Les coups de téléphones très brefs passés par Man Nai ne me surprenaient jamais vraiment. Je n'étais moi-même pas très porté vers les conversations interminables qui tournaient autour du pot, je préférais amplement qu'il raccroche sans me laisser le temps de protester. J'aurais sans doute refusé son offre - ou plutôt son ordre - si la ligne n'avait pas immédiatement été coupée. J'avais des pratiques de foot, des obligations familiales, de l'étude à faire... mais c'était également le cas de celui qui m'avait invité et je me voyais mal refuser. J'avais grandement besoin de changer d'air, de m'éloigner le plus possible de cette abominable présidente qui me servait de petite-amie. La chaleur d'Hawaii, ses plages magnifiques et ses femmes tout aussi sublimes étaient beaucoup trop tentantes pour que je me permette de rater une occasion pareille. J'avais les moyens de partir sur un coup de tête moi aussi, mais je ne m'accordais pratiquement jamais de telles dépenses, préférant attendre les vacances. J'étais un futur bourreau de travail, ça plaisait d'ailleurs beaucoup à mon père, mais me détendre un peu ne ferait de mal à personne, surtout pas à moi.

Je rassemblai assez facilement vêtements et autres commodités qui me seraient utiles une fois à Hawaii, rangeant le tout dans une valise de taille raisonnable. J'aimais être toujours bien habillé, mais je ne faisais jamais dans l'exagération comme certains jeopardize ou victimes de la mode que je croisais. Je détestais m'encombrer d'objets ou de morceaux de vêtements qui ne me serviraient à rien, ainsi j'étais très efficace lorsque venait le temps de faire mes bagages. Je fis attention de ne pas oublier l'essentiel: mon ballon de foot. Il était absolument inconcevable pour moi de passer plus d'une journée sans taper dessus quelques fois. Après m'être assuré que le plus important était prêt, je m'occupai du maillot, de la serviette et du reste. Mes lunettes de soleil noires Deep Freeze de la marque Karen Walker sur le visage, je commençai à ressentir la chaleur estivale malgré la fraîcheur de Suwon. Pour la première fois depuis des lustres, je téléphonai au chauffeur privé de la famille afin qu'il me conduise jusqu'à l'aéroport. C'était plus pratique que de m'y rendre avec l'une de mes voitures et bien plus confortable que de poiroter pendant une éternité dans un taxi miteux qui puait la transpiration.

Une fois sur la piste de décollage où trônait le superbe jet privé de la famille Ko, je laissai les employés se charger de l'unique petite valise que je transportais avec moi et entrai rejoindre mon ami. « Alors là tu parles Man. » Mes yeux balayèrent l'endroit et j'hochai la tête d'un air satisfait. Le voyage serait définitivement plaisant. Je m'approchai de Man Nai, posant une main sur son épaule en la serrant légèrement pour lui signifier mon contentement. « T'as vraiment eu une bonne idée, j'en pouvais plus de Suwon. Une virée entre mecs, y'a que ça de vrai. Je suppose que t'as du champagne pour fêter ça? »