Noona I need your help ♦

Les heures avaient passé sans que je m'en rende compte. Depuis ce matin onze heure je ne m'étais pas posée une seule minute, entre mes cours et mes projets professionnels. J'avais réussi à acquérir des actions supplémentaires dans High Cut, et à ce rythme j'allais bientôt devenir une actionnaire majoritaire. Seulement, ça ne me suffisait pas, je voulais posséder le magasine, je voulais déposséder mes parents, que la chose dont ils avaient si honte leur prenne ce dont ils étaient si fiers. Que je vole l'héritage de mon frère. Que je leur montre ce dont le laideron de la famille était capable. La rancune était connue comme un trait caractéristique chez les Kang, nous l'étions tous, depuis plusieurs générations. Mais nous étions également des requins en matière de finance, et ce n'était pas pour rien que nous étions à la tête du plus gros magazine de mode de Corée. Il semblait pourtant que le paternel avait fini par perdre ses dents : depuis notre villa à Los Angeles, il avait peu à peu perdu le contrôle de sa propre entreprise. Il restait PDG, et se déplaçait quand cela était nécessaire, mais il était un roi aisé à détrôner. Toujours était-il qu'à minuit, j'étais toujours à la fraternité, les yeux rivés sur mon macbook, une tasse de café à la main. J'analysais tout, prenant presque plaisir à voir des chiffres dans tous les coins de mon écran.

Quand les yeux commencèrent à me brûler beaucoup trop, je finis par refermer mon ordinateur et m'étirer dans le fauteuil où j'étais installée. J'avais bu trop de café pour dormir maintenant, mais j'avais les yeux trop explosé que pour continuer à bosser. J'attrapai mon portable et checkai vite fait mes mails, facebook, twitter, et toutes ces applications chronophages qui permettaient soit disant de rester en contact. Enfin, personnellement ça me permettait surtout de stalker les gens que j'aimais bien, et d'exploser au monde entier mes photos en bikini. Soit, une partie de 2048 plus tard, je finis par me résoudre à bouger, attrapant ma veste et mes clés. Une fois dehors il me fallut un moment avant de remarquer la silhouette assise sur le trottoir. Ce n'était pas courant de croiser des clodo à Jangan-gu, mais quelque chose me disait que cette personne n'en était pas un. Je m'approchai, méfiante, mes talons résonnant dans le silence de la nuit. Puis enfin je le reconnais. Minh Sans réfléchir, mon pas s'accélère, on pouvait carrément dire que je courais, jusqu'à ce que j'arrive à sa hauteur Que diable fais-tu là ? ça fait longtemps que tu es assis sur le trottoir ? Bon sang, Minh, pourquoi t'es pas rentré ? J'avais toujours tendance à parler beaucoup quand je suis inquiète, et là je l'étais carrément. Je finis par m'accroupir devant lui, avant de me rendre compte que son visage était tuméfié, et je m'inquiète encore plus Viens à l'intérieur, il y fait plus chaud .... Je me redresse, attendant qu'il en fasse de même, avant de retourner vers la fraternité.

Pourquoi il pleure ? Non, faut pas, je sais pas comment réagir quand les gens pleurent, ça me met mal à l'aise. Pourtant Minh semble en avoir besoin. Pourquoi ? Que s'est-il passé ? Mes questions restèrent sans réponse, et mon coeur était dans tous ses états. J'essaie néanmoins de rester le plus calme possible, je ne veux pas qu'il se sente d'autant plus mal à cause de moi, je ne veux pas être un poids supplémentaire. Je secoue doucement la tête, et lui murmure Ce n'est rien Minh, tu as bien fait de venir ici. Non, c'était faux, il aurait dû aller chez ses parents. Sa place était pas seul dans la rue, à cette heure-ci. Mais il était hors de question que je le lui dise, de toute façon il s'en rendrait bien compte tout seul. Minh était à cet âge où l'on fait des tas de connerie, et où on finit par s'en mordre les doigts. Il valait mieux maintenant que plus tard. Je le laisse pleurer tandis que je me relève. J'ai une furieuse envie de le prendre dans mes bras, de le rassurer, de l'étreindre pour le calmer, mais je préférais commencer par rentrer. J'avais grandi dans les rues de Los Angeles, j'avais appris qu'il n'est pas prudent de traîner seule une fois la nuit tombée. En l'occurrence je n'étais certes pas seule, mais Minh était plus une cible qu'autre chose là tout de suite. Une fois qu'il se lève enfin, je me dirige vers le bâtiment jéopardize. Je sens sa main attraper mon gilet, et mon coeur me fait encore un peu plus mal. Bon sang, Minh n'était qu'un gamin, qui avait bien pu s'en prendre à lui ? Je ne l'avais jamais vu dans cet état, et ça me faisait clairement de la peine.

Une fois à l'intérieur, je m'assurai de bien refermer la porte - il y en avait pour plusieurs milliards à l'intérieur de la fraternité - et installai Minh dans le salon, l'invitant à s'asseoir dans le canapé. J'allais instinctivement chercher à boire, de l'eau, et déposai la carafe ainsi que deux verres sur la table basse Minh ... je me retourne vers l'adolescent, mes yeux s'attardent sur sa joue : il s'est bien fait amoché Tu peux me dire ce qui t'es arrivé ? Tu as eu des ennuis ? Bien vu Sherlock. Tout en parlant, je lui tendis un des verres d'eau que je venais de remplir, attendant de plus amples informations. J'étais une vraie mère poule quand il s'agissait de mes amis, et pour le coup j'étais pire encore puisqu'il était question de Minh, aka le petit frère que je n'aurai jamais.

Quand j'avais rencontré Minh, il avait justement des ennuis. Je l'avais aidé sans vraiment poser de questions, sans vraiment savoir pourquoi d'ailleurs. Je savais simplement que depuis je m'étais réellement pris d'affection pour lui, pour ses blagues foireuses et pour son sourire. Jamais je ne l'avais vu dans un pareil état, et je prenais conscience que je m'étais attachée à lui bien plus que je ne l'avais pensé. Tout à coup je m'étais rendue compte que j'aurais été prête à n'importe quoi pour ôter cette tristesse de ses yeux, pour avoir droit à son rire, pour l'entendre dire des conneries. Je reposai le verre sur la table sans discuter quand il le refusa, à sa portée. J'ignorais ce qui l'avait poussé à le refuser, mais je supposais que le forcer à l'accepter n'était pas fondamentalement une bonne idée.

Finalement je vins m'asseoir à côté de lui, portant mon propre verre à mes lèvres. Je hochai lentement la tête quand il me dit avoir fait le con. Je n'allais certainement pas me permettre de le juger, surtout qu'à en juger par l'état de sa joue, il en avait suffisamment fais les frais. Quoique tu aies besoin, demande moi d'accord ? Je parlais bien sûr de biens matériels, mais pas seulement. S'il avait besoin de moi tout simplement, je serais là, j'étais là, cela allait de soi. Je finis par passer mon bras autour de sa taille pour le serre un peu contre moi, ma joue collée à son épaule C'est terminé maintenant, je suis là ok ? je n'étais pas sûre que ce soit la chose la plus rassurante qui soit, mais que pouvais-je bien dire d'autre ? Rien. Je n'avais strictement rien d'autre à lui offrir, un comble à la vue de tout ce que je possédais Tu comptes quand même rentrer chez toi cette nuit ou tu préfères dormir ici ? L'avantage des fraternités, c'était bien les chambres. Même si je n'y logeais que très rarement, encore plus depuis que les tsebe avaient laissé des traces sur la façade, ça restait une solution très pratique sachant que je n'avais nulle part où le loger chez moi. Malgré que pour moi, il aurait dû rentrer chez ses parents directement, je n'allais certainement pas tenter de l'en convaincre, j'étais pas le genre de noona moralisatrice de toute façon. Je me doutais bien qu'il avait pas envie que sa mésaventure ne se sache, et je ne comptais pas aller contre ça.

J'avais une petite soeur, Min Soo. Dans mes souvenirs, c'était une jeune-fille adorable bien qu'un peu niaise. À l'époque, j'étais bien trop refermée sur mon propre malheur que pour réellement m'intéresser à elle, mais ce n'était pas pour autant que je ne l'appréciais pas, au contraire. Je me suis toujours dit que si elle venait en Corée, je tenterais de rattraper le temps perdu, mais cela faisait déjà sept ans que je ne l'avais plus vue. Était-elle devenue une petite blonde écervelée ? Connaissant mieux le nom de marques de haute-couture que celui des états d'Amérique ? sans doute. Pire, était-elle devenue comme moi ? C'était tout à fait possible, bien que la première solution me dérangerait encore moins. Au final, je n'avais jamais été une grande soeur correcte, ou du moins je n'en avais pas l'impression. Aujourd'hui, je me rattrapais comme je pouvais, comme si être une noona exemplaire allait changer quoique ce soit au passé ...

Je sens Minh attraper ma main, et mon coeur me serre un peu plus. Je déglutis, un sentiment d'impuissance m'assaillant. Que pouvais-je faire pour qu'il aille mieux ? je n'en avais pas la moindre idée. Je secouais doucement la tête, posant ma deuxième main sur la sienne Ne dis pas ça Minh, tu ne m'embarques dans rien, ne t'inquiète pas. Je me serais au contraire sentie bien plus mal si j'avais appris ultérieurement qu'il avait eu des emmerdes et qu'il n'avait pas osé venir trouver de l'aide. Je pose mon regard sur lui un instant, lui décochant un sourire rassurant. Je hochai ensuite la tête, sans me départir de mon petit sourire. J'étais rassurée qu'il veuille rentrer chez lui, c'était un bon début, et une preuve de maturité aussi. Je supposais que cette soirée allait également contribuer à le faire grandir un peu. Pas de soucis, je te reconduirai. Il avait de toute façon sans doute vu ma voiture quand il s'était installé sur le trottoir, il allait de soi que je n'allais pas le laisser rentrer seul. Ce qui se passe ensuite me déstabilise : Minh semble à nouveau paniquer. Il cherche après quelque chose, sur lui d'abord, puis sur le sol et dans le fauteuil. Je me relève, pour le laisser faire, les sourcils légèrement froncés. Ah, ses clés. Je m'avance légèrement vers lui, et pose mes mains sur ses épaules Calme-toi Minh, ok ? on va commencer par aller voir si elles sont dehors, une chose à la fois. On sort, et mon premier réflexe fut de sortir mon téléphone pour utiliser la fonction lampe de poche. Tu as un porte-clé qui y est attaché ou pas ? Je l'espérais en tout cas, ça les rendrait plus facile à retrouver. En supposant qu'elles soient encore là.