Colère. Je ne suis que colère. Je n’y vois plus clairement. J’y vois rouge. J’attends depuis quelques minutes déjà, devant l’accès de derrière. Une maison close. Quelle idée de travailler dans cet endroit là et jouer les hommes droits ensuite. Je n’étais pas sans péchés, mais lui, il n’était qu’un diable. Un être créé directement par Satan. J’amène la bouteille de bière à mes lèvres, en prenant une nouvelle gorgée. Je suis très loin d’être ivre. Je ne suis pas comme lui, moi. Je ne suis pas un tel monstre. Je ne suis pas une telle pourriture. Putain, mais il ne la mérite tellement pas.

Iseul est passée me voir cet après midi. Elle avait l’air quelque peu inquiète. Il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre pourquoi. Elle a vu Jin Sil dernièrement ; avec ce fils de pute. Elle l’a vue, et elle avait des marques sur tout le corps. Elle avait des hématomes, des plaies, des coupures, des morsures. Elle ne parlait pas. Iseul m’avait raconté cela d’un air un peu trop détaché. Mais mon amie est ainsi, je ne peux pas lui en vouloir. Seulement, ce qu’elle disait m’était bien trop important. Jin Sil marquée, Jin Sil battue ; Jin Sil prisonnière. C’est ce qu’elle était à mes yeux. Je devais voir Sera ce soir ; mais je n’étais pas en état. Je n’aurais pas pu laisser ma colère de côté, je n’aurais pas pu camoufler ma haine et ma rage. L’inquiéter était la dernière chose à faire, lui raconter était absolument impensable. Je voulais bien faire avec ma petite amie, mais à qui est-ce que j’essaie de mentir ? A moi-même ? Comment puis-je rester sans rien faire, alors que la femme que j’aime souffre ? Je ne marche peut-être pas droit, parce que j’essaie d’oublier mes sentiments dans les bras d’une autre. Par contre, je ne ferais aucunement défaut à mes principes, je ne me dévierai pas de ma façon d’être.

Posé contre le mur, je prends encore une gorgée. Il fait frais, mais je ne ressens rien. La main qui ne tient pas la bière, se serre violemment, si fort que les joints deviennent blancs. Que ce chien de la casse sorte. Que cet enfoiré se montre. Ce qu’il fait n’a pas lieu d’être. Il n’avait pas intérêt à recommencer. S’il tenait à sa vie, il ne le referait pas. Je ne suis pas un meurtrier, mais je suis capable de le devenir.

La porte s’ouvre et laisse passer quelques personnes que je n’ai jamais vues de ma vie. Soudain, son visage de blanc se montre enfin. Il doit être attaqué. A quelle substance ? Je m’en branle. Je me décolle du mur et m’avance vers la lumière. « Eh petite pute ! Viens par là que l’on parle. » Criai-je alors en anglais. Je ne suis pas en état de parler coréen de toute manière. Je crache par terre. Sa figure frêle et filiforme me dégoûte déjà.

La gorge sèche, les mains moites, les yeux un peu dans le vide. Enfin, cette journée de merde touchait à sa fin. A la réception du lucky, j’en voyait des gros connards de l’univers et j’finissait toujours par me dire que ma place était bien ici. Dans cet asile de mouche à merde. Dans le recueille de satan, le roi des vices, le roi des con. J’ai répandu mon sang, mon deuil, mes vices, mes erreurs, sur trop de mondes. Et le monde me rejetait. Toujours plus.

L’arme à la main, et la larme à l’œil, oui j’ai tiré et répandu le deuil. Ta mère va pleurer la vie que je cueille et je leur offrirais un jolie cercueil. Combien de vie avais-je anéanti jusqu’à aujourd’hui, sans compter la mienne ? Celle que j’avais le plus détruite s’appelait surement jin sil. Pauvre fille. Elle avait souffert mais moi aussi. Elle était ma souffrance et j’étais la sienne. Mais c’était finis. Nous avons été plus fort que le lien terrible qui nous unissait. Nous nous sommes déliés, nous nous sommes détruis.

Mes bleus ne s’était pas encore tous esquissés, mon œil au beurre noir était toujours bien présent, et j’était encore courbaturée de cette violente dispute, de ce déchirement. D’un pas lent, je récupère ma veste que j’enfile en sortant du boulot. Un long soupire s’échappe de ma bouche alors que je m’attendais à pouvoir enfin respirer un air pur. Mais ça sentais la pollution, les gazs, le vomi, la drogue. Et surtout, la vengeance.

« eh petite pute ! viens par là que l’on parle. » L’anglais avait attisé ma curiosité. Il faisait trop sombre, mes yeux étaient trop fatigué, ton corps lourd. Je me tourne alors vers celui qui avait gueler. Je reconnais alros cet enfoiré. A la minute ou mes yeux croisent les siens, si noirs, je sais que je suis finis. Il a un avantage, il à ma faiblesse, mais pire, il à la rage. « C’est à moi que tu parles ? Dégages sale chien. » répondit-je alors sur le même ton. Je craignais quoi de toute façon ? Crever ? c’était déjà presque fait, qu’il m’achève.

L’envie de l’achever à ce moment même ne manque pas. J’ai envie qu’il paie de son sang toutes les blessures qu’il a pu infliger à Jin Sil. Je veux qu’il paie. Dent pour dent après tout non ? S’attaquer à plus faible n’a rien de glorieux. Et je l’ai compris il y a un temps déjà. Lorsqu’on perd ce que l’on chérit le plus, on comprend et on apprend de son erreur. Je veux qu’il crève putain, je veux qu’il cesse de respirer le même air que moi, je veux qu’il dégage de ma vue autant que j’ai envie de le faire disparaître de mes propres mains.

Je n’en suis pas certain, mais je dirais qu’il est déjà mal en point. Cet œil au beurre noir… Dis moi baobei, ne serait-ce donc pas ton travail ça ? Du moins, je reconnais la signature. Jin Sil ne l’a jamais laissé filer on dirait. L’un comme l’autre sont la destruction à l’état pur. Alors à quoi bon se détruire l’un l’autre ? Moi je cherche à faire voir à cette jeune femme ce que je vois en elle, je veux qu’elle puisse se regarder avec d’autres yeux. Lui, il l’a tirée vers le fond, il l’a rendue encore plus misérable. Comment peut-il dire l’aimer ?

Il se tourne vers moi, et je m’en approche d’avantage. « Sale chien ». Je ne suis ni l’un ni l’autre. Je ne suis pas lui.

Garder mon sang froid n’a jamais été quelque chose que j’ai su faire. Avant même d’avoir le temps de réaliser, je l’ai déjà pris par le col pour le plaquer au mur avec force. C’est fou ce qu’il est léger. « Oui c’est à toi que parle sale catin, n’as-tu donc pas d’honneur ? Ça m’étonnerait, même l’orgueil tu ne sais pas ce que c’est. » Je lui crache à la gueule cette fois, resserrant ma prise autour de son cou. Je vais lui laisser le temps de se justifier, et encore, pas sûr, mais, pour que ce soit réglo, je me dois de faire au moins ça.