Nice to meet you again.

Ethan ∞ Mao Di

La nuit est tombée depuis peu lorsque je passe les grilles de l'Inshinae à nouveau. J'ai eu cours toute la journée mais la fatigue n'a pas suffit à me dissuader de venir m'entraîner, elle ne me dissuade jamais. La fatigue n'est plus un facteur primaire depuis de longues années, je la combats, je la dénigre, je l'oublie et je finis toujours par la faire disparaître. Le gymnase est plutôt loin de l'entrée alors je trottine pour m'y rendre, commençant immédiatement à chauffer mes muscles. Je regarde autour de moi mais il n'y a pas âme qui vivent, pas une lumière n'est restée allumée en dehors des lampadaires. C'est pour cela que j'ai pris l'habitude de venir m'entraîner la nuit et non pas lorsque le gymnase est occupé. En était un athlète reconnu, j'ai le privilège d'avoir des salles qui me sont réservés et je m'en suis très bien accommodé. Personne ne peut me juger ou pire, me déconcentrer et ça, c'est appréciable.

Lorsque j'arrive, j'entre directement par les vestiaires et jette mon sac sur l'un des bancs, prenant le temps de me mettre en tenue de sport. Un jogging, mais pas trop large pour ne pas me gêner dans mes mouvements. Je suis un patineur mais afin d'être le plus parfait, le plus étonnant et le plus gracieux possible, je m'entraîne sans relâche en gymnastique. Je fais des exercices basiques, au sol, des sauts et de la poutre, pour un meilleur équilibre. J'alterne donc ces spots, un jour sur deux, au moins une heure. Certes, je suis venu en Corée pour changer de vie, pour être plus libre et agir comme les autres jeunes de mon âge. Seulement dans un mois, les qualifications pour le championnat du monde ont lieu et il est impossible que je ne sois pas sélectionné. Imaginez-vous, une médaille d'or, puis plus rien. Je ne le supporterais pas.

Je laisse mon sac dans un des casiers, on est jamais trop prudent, puis rejoins le cœur du gymnase. Seulement, quelque chose est étrange, inhabituel. Je vois de la lumière dans la salle et je peux entendre du bruit. Quelqu'un serait-il ici ? Je n'ai jamais croisé personne pourtant. Curieux, je pousse la grande porte et ne peux empêcher un sourire de prendre place sur mon visage lorsque j'aperçois l'inconnu, pas si inconnu que ça au final. Wang Ethan, champion multi récompensé en gymnastique au sol. Je n'avais donc pas tord en venant ici. Les rumeurs disent qu'il a tout oublié après son accident, toute sa carrière, tout ses amis, toute sa vie. Pourtant je le vois bouger, sauter, enchaîner les éléments, comme s'il se préparait à une compétition.

Ethan est plus qu'un champion à mes yeux, il est mon ami. Celui avec qui j'ai à de multiples reprises partagé mes entraînements. Un enfant qui me ressemblait, qui s'était investit pour son sport et en avait oublié sa vie. C'est ainsi que je me souviens de lui. Comme un homme aimant faire rire aussi. Je ne saurais pas compter le nombre de fois où j'ai finis en larmes, au sol et les abdominaux en compotes à cause de l'une de ses bêtises. Ethan me manquait et désormais, il est face à moi, l'air en forme. Mon sourire s'élargit et j'avance, refermant la porte. Les bras croisés, j'attends d'être suffisamment près de lui pour qu'il puisse m'entendre. « Alors c'est là que tu te cachais ? » Je suis heureux de le voir, oui. Seulement, se souviendra-t-il de moi ?

Nice to meet you again.

Ethan ∞ Mao Di

Concentration. Il n’y a pas d’anneaux dans ce gymnase. Mais je ne veux pas faire plus de pression sur la direction pour en avoir. Je ne suis plus personne pour demander quoi que ce soit. Il y a au moins des barres parallèles et un cheval d’arçon. J’ai toujours aimé les anneaux. En gymnastique, ils représentent la force de l’homme. C’est l’appareil qui demande le plus de force musculaire, et celui qui a le plus développé mes épaules. Mais, il y a encore deux ans, là où j’étais indétrônable, c’était au sol. En équilibre sur mes mains, jambes parfaitement écartées et flottant dans l’air, je ferme les yeux. Lorsque je suis seul comme ça, dans le silence le plus total, m’exerçant à ce que je sais faire de mieux, les souvenirs ressurgissent. Et dire que j’aurais pu finir par faire de l’escrime si mon père ne s’y était pas opposé.

Je me souviens de l’équipe de Tumbling à l’école et au collège, ou encore de chaque visage qui a composé l’équipe de gymnastique à Hong Kong. Parfois je représentais le 852, parfois, je représentais la Chine. Des visages, j’en ai vu plein, des figures aussi, mais j’ai rarement vu des regards pleinement libres. Je souffle, et lentement, je baisse mes jambes pour les remettre au sol, lâchant le cheval d’arçon. Je regarde le miroir couvrant l’intégralité du mur d’en face. La compétition me manque, c’est indéniable.

Un sourire dessine mes lèvres. Je ne regrette pas être parti. Mais je regrette la supercherie. Je m’approche lentement du sac que j’ai amené avec moi. Oui, je continue d’acheter cette poudre de sels de magnésium, et des bandes, et des tenues correctes même si personne ne me voit m’en servir. Personne ne sait non plus que je les achète, mis à part Jie, ou du moins, je pense qu’il s’en doute. J’en recouvre mes mains après avoir lancé la musique. Jamais la même. Et jamais celle que l’on pourrait imaginer. Si j’étais si bon au sol, c’parce que mes extensions, mes renversements, ou mes sauts ne s’inspiraient pas de la théorie ou des règles prédéfinies. J’aime danser, alors, je préfère m’inspirer de la souplesse et la liberté de la danse.

Au coin du tapis, je lève haut les bras et commence ma course. Je suis assez échauffé, et j’ai confiance en mes capacités. Vrille. Salto. Appel. Sur mes deux pieds, je reprends mon souffle. Je suis meilleur qu’il y a deux ans en m’entraînant seul ; et ça m’en brise le cœur. J’allais enchaîner avec une abduction des jambes, lorsqu’une voix me sort de ma transe.

Je souris de toutes dents en tournant la tête. Je ne pensais pas me faire surprendre un jour, et encore moins par un visage qui m’est si familier. J’agis sans réfléchir et je le prends dans mes bras en riant. « Didi ! Depuis quand t’es là toi ha ? » J’évite de lui ébouriffer les cheveux de mes mains blanches, mais je lui souris toujours, et puis, mon sourire disparaît. Merde. T’es censé être amnésique Ethan. Double merde même.

Nice to meet you again.

Ethan ∞ Mao Di

Voir Ethan sauter ravive mes propres souvenirs. La première fois que je l'ai vu, je me suis dis qu'il ne gagnerait jamais aucun prix, parce qu'il n'était pas assez sérieux, parce qu'il riait trop fort, parce qu'il amusait la galerie. Nous étions au réfectoire et j'ai naïvement cru qu'un homme si enjoué et rieur ne pouvait pas être rigoureux et sérieux. J'avais tord, je l'ai compris à la seconde où je l'ai vu reprendre place sur le tapis. Plus aucun sourire n'ornait son visage mais son regard était empli de détermination. Ethan ne tolérait pas l'échec et s'il fallait qu'il s'entraîne jour et nuit pour obtenir la perfection, alors il le faisait sans hésiter. Au fond, nous n'étions pas si différent et à force de nous croiser, nous avons finis par discuter et rapidement, sympathiser. Lorsque je voyais Ethan, je savais que ma journée serait bonne, que mon entraînement serait plus positif et que je m'endormirais de bonne humeur, parce qu'il est humainement impossible d'être de mauvais poil en présence de Wang Ethan.

Lorsque j'ai appris pour son accident, j'ai été triste, très triste. Je voulais aller le voir, lui rendre visite, mais je n'ai pas eut le temps, une sélection internationale approchait et il été hors de question pour ma mère que j'y aille. Et puis, de toute façon, à quoi bon ? Il ne m'aurait pas reconnu, il ne reconnaissait personne. Je ne sais pas si j'aurais supporter son air interrogatif. Alors je me suis fait à l'idée et je ne l'ai plus revu. Seulement, on ne perd pas la trace d'un champion comme ça, et j'ai pu continuer à suivre son parcours. C'est comme ça que j'ai appris qu'il était arrivé ici, à Suwon. Seulement, je ne l'avais encore jamais vu. J'ai cru le croiser à maintes reprises mais désormais, je ne peux plus douter. Il est là, face à moi, il sourit, il me prend dans ses bras, il me reconnaît. Attendez... Il me reconnaît ?! Il semble lui-même surprit, il cesse de sourire et me regarde, l'air grave. J'admets que je ne comprends pas tout ce qui se passe mais je décide faire comme si son accident n'était jamais arrivé, au pire, je me prendrais un mur et je repartirais chez moi dépité.

« Ben... T'étais pas censé m'avoir oublié toi ? J'en ai pleuré tu sais ? » Je pose mes mains sur mes hanches, l'air sévère. C'est vrai que lorsque j'allais m'entraîner sur le tapis et qu'il n'était pas là, parfois, le soir, la pression était trop forte et je craquais. Je n'ai pas honte de le dire, parce que perdre un ami n'est pas simple. Seulement, je ne lui en veux pas, bien sûr que non. D'ailleurs, mon sourire me trahit. Je suis bien trop heureux de le voir ici, en bonne santé, qu'il se souvienne de moi ou non. Il me parle en chinois, c'est déjà signe de bonne forme ça, n'est-ce pas?

Nice to meet you again.

Ethan ∞ Mao Di

J'oublie moi que j’ai monté tout un cinéma à quelques milliers de kilomètres d’ici. Je finis par oublier que tout le monde dans ma ville croit que je ne me souviens de rien. J’oublie, je finis par réellement oublier que ma nation me croit amnésique. Marrant n’est-ce pas ? Avec le recul, je me dis que j’aurais dû trouver quelque chose de plus soft pour couvrir mon départ, mais, à l’époque, il m’était impossible de faire autrement. Mes parents auraient catégoriquement refusé que je laisse la compétition. Que je la quitte. Si je n’avais pas fait semblant de ne pas les reconnaître, de ne plus me souvenir de tout ce que j’avais appris, alors ils m’auraient remis dans le bain aussitôt. Maintenant c’est différent. Deux années sont passées. Je suis majeur. J’ai mûri. Maintenant c’est ma décision. Ça va être mon seul choix. Et si j’y retourne, mes parents n’auront plus rien à tirer de moi, ni à profiter, puisque tout le mérite me reviendra uniquement à moi. Et à mon pays. Contrairement aux autres nations, en Chine, ce ne sont pas forcément les athlètes qui choisissent leur voie ; mais l’Etat. Il choisit les enfants qui ont un potentiel pour la compétition, pour le sport. Dès petits on choisit principalement les enfants à la campagne pour ces domaines. Parce que, pour la classe moyenne et aisée, il n’y a que les bêtes qui puissent faire du sport, ils n’ont que ça de toute manière pour se faire remarquer. Ça donne froid dans le dos non ?

J’ignore si Mao Di a été comme moi, poussé par ses parents, ou bien choisi par l’Etat, mais en tout cas, c’est quelqu’un qui m’avait beaucoup manqué. Comme il est courant, nous n’avons pas de frères ou de sœurs, alors j’avoue, je le considérais comme mon petit frère de compétition. Et maintenant la question que je me pose c’est : est-ce que je fais comme d’habitude ? Est-ce que je joue le mec qui a eu un élan de lucidité qui s’est vite estompé, ou je laisse ma joie couler à flots ?

Je ris, je ris à l’expression qu’il affiche. Je vais opter pour la seconde option. Au pire des cas, il comprendra pourquoi j’ai fait tout ça. « Fallait pas pleurer pour moi, sans déconner, je suis sûr qu’on m’a vite remplacé, t’aurais trouvé un autre clown pour te faire rire ! » Je tape dans mes mains, et la poudre blanche se répand dans l’air. Je vais éteindre la musique, et m’assois sur le cheval d’arçon, le regardant. « Je sais que je suis censé t’avoir oublié, mais, tout est dans le « censé » vois-tu ? » Je lui adresse un clin d’œil en souriant. « Bon, raconte moi, qu’est-ce que tu es venu faire ici à Suwon ? »

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Ethan ∞ Mao Di

Ethan est étrange, il me rend confus et je déteste être dans une situation que je ne comprends pas. Je déteste avoir mes sentiments entremêlés et ne pas savoir les identifier. Suis-je heureux de le retrouver ou ai-je peur qu'il m'ait seulement reconnu pendant un bref instant ? Suis-je un de ses souvenirs marquants ou n'étais-je qu'un passage dans sa vie ? De la façon dont il me serre contre lui et surtout, à ce surnom qu'il avait l'habitude de me donner, ce surnom qui signifie qu'il me considère comme son petit frère bien que ce soit également un diminutif de mon prénom, à tout cela je peux voir que j'ai compté et que je compte sans doute encore, puis que lorsque j'évoque son amnésie, il semble confus, presque gêné. « T'es con ou quoi ? Les autres ont peut-être trouvés un autre champion mais moi, j'avais pas d'autre Gege sous le bras hein. »  Je croise les bras sur mon buste, semblant bouder. En vérité, je suis bien trop heureux par ce qu'il m'annonce ensuite pour continuer à faire la tête. Censer ? Alors tout ceci n'était qu'un jeu ? Je pourrais crier, lui hurler que je me suis inquiété et qu'il n'aurait pas du faire ça mais mais au fond, qui suis-je pour juger ? S'il l'a fait pour quitter la compétition, alors je ne peux que le comprendre. Tant de pression ferait faire n'importe quoi. Surtout qu'Ethan est un cas à part, qu'il était plus forcé que libre de ses mouvements et c'est quelque chose qui ne peut pas fonctionner. Le sport de haut niveau est quelque chose que l'on fait par passion, pas par contrainte. Les champions ne peuvent pas être ceux que l'on force car peu importe l'endurance, l'entraînement et la force, sans passion, sous pression, une erreur arrive bien trop vite. J'ai vu Ethan changer durant les années où je l'ai connu et encore jamais je ne l'avais vu sourire si sincèrement. Je cesse alors de bouder et m'installe en tailleur sur le sol. Je m'entraînerais plus tard, il est l'heure des retrouvailles.

« Oh et bien, j'ai réussi à convaincre ma mère de me laisser faire des études supérieures si j'obtenais la médaille d'or au prochain Jeux Olympiques. » J'hausse les épaules, jouant les faux modestes, je ne sais même pas s'il est au courant,s 'il a continué à regarder les compétitions. « Je t'avais dis que je voulais étudier la musique et je savais que tu étais ici. En fait... Tu sais qu'on te prends en photo dans la rue encore ? Même en Corée hein ! C'est comme ça que je savais que tu étais là et puis, tu avais l'air content et tranquille alors j'ai décidé de venir. Je t'avais pas encore vu, enfin si, dans la cours mais je me disais que c'était peut-être pas toi. Enfin bon, j'ai eu l'or et je suis venu. C'est dur le coréen hein ! » Je le regarde comme si j'étais épuisé après ma tirade. Parler en chinois me fais du bien et surtout, me permets de ne pas réfléchir pendant des heures avant de prononcer la phrase la plus simple qui soit. « Et toi alors ? Tu ne fais plus du tout de compétition ? Tu es encore bon ! Alors tu t'entraînes en secret ?! Je pourrais m'entraîner avec toi ? Et au fait, tu fais quoi ici, t'as repris les cours Gege ?! » Je pose trop de question, je suis trop enjoué, je parle trop vite. Tellement que je me fais presque mal à la tête. Pourtant j'ai envie de savoir, j'ai envie de rattraper le temps perdu, j'ai envie de retrouver Gege. Avec lui, je me sentirais sans doute bien moins seul et détonnant dans cette université.

Nice to meet you again.

Ethan ∞ Mao Di

Trop de questions, trop d’informations d’un coup. N’a-t-il pas soif ? Mais ça doit être quelque chose de commun aux mecs de sa tranche d’âge, Minh fait pareil, il me bombarde de questions sans arrêt, ça me fait rire. Ça ne me dérange pas plus que ça, ça me donne juste l’impression d’assister à un interrogatoire à chaque fois. Au moins, je serai entraîné le jour où je me retrouverai réellement au commissariat ! « Oh vraiment Didi ? J’aime t’entendre dire ces trucs là, tu me rends tout chose tu le sais ça ? » Je me penche pour attraper ma serviette, et essuie mes mains blanches, afin de pouvoir lui tapoter la tête sans le faire devenir un baozi pas encore cuit.

Le retrouver, le revoir, me fait bien plus plaisir que je ne laisse paraître. Il va peut-être m’aider à mettre un peu d’ordre dans mon esprit sans le savoir. En ce moment, je me pose trop de questions quant à mon avenir, quant à quoi faire. Et reprendre la compétition est une des options que je me suis donnée. Et, je dois avouer, que je me sens légèrement honteux d’avoir craqué, alors que Mao Di tient le coup. Mais je suppose, que les conditions dans lesquelles on s’entraîne, ne doivent pas être les mêmes. Ou alors ses parents sont un peu plus flexibles. Et on dirait que c’est le cas. « J’ai des paparazzis aux trousses ? T’es sérieux ? Non parce que bon, les photos qu’ils doivent prendre de moi ne me mettent certainement pas à mon avantage… » Je roule des yeux. Entre les bagarres, les ivresses, et les femmes, on ne doit pas dire que du bien à mon propos depuis deux ans. Je laisse échapper un sifflement qui en dit long sur ce que je pense et passe une main dans mes cheveux. Je crois que ça explique pourquoi ma mère a ce ton tellement las quand elle ose m’appeler. « Ah bin ça, je te l’accorde, c’est vraiment très dur le coréen, et moi quand je le parle, je mets des intonations partout, le cantonais aide pas pour le coréen mon pote ! » Je ris et descends du cheval, pour m’asseoir en tailleur face à lui, je vais en profiter pour m’étirer. « Non, je n’en fais plus du tout, même si ça me manque. Et oui, je m’entraîne en secret, enfin, c’est surtout que je n’ai pas envie d’être rouillé, et j’aime ça, et si tu veux oui, entraine-toi avec moi, et puis, vu que je travaille ici, dès qu’il n’y a plus personne dans l’enceinte du bâtiment, j’ai le droit de me servir des installations. » J’allonge la jambe et m’y penche dessus, faisant de même avec l’autre ensuite. « Je me tâte à reprendre les cours, mais j’ai jamais été très bon à l’école, sauf en sport, comme c’est étonnant » Je lui tire la langue et ris. « C’est bien le cours de musique ? »

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Ethan ∞ Mao Di

Je sais qu'Ethan n'aime pas que je parle trop, que je ne prennes aucune pauses et que j'enchaîne les questions, mais je n'y peux rien, il m'a manqué, des milliers d'interrogations parcourent mon esprit et je me sens forcé de les lui poser. Il a disparut, du jour au lendemain, sans plus d'explication. Se rend-il compte de ce que j'ai ressentis? Certes, je ne le voyais pas tous les jours mais il était mon ami le plus proche, un frère aîné sur qui prendre exemple, sur qui me reposer. Peut-être n'ai-je pas suffisamment exprimé mon affection à son égard, peut-être ai-je cru des choses que lui ne pensais pas mais pour dire la vérité, même si je souris, même si je suis plus qu'heureux de le retrouver et de savoir que tout va bien, je lui en veux de m'avoir menti, à moi. N'avait-il pas confiance en moi? Lorsqu'il tapote ma tête, je baisse les yeux et laisse échapper un bref soupir, puis le regarde à nouveau lorsqu'il me pose une question à son tour. J'acquiesce, puis réponds plus calmement.« Ce ne sont pas vraiment des paparazzis, mais tu avais des fans et les gens te reconnaissent alors, si on cherche bien, on trouve des photos et des infos. J'étais vraiment inquiet tu sais? Et la plupart des photos sont plutôt banales.... Mais ça me rassurais de voir que tu étais vivant, que tu souriais, que tu semblais aller bien. »

Pourtant Ethan n'a pas totalement tord, il y a quelques photos où on le voit se battre, ou embrasser des femmes. Il vit une vie normale, c'est tout ce qu'elles veulent dire pour moi. Je ris aux propos qu'il tient. Qu'il mette des intonations de cantonais ne m'étonne pas le moins du monde, puisque j'avais tendance à faire pareil. J'ai de bons professeurs et mes amis m'aident beaucoup à apprendre alors je commence à perdre ces intonations inutiles mais le mots sont encore bien trop difficiles à trouver à mon goût. Je passe ma main dans ma nuque puis dans mes cheveux et soupire à nouveau. « Je ne pensais pas que ce serait si dur, que je mettrais si longtemps à m'y faire. » Une année est passée et je ne vois aucun progrès, même si mes amis sont là pour dire le contraire.

Ethan s'installe face à moi et commence à s'étirer, ce qui me fait l'imiter immédiatement. Je suis venu pour travailler après tout, alors autant commencer à m'échauffer, surtout qu'il accepte que je m'entraîne avec lui, comme avant. Mon sourire est plus grand que ce qu'il n'a pu l'être au cours des douze derniers mois. Je retrouve un semblant de familiarité et cela me donne du beaume au coeur. « Le cours de musique ne me donne pas vraiment l'impression d'être un cours. Tu sais que je n'aime pas vraiment l'école, j'ai toujours préféré la patinoire ou la salle de gym. Pourtant là, je m'amuse et m'intéresse vraiment. La moindre information me semble capitale et j'ai toujours envie d'en savoir plus. Quand le professeur me parle, j'imagine déjà les mouvements que je pourrais faire si j'avais telle ou telle mélodie et puis, apprendre l'histoire de la musique m'aide à mieux la comprendre. » Je ne sais pas si je réponds vraiment à la question qu'il m'a posée mais c'est tout ce que je suis capable de dire pour l'instant. « Je suis certains que tu pourrais reprendre les classes Ge. Il y a forcément un cursus qui pourrait te plaire dans cette grande université. Et le sport c'est bien, mais il y aura un jour où tu ne pourras plus concourir à un haut niveau. Les cours, c'est une manière de t'assurer un avenir en cas de blessures ou même, pour quand tu seras plus vieux. J'aime à penser qu'un jour, peut-être, je donnerais envie à des enfants de faire comme moi, même si c'est dur. » Je parle trop, pour ne rien dire, mais j'ai vraiment envie de partager ce que je ressens et de lui faire comprendre que les études, ce n'est pas si mal.

Nice to meet you again.

Ethan ∞ Mao Di

Mais alors, si je reprends la compétition, toute ces photos que l’on a pu prendre de moi, toutes ces situations diverses et variées dans lesquelles on a pu me voir peuvent se tourner contre moi ? Secouant légèrement la tête, je sors cette pensée de mon esprit. Il ne vaut mieux pas que je me torture avec ça maintenant, ou je risque de devenir fou dans les minutes à suivre. « Je crois que personne n’est réellement préparé à ce que l’adaptation soit si longue et si dure… » Et encore, dieu merci que nous ne sommes pas japonais. Il n’y a pas la langue qui pose problème, le fait d’être étranger joue aussi. Et puis, je suppose que parce que nous aspirons à être un peu plus que les typiques chinois qui tiennent un restaurant ou une boutique dans le quartier chinois de la ville, et bien, on nous met parfois des bâtons dans les roues. Je n’ai pas eu affaire à ça personnellement, je fais peut-être assez peur pour l’éviter, mais, je me demande si c’est son cas. Oui, je suis extrêmement curieux de savoir comment Mao Di vit l’expérience lui en fait.

Ce garçon est tout plein de surprises dites moi. Il a un débit de parole trop similaire à celui de Minh.. Du coup je n’arrive pas à trouver ça chiant ou énervant, puisque j’y suis habitué. Je me demande si les deux se connaissent. « Tant mieux si ça te passionne Didi ! Mais dis moi, tu connaitrais pas un Minh par hasard ? » Bin quoi ? Autant demander. S’ils ne se connaissent pas, je ferais en sorte qu’ils se rencontrent. Ils se feront des monologues mutuellement. Je souris discrètement à cette pensée, étirant les bras, détendant mon cou ensuite, ainsi que mes épaules. « Peut-être bien Didi qu’il y a un cursus pour moi, mais si j’ai pu avoir mon diplôme d’études secondaires, c’est uniquement grâce au sport, parce que ma scolarité était construite autour. Et même si j’avais quelque chose que je voudrais étudier, je ne pourrais le payer. Je n’ai plus un sou, ma paie passe automatiquement dans les factures, et les plaisirs que je m’offre ne sont pas bien chers. Alors, je suppose que tout ce que je peux faire de mieux pour le moment, c’est jouer aux jeux à gratter en invoquant les anciens, bouddha, Mushu et la chance. »

Nice to meet you again.

Ethan ∞ Mao Di

Personne n'est préparé, non, encore moins lorsque la décision est prise sur un coup de tête. Pourquoi je suis venu à Suwon alors que le niveau de cette faculté est réputé pour être bas? Parce que je savais qu'Ethan y était et que, même si je n'étais pas certains de le voir, il est toujours bon d'avoir un repère dans une ville inconnue. Je suis venu en Corée du Sud et je me bats chaque jour pour m'adapter. Les gens pourraient penser qu'entre deux pays asiatiques il n'y a pas grande différence mais là est toute l'erreur. Rien n'est semblable à Shanghai ici, pas même les buildings, pas même les bus. Parfois je me dis qu'il serait plus simple de rentrer chez moi, de m'inscrire dans une université de musique dans mon quartier et de reprendre ma petite vie. Seulement, l'effort ne m'a jamais fait peur et renoncer n'est pas dans mes habitudes, je ne retournerais à Shanghai que lorsque mes études seront terminées, que lorsque je l'aurais décidé. « C'est dur, oui.... Mais de plus en plus facile aussi. » Il le faut bien. Je commence à connaître les bases du coréen, j'arrive même à lire si je me concentre, mais seulement les sons faciles. Pour moi ce n'est pas encore assez, les progrès me sont invisibles mais mes amis me disent le contraire alors j'aime à les croire.

Penchant la tête sur le côté, j'interroges Ethan du regard. « Minh? » Je réfléchit un instant, affichant une légère moue. Ce prénom ne me dit rien, je secoue donc négativement la tête. « Pourquoi? » Suis-je censé le connaître? Est-ce quelqu'un que j'aurais oublié? J'ai beau me creuser la tête encore et encore, rien ne me viens à l'esprit. Je n'aime pas vraiment ce qu'Ethan me dit. Qu'il vit difficilement, qu'il n'a que de petites joies et qu'il ne pourrait pas reprendre les cours parce qu'il n'a plus les moyens de les payer. Fixant mes pieds, sachant qu'il ne va pas apprécier ce que je vais lui dire, je prends tout de même mon courage à deux mains et me lance. « Je pourrais t'aider... J'ai beaucoup d'argent maintenant et... Ce serait juste te rendre ce que tu m'as donné. » Ethan ne m'a jamais rien donné de matériel mais il m'a appris les choses, m'a conseillé, m'a supporté et pour moi, tout ça a bien plus de valeurs qu'un peu de monnaie. « Ou... Tu pourrais avoir une bourse à nouveau. » J'ose relever les yeux et le regarder en face, un sourire aux lèvres. « On pourrait s'entraîner encore ensemble, comme avant ! Et... Et... Et tu pourrais avoir une bourse encore! » Je suis tellement excité que je bégaie. Je veux tellement qu'Ethan puisse faire ce qu'il souhaite...