se détacher de lui, de s'éloigner juste un peu, rien qu'un peu, il sembla terrorisé. Sa prise sur son haut se fit plus forte. Il lui ordonna d'attendre. Ce qu'elle fit, lui caressant encore les cheveux pour le détendre. Le temps semblait s'écouler au ralenti, elle ne saurait vraiment dire combien de temps ils étaient restés comme ça, l'un contre l'autre, mais au bout d'un moment, il relâcha doucement sa prise sur elle. Elle attendit tout de même, un mot ou un signal de sa part pour bouger, et dès qu'il l'y autorisa, elle se leva, elle tourna tout de même la tête vers lui, et elle put voir qu'il essuyait ses yeux d'un revers de main. Cette vision retourna l'estomac de la jeune fille. Jamais au grand jamais elle n'aurait pu l'imaginer dans un tel état de détresse. Elle se dépêcha de fermer les volets et d'attraper son ipod avant de revenir sur le lit, s'installant aux côtés de son ami. Lorsqu'il évoqua ses sœurs, la jeune yi ne put réprimer un soupir. « j'en sais rien. Jeona vient de partir je ne sais où et elle reviendra je ne sais quand. De même pour Nuo. » Elle le vit sursauter légèrement. Elle dénoua ses écouteurs. « pourquoi tu t'excuses ? On est amis non ? », et bien que cette question puisse paraître idiote, il n'en était rien. Il arrivait à la demoiselle de douter. Après tout, tout le monde l'approchait par rapport à sa famille, personne ne l'aimait vraiment pour elle en dehors des yi, alors oui, par moment, elle regardait tasyr et elle se demandait ce qu'il foutait avec elle. Elle souffla doucement, ce n'était pas le moment de se prendre la tête pour des trucs aussi stupides. Elle enfila un écouteur dans l'une des oreilles de son aîné avant d'enclencher Clair de Lune de Debussy. Elle espérait qu'il se concentre seulement sur ça, sur la musique, pour qu'il ne puisse plus entendre ces bruits assourdissants, et qui aux yeux de la jeune fille étaient devenus des bruits effrayants puisqu'ils terrorisaient le jeune homme. « tu me racontes ? » demanda-t-elle tout doucement. Yue ne voulait pas se mêler de se qui ne la regardait pas, après tout, il pouvait bien avoir des secrets, mais elle voulait l'aider, simplement l'aider, elle ne le forçait pas.

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Le temps se fit bien long après la demande de la jeune fille. Elle se pinça les lèvres, anxieuse. Elle avait dit quelque chose de mal, elle en était sûre. Elle aurait du se taire au lieu de mettre les pieds dans le plat ainsi. Sa bêtise lui donna simplement envie de se frapper. Elle continua de caresser les cheveux ébènes de tasyr, si elle ne sentait pas son souffle aussi régulier dans son cou, elle aurait pu jurer qu'il dormait. Mais, non, il était juste plongé dans ses pensées. Elle ferma les yeux quelques secondes, son stress venait de descendre, elle se sentait un peu fatiguée tout d'un coup. Elle rouvrit les yeux au moment où il parla. Peur de l'orage ? Simplement peur de l'orage ? Elle n'était pas idiote, pas naïve au point de croire une telle chose. Elle, elle avait peur du noir, et même si ça pouvait lui causer des grands moments d'angoisse, elle n'avait jamais était dans le même état dans lequel son ami s'était trouvé. Il y avait autre chose. C'était évident. Mais elle ne pouvait pas le forcer. Elle se contenta de hocher la tête. Après tout, que pouvait-elle faire d'autre ? Elle resta silencieuse, ne sachant pas quoi dire. Elle semblait légèrement perdue face à comportement qu'elle devait adopter avec son aîné, elle essayait de tout calculer pour ne pas le brusquer, mais cela se trouvait bien difficile à faire. Elle garda le silence. Le silence est la solution à tout. Il se détacha à nouveau d'elle, et il lui embrassa la joue tout en la remerciant. Elle lui sourit. Il semblait aller mieux, alors elle allait mieux. Puis la demande du garçon laissa un petit moment flottement. La jeune fille était rouge tomate, elle hocha simplement la tête, se raclant la gorge. « je reviens. » dit-elle avant de sortir précipitamment de sa propre chambre. Elle se dirigea vers la cuisine, descendant doucement les escaliers, elle fit chauffer du lait avant de verser la boisson dans une tasse et d'y ajouter deux cuillères de miel. Puis elle resta là, juste un peu. Quelques minutes. Ça l'avait gêné c'est vrai, mais ce qui la tracassait le plus, c'est d'avoir pris conscience que sa demande était embarrassante. Ça signifiait qu'elle grandissait, qu'elle comprenait plus de choses. Elle ne voulait pas grandir. Elle refusait tout simplement. Elle avait peur. Grandir… l'esprit de la jeune fille s'y refusait parce qu'il savait inconsciemment que s'il acceptait ça, le monstre tapit dans l'ombre, dans son fond, surgirait pour la dévorer. C'était ça, son angoisse à elle, grandir. Mais personne n'en savait rien. Elle aussi avait son petit secret, même si elle n'était pas complètement consciente d'en avoir un. Elle secoua doucement la tête, essayant de reprendre ses esprits. Elle prit la tasse encore fumante dans ses mains, puis se dirigea vers la chambre de jegal, histoire de lui piquer un jogging avant de partir dans sa chambre. Elle ouvrit doucement la porte et déposa sans vraiment trop regarder le bas sur le lit. Elle mit le lait chaud sur sa table de chevet et quand elle fut sûre que tasyr soit changé, elle se tourna vers lui. « je t'ai fait du lait chaud avec du miel. Tu ne dois pas tomber malade, hum. »

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Elle avait envie de lui dire de ne pas partir. Mais elle ne fit rien, se contentant à nouveau d'acquiescer, elle ne savait faire que ça, dire oui, être d'accord. « si tu veux. mais tu ne m'embêtes pas. », c'était une demande cachée, pour qu'il reste. Mais ça sonnait légèrement désespérée, elle se sentit stupide. Encore plus parce qu'il n'avait pas l'air de trouver les attentions de la plus jeune normales. Elle laissa un sourire étirer ses lèvres, elle était blessée. Peut-être que leur relation n'était pas comme elle l'imaginait. Il fallait qu'elle arrête de se lier aux gens comme ça, de s'attacher et s'accrocher stupidement. Ce n'était pas le cas pour tout le monde, et apparemment pas pour Tasyr non plus. Une boule se forma au niveau de sa poitrine, la compressant lentement mais surement. Elle ne dit rien. Leur regard se croisèrent. Un once de gratitude dans celui de son aîné. Elle lui fit un sourire. Il n'avait pas besoin de lui dire merci, ou de s'excuser, elle trouvait ça stupide. Ils étaient censés être amis. Elle fit tourner sa chaise, se dérobant ainsi à son regard qu'elle n'avait pas le courage de supporter. Elle se tourna à nouveau vers lui quand il lui proposa de parler. Il avait l'air..perturbé, pas comme tout à l'heure, mais c'était comme si quelque chose pesait sur ses épaules. Yue avait l'impression que le poids de cent ans de souvenirs pesaient sur les épaules du garçon, et le retenait sur terre. Elle n'avait pas vu cette part de lui avant, peut-être parce qu'il ne l'avait pas montré, peut-être parce qu'elle l'avait inconsciemment occultée, ou peut-être les deux. Mais maintenant, elle était un peu effrayée de ça, le malheur dont Tasyr était victime lui semblait effrayant, comme si c'était un monstre qui se terrait doucement au fond de lui pour mieux surgir quand il était seul, le dévorant de l'intérieur, jusqu’à effacer la moindre trace de sourire, de vie. Elle secoua la tête. Elle serait là. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il dise. Il était son ami, bien que ça ne soit peut-être pas réciproque. Alors elle serait là. Elle revivait à nouveau ses souvenirs, pour comprendre ce qu'elle avait manqué, loupé. Elle était prête à grandir, un peu, juste un peu, pour lui. Et elle se souvint. Son regard flottant, fixant machinalement son poignet gauche, il semblait loin. Elle s'installa sur le lit, et tira sa main gauche vers elle. Elle posa son regard sur ce tatouage. Cette date. À l'aide de son pouce, elle caressa doucement cette marque encrée dans la peau du garçon. « c'est ça qui fait mal ? » osa-t-elle demander, ce fut presque un souffle, un simple souffle tant elle avait peur de le blesser.  

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Elle était suspendue à ses lèvres. Elle avait peur de louper le moindre mot, la moindre nuance, le moindre changement de ton. Elle avait peur de laisser bêtement s'évaporer sa seule chance de l'aider. Elle ne parlait pas, elle l'écoutait. La Syrie, elle n'y connaissait pas grand-chose, juste ce qu'on pouvait en entendre, des ruines et la guerre. Le ton amer qu'il utilisait pour en parler, rendit la jeune fille triste. Mais quand il accrocha de force son regard au sien, elle se sentit un peu mourir. La tristesse semblait un sentiment tellement factice, superficiel. Cette souffrance qu'elle voyait dans ses yeux, elle se sentait comme une éponge, aspirant tout ce qu'elle pouvait. Et l'infime part de douleur qu'il venait de lui laisser suffisait à la faire suffoquer, elle avait l'impression de faire une chute dans le vide, ce genre de chute interminable, mais dont on est convaincu qu'à la fin, on y succombera. Elle resserra doucement sa prise sur le poignet du garçon, « je suis là », c'est ce qu'elle voulait dire, mais elle ne le fit pas. Ces mots semblaient si dérisoire. Elle en savait peu, mais bien assez pour comprendre que la douleur de son ami brûlerait toujours, même si elle était là, à partager un peu de ce poids. Pour l'instant, elle ne savait rien, mais elle se sentait déjà terriblement affectée, pourtant elle voulait savoir, tout savoir, quitte à s'écrouler sous le poids. « qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? » elle ne demanda pas qui ils étaient, ils étaient douleur et malheur, c'est tout ce qu'il fallait en savoir, ces deux mots les faisaient maux de l'homme. Le plus important était ce qu'ils avaient fait. Ce qu'ils avaient fait aux gens, à Tasyr, à son ami. Elle n'était pas sûre de pouvoir le supporter, ou même de comprendre entièrement le garçon, mais elle prendrait sa souffrance autant qu'elle pourrait, même si ça devait l'étouffer, juste pour qu'il puisse lui aussi respirer, qu'il ait une infime sensation d'être vivant. Yue était prête à se faire bouffer par le monstre de Tasyr à sa place.   

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Il serra fort ses mains avant de les relâcher, elle le laissa faire. Elle regardait, elle observait. Elle était spectatrice de la souffrance qu'il lui dévoilait, elle ne pouvait que regarder et admettre. Admettre que ce n'était pas un cauchemard dont elle allait se réveiller sous peu. C'était réel, et douloureux. Il se mit debout. Il était en face d'elle. Il la surplombait avec toute sa souffrance. Elle se sentait infiniment petite, et faible. Faible, si faible. Il releva le haut qu'elle lui avait prêté. Elle ne se sentait pas prête tout d'un coup, pas prête du tout à voir ce qu'il y avait en dessous. Les marques qu'ils avaient pu lui laisser. Elle eut envie de fermer les yeux et de hurler, mais elle ne fit rien, elle resta immobile quelques secondes qui semblèrent une éternité, et finalement, elle osa effleurer du bout des doigts la cicatrice blanche qui traversait le torse du garçon. Elle frissonna. Elle suffoquait. Elle imaginait. Elle imaginait à l'aide quoi cette marque avait pu être laissée. La profondeur avec laquelle on lui avait enfoncé la lame, la douleur physique, la douleur mentale. Mais entre l'imaginer et le vivre, il y avait une grande différence. Elle le savait. Si elle, elle avait déjà mal rien qu'en envisageant son tourment, il devait être bien plus vif, bien plus terrifiant pour Tasyr. Il semblait en colère, désespéré, peiné, dépité. Agité, agité par pleins de sentiments, de souvenirs vivaces qui le dévoraient. Qui l'avaient dévoré. Elle ramena sa main vers elle, la serrant fortement. Il se laissa glisser au sol. Il lui semblait hors d'atteinte. Comme si un gouffre immense les séparait. Ou plutôt comme si le monstre qui habitait en Tasyr l'empêchait de l'atteindre. Ce monstre fait de malheur, de souffrance, de pleurs, de hurlements, de cicatrices, de douleur. Il avait l'air infini. Elle aurait aimé dire au jeune homme de lui donner son monstre, qu'elle le garderait, qu'elle l'enfermerait à clé, et que plus jamais, plus jamais il ne se sentirait comme ça, plus jamais il ne serait dans cet état. Mais les mensonges, les illusions, c'est moche. Bien trop moche. Elle prit Tasyr dans ses bras et posa son menton sur sa tête, le serrant fortement contre lui. Il n'était pas hors d'atteinte. Elle ferait en sorte qu'il ne le soit pas. Elle essayerait de partager en deux la douleur du garçon, et d'en prendre la moitié. Elle ne pouvait pas l'avaler en entier, elle ne pouvait pas tout lui enlever, mais elle serait là, elle serait là, et ils partageraient. Elle lui promettait silencieusement, avec des larmes roulant sur ses joues pâles pour sceller cette promesse.   

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Cette promesse représentait beaucoup et en même temps si peu pour la jeune fille. Elle n'avait pas l'impression de promettre l'impossible, ni quelque chose de grandiose. Et pourtant, elle acceptait tout en étant pleinement consciente de partager les frayeurs, les peurs les plus insoutenables de Tasyr. Quitte à en souffrir elle aussi. Quitte à grandir. Elle le ferait pour lui, juste pour lui. Elle était prête à tout pour lui. Elle le serrait fortement contre elle. Elle pleurait. Elle pleurait comme si de ses larmes elle pouvait effacer, noyer le monstre qui habitait en Tasyr. Elle sentait en elle un sentiment différent, qui lui serrait fortement le cœur, qui lui compressait la cage thoracique. Elle ne savait pas ce que c'était, c'était juste douloureux. Mais rien n'importait plus que le garçon dans ses bras, ce garçon qu'elle aimait profondément et pour qui elle était étrangement prête à s'enfoncer dans les abysses les plus noirs. Elle le sentit se décrocher d'elle, juste un peu. Et cette fois-ci, ce fut à son tour d'en être effrayée. Elle avait peur de ne pas pouvoir le 'protéger' des malheurs de l'extérieur s'il n'était plus contre elle. C'était inexplicable, mais elle le laissa faire. Elle eût un petit hoquet de surprise tout d'abord en entendant ses mots, puis un petit rire nerveux qu'elle étouffa bien vite. Comment ne pas douter d'une chose pareille ? Elle qui avait toujours était seule, elle ne pouvait qu'en douter. En dehors de cette maison, ou plutôt de ce château doré avec des remparts pour la protéger du monde extérieur, elle sentait le sol faillir sous ses pieds, elle se sentait seule. Les apparences pouvaient se révélaient trompeuses. Qui pourrait croire que cette enfant au sourire angélique qui sautille presque dans la rue avait un vide dans son petit cœur ? Elle était le théâtre d'un malheur bien à elle dont elle n'était pas consciente, ce vide était enfait un monstre qui lui était propre mais qu'elle refoulait car son enfance, ce royaume où le malheur n'existe pas et ou rien ni personne ne meurt,  lui avait permis. — Mais le vide porte en lui l'accident, la brisure, l'asymétrie.
Tasyr était arrivé, il avait changé son quotidien, avait remplacé ce vide par des éclats de rires, des sourires, des gestes tendres et affectueux. Mais elle appréhendait juste le moment où le sol s'effondrerait à nouveau sous ses pas, où elle se sentirait seule à nouveau. Elle avait peur du jour où il ne l'aimerait plus. Lorsqu'Alice avait demandé au lapin 'combien de temps était toujours', il lui avait répond 'parfois, juste une seconde'. Tout était simplement éphémère. Elle caressa légèrement les cheveux ébènes du garçon, un sourire triste peint sur le visage alors que ses larmes s'arrêtaient doucement de couler, laissant des sillons sur les joues blanches de la petite princesse qu'elle était. Pourtant..Malgré ce qu'elle ressentait, elle ne dit rien. Elle se contenta d'un souffle, presque inaudible. « Oui. » Il n'avait pas besoin de savoir, c'était à elle de l'empêcher de suffoquer. Pas l'inverse.

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Il est la glace, elle est le feu. Il est la colère, elle est la douceur. − Ils n'avaient au départ rien en commun. Elle ne se souvenait plus exactement ce qui l'avait amené à parier sur leur amitié. C'était légèrement flou tout de suite. Peut-être était-ce un regard ? Ou un sourire ? Ou peut-être absolument rien. Ils n'étaient pas fait l'un pour l'autre, c'était une certitude. Ils se sauvaient simplement l'un l'autre d'une noyade éminente. Ils étaient sur le point de suffoquer, et l'autre était arrivé. Mais cette rencontre, cette amitié, ce lien, peut-être se résumait-il seulement à un accident ? Du moins, au départ. C'était juste un accident. Mais il n'y avait pas plus lent et doux accident au monde que celui qu'elle vivait alors. L’atterrissage, cet instant douloureux n'était pas encore arriver. Et elle voulait occulter ça, elle refusait qu'un tel moment existe. Pour l'instant, ils étaient deux et la descente était qu'ils effectuaient ensemble était bien trop douce pour qu'ils soient séparer. Il n'étaient pas fait l'un pour l'autre. - Mais finalement, elle était sa douceur, il était sa colère. Ils étaient l'un l'autre.
Elle n'osa pas repousser sa main, lui dire qu'une telle promesse ne pouvait se tenir. Elle lia leur doigts, scellant une promesse dont elle n'était pas certaine mais à laquelle elle croirait aveuglément, confiant alors sans le savoir l'avenir de son petit cœur d'enfant au garçon qui ne prenait lui non plus, sûrement pas conscience de cet acte. « Promis » souffla-t-elle, un fin sourire sur les lèvres, peinant légèrement à reproduire celui éclatant de son ami. Elle l'aimait. Elle y croirait. A s'en écorcher le cœur. Parce que ça irait, ça irait seulement parce que c'était pour lui. Elle enfouie son visage dans le creux de son cou lorsqu'il l'y invita. Elle passa ses mains dans le dos du garçon, et s'accrocha presque désespérément à ses épaules. « Jamais. J'en serai incapable. » chuchota-t-elle doucement, comme si elle avait peur que les mots lui échappent, comme si elle avait peur qu'un mot de trop ne parvienne à tout rompre en un éclat. Elle ferma les yeux, elle resta contre lui, dans cette position, jusqu'à ce que le calme revienne dans son petit cœur, elle ne le sentait plus sur le point d'exploser. Un doux sourire avait laissé place sur le visage de la jeune fille. Elle allait mieux, elle espérait que c'était le cas pour lui. Elle luttait contre le sommeil qui prenait peu à peu par d'elle, mais la situation était bien trop apaisante. Elle se décolla légèrement de lui, laissant son visage au creux de son cou. « J'ai sommeil. » dit-elle, tout doucement. ─ Mais ce cœur sur le point d'imploser, c'est en réalité la nuit qui va passer, qui va tomber et doucement l'envelopper de sa noirceur. Tout comme l'éclat incertain d'une journée d'avril qui d'abord montre tout l'éclat du soleil, puis petit à petit un nuage emporte tout.

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