Il y a des matins comme aujourd'hui où Hiroji a envie de rien. Surtout de rien faire. C'est pas une question de flemme, non c'est bien plus profond. Le moindre petit geste se transforme en effort surhumain à réaliser. Il se recoucherait bien et tant pis pour le boulot mais même se recoucher alors que le réveil a été dur, ne lui donne pas envie. Il y a quelque chose qui va pas aujourd'hui. En fait non tout va bien, il sait que ce sentiment désagréable au fond de ses entrailles passera. C'est qu'une question de temps. Alors il se force. Il se force à se préparer, à sortir de chez lui, à aller bosser. Il a déjà perdu assez de temps, il accélère, peut être qu'être plus énergique le motivera. Ou pas. Dans sa tête c'est comme s'il y allait à reculons. Dans sa tête il prie pour un miracle. C'est con, t'es pas croyant, mais essaye toujours. Un petit tremblement de terre comme imprévu histoire de secouer la vie monotone des passants, ça tente personne ? Dommage. Un regard sur l'heure, trop accélérer c'est pas bon. Pas bon du tout, il risque d'arriver en avance, manquerait plus que ça. Vite un miracle ! Un coup d’œil autour de lui, à moitié chemin entre chez lui et la fac, miracle où es-tu ? Le brun s'arrête, soupire, râle, entend un coup de klaxon, râle encore, voit une voiture s'approcher, la vitre se baisse, finit de râler. Un visage connu, Perséphone ! Hiroji salue et s'avance vers la japonaise. « On bouge ? » Il sent qu'ils sont sur la même longueur d'onde.

Le réveil avait fait défaut aujourd’hui. Et bien sûr, ses colocataires ne devaient pas être là, puisque personne ne l’a réveillé. Personne ou presque. Une main se pose doucement sur la joue de la jeune femme et elle ouvre les yeux aussitôt. Elle ne sait plus dormir, elle somnole, alors un rien peut l’éveiller. Ses paupières bougèrent à plusieurs reprises avant de voir clairement le visage de Kazuya. « Je veux pas y aller aujourd’hui Kazu… » La jeune femme le fit s’allonger dans le lit un moment, avant qu’il ne la motive à se doucher et s’habiller. Ils n’étaient pas en retard, mais, sachant qu’elle ne voulait pas y aller, elle ferait tout pour qu’ils le soient. Revenant dans la chambre, en sous vêtements, elle regarda à nouveau son garde. Niant de la tête. Elle ne voulait vraiment pas y aller. « C’est nouveau ça.. » dit-il alors en pointant le tatouage de la jeune à sa cuisse. En plus de l’énorme scorpion qu’elle portait du sein à l’aine, elle s’était fait tatouer la cuisse. Le nom de son frère en caractères japonais était à présent inscrit sur la peau de Perséphone. Ce n’était pas fini, bien sûr que non, elle ferait un dragon avec, le symbole de son frère, qui entourerait son membre. « Je ne veux pas y aller… » répéta-t-elle simplement, attachant ses cheveux en chignon, enfilant un corset noir, un short noir aussi. Quand osera-t-elle enfiler de la couleur ?

Une fois dans la voiture, assise à l’arrière, elle regardait dehors à la recherche d’une échappatoire. Mais ce n’est qu’en regardant face à elle qu’elle en trouva une. « Suis la voiture de Hiroji. » lança-t-elle d’une voix ferme. Il appuya sur la pédale d’accélération, faisant signe à l’autre conducteur de se mettre sur le côté en klaxonnant. Baissant la vitre, elle sourit courtement au Japonais. « Exactement, laisse ta voiture. Monte. » Perséphone n’avait pas l’habitude de développer ses phrases. On pouvait penser qu’elle donnait que des ordres, mais ce n’était pas le cas, c’est juste, qu’elle n’aimait pas parler. Où pourraient-ils aller aujourd’hui ?

Perséphone, un des meilleurs miracles qui pouvaient arriver. Voir la japonaise c'est presque toujours signe d'imprévu. Et qui ne sait pas qu'Hiroji aime les imprévus ? Personne. Le brun  acquiesce d'un signe de la tête. Il gare sa voiture tant bien que mal. Mais plus bien que mal quand même, se serait dommage de pas la retrouver au retour. Puis il monte sans perdre de temps. Son envie de rien s'envole petit à petit. « Tu viens d'illuminer ma journée ! » Plaisante t-il, retrouvant petit à petit sa bonne humeur. Ne ressentant aucun remords à ne pas aller bosser mais surtout n'ayant aucunes craintes pour son poste. C'est bien le dernier à s'inquiéter d'un renvoi. Et puis depuis quand n'est-il pas parti à l'improviste ? Depuis bien trop longtemps et il est temps d'y remédier. La voiture se remet en route. Mais en route vers où ? Une idée traverse l'esprit d'Hiroji avant qu'une destination soit choisie. « Et si on roulait les yeux fermés ? Enfin façon de parler. On tourne si on veut tourner. On prends une sortie au hasard. On s'arrêter quand on en a envie. Et on voit dans quelle ville ça nous mène ? » Idée synonyme d'improvisation totale. « Partante ? » Demande t-il en japonais alors que la voiture s'approche d'une intersection.

« [color:75f1=ff3366]Je ne vois pas où voit-on de la lumière en moi pourtant. » Un faible sourire en guise de réponse, et le jeune japonais se retrouve assis à côté d’elle. Perséphone n’a pas beaucoup d’amis, c’est vrai. Elle est cette élève dont personne ne sait rien, mis à part qu’elle travaille au Lucky Luke, qu’elle a un garde personnel, donc qu’elle doit être quelqu’un de riche et influent, et qui ne parle que pour remettre agressivement les gens à leur place. Pourtant, elle l’appréciait Hiro, parce qu’avec lui elle trouvait une excuse de sortir de la ville, et qu’ainsi, elle découvrait un peu plus à chaque fois le pays dans lequel elle vivait. Elle le regarda droit dans les yeux lorsqu’il se mit à parler. Perséphone ne baissait jamais le regard, jamais. Son idée n’était pas mauvaise, et prenant une cigarette de son paquet, sans oublier d’en proposer à son invité, elle fixa alors le rétroviseur intérieur. « Kazuya, tiens toi à une vitesse… disons… correcte et suis nos indications, d’accord ? Et si l’envie de prendre l’initiative pour choisir une route te comble, alors, fais, d’accord ? » Elle recracha sa fumée. Les yeux de la jeune femme souriaient, même si ses lèvres refusaient le mouvement. « Entendu Ojô-sama. » Elle fronça le nez, Kazuya n’aurait pas dû dire ces mots devant Hiroji, lui il peut les comprendre, en comprendre le réel sens. Elle lui en parlerait en privé de ne plus répéter cette erreur, en attendant, elle priait pour que Kei ne pose pas de questions. « Qu’est-ce que tu fuis aujourd’hui Kei-kun ? »

Pourtant, pourtant il y en a de la lumière en elle. Peut être bien cachée, mais bien présente aussi, sinon il ne serait pas là. Il n'est pas simplement là pour fuir la ville, non il est aussi là parce qu'il sait d'avance qu'il va passer un bon moment. Il pourrait partir avec n'importe. Après tout partir une nouvelle fois avec la japonaise pourrait être signe de routine, mais non. Aujourd'hui il n'aurait pas pu mieux tomber, elle est de ces personnes qu'on découvre avec le temps. Découvrir le pays avec une personne à découvrir, sympa comme plan, non ? Hiroji l'observe quelques petites secondes, fait mine de chercher quelque chose sur elle. « Regarde mieux alors ! » Après cette remarque il se concentre sur la petite sortie improvisée et lâche la première idée qui lui traverse l'esprit. Quitte à improviser autant le faire jusqu'au bout. Content que l'idée plaise. Il attrape une cigarette, remercie d'un geste de la tête et l'allume. Tiens, les cigarettes aussi illuminent sa journée. Ojô-sama ? Intrigué, il reporte son attention sur la japonaise. C'est pas vraiment le genre d’appellation qu'on entend à chaque coin de rue. Pas de nature curieux il se contente de plaisanter. « Je crois que tu dois bien illuminer ses journées à lui aussi ! » Avec lui facile de changer de sujet. « Je me fuis pour mieux me retrouver ! » Hiro, elle sort d'où cette phrase compliquée ? Fuir celui qui récemment se perd un peu trop dans la monotonie pour retrouver celui qui nage dans l'adrénaline, serait une bonne interprétation. Puis il lui lance un regard interrogateur et toi ? Et fini par se re concentrer sur la route. Le brun met une main devant ses yeux pour ne pas voir la route. « Prochaine à gauche, encore à gauche et s'il y a un rond point tu choisis la sortie. » Ton amical, il ne veut pas imposer ses choix. Il baisse sa main de devant ses yeux et jette un coup d’œil par la fenêtre. « Oh je crois qu'on vient de quitter la ville ! » Dit-il à Persé, un sourire dessiné sur le visage.

J’aime l’enthousiasme de Hiro. J’aime cet optimisme qu’il me montre à chacune de ses escapades. J’aimerais être plus comme lui, plus apte à savourer chaque instant de ma vie. Un jour je réapprendrai à être comme ça, un jour je profiterai vraiment de chaque bouffée d’air que mes poumons reçoivent. Par chance, Hiroji ne posa aucune question quant au vocabulaire utilisé par Kazuya. « Ojô-sama » voulait littéralement dire « Princesse » en japonais. C’est d’ailleurs pour cela que Shûji m’appelle ainsi, et que Tao Jun l’a aussi adopté. Mais, seul Shûji, et forcément Kazuya, savent que j’en suis réellement une. Dans la tradition yakuza, la fille du chef de clan est appelée ainsi. Et en l’occurrence, je suis la fille, et l’unique héritière d’un des plus grands chefs de clan de Tokyo. Je repère un léger sourire, très léger, et très court s’afficher sur les lèvres de mon garde ; je lui tire l’oreille, et il fronce le nez, mécontent. « ne sois pas trop heureux mon Kazuya ! » dis-je alors, lui tirant la langue avant de me tourner vers le surveillant. « Tu as surveillé des étudiants en philosophie dernièrement ? » Finissant de fumer, j’écrase le mégot dans le cendrier de la voiture. Acquiesçant aux indications que Hiroki donnait, elle regarda par la fenêtre. « Je fuis les gens, j’aime pas les gens, enfin, je veux pas croiser des personnes que je serai tentée de casser en deux… » Plus ça allait, et plus je proclamais des ennemis dans cette école. Je ne suis pas foutue d’être sociable, je ne suis pas foutue de fermer ma gueule, alors, parce que Shûji le veut, je vais éviter, mais le seul moyen, c’est de ne pas m’y rendre. « Je commence à avoir faim, alors, j’espère qu’on trouvera quelque chose sur la route. »

Plus la voiture s'éloigne de la ville et plus Hiroji se sent revivre. Il s'y plaît bien ici pourtant mais ailleurs est peut être aussi plaisant. Peut être même plus ? Il ne sait pas ce que veut dire 'avoir des attaches', pas qu'il n'ait aucun lien sentimental avec personne bien au contraire. Mais pour lui si les amitiés sont faites pour durer alors elle dureront peut importe la distance. Le japonais observe Perséphone et Kazuya. Un discret sourire en coin se dessine sur ses lèvres face à cette complicité. « Attention c'est qu'il y a de grands esprits à surveiller. » Ironie non cachée dans la voix. « De la compassion ? » Côté franc et bagarreur qui refait surface. « Casser en deux ça a du bon parfois. » Pour reprendre ses mots. Un surveillant qui encourage les règlements de comptes, belle image non ? Atypique jusqu'à sa façon de faire son boulot. Le brun finit sa cigarette et donne à l'aveugle des indications sur la route à suivre. Ils ont enfin quitté la ville. A force de rouler elle commence à être loin dernière. Que ça fait du bien au moral rien que d'y penser, de pas passer à côté de sa liberté. « Trouver oui, faut juste croiser les doigts pour que tout soit pas fermé. » Tout Hiroji en une phrase. Mais faut pas y voir du pessimisme juste une expérience vécue. « On teste de s'arrêter à la prochaine ville ? » Un coup d’œil par la vitre, le paysage lui est totalement inconnu. « J'ai bien envie de me faire passer pour un touriste japonais qui sait pas aligner plus de trois mots en coréen. » Nostalgique de son pays ? Peut être, peut être pas.

Casser les gens en deux. Perséphone avait fait bien pire dans le passé. Par soif de vengeance ou juste parce que c’était une tache qui lui était assignée, elle était allée bien plus loin que casser littéralement quelqu’un en deux. La jeune femme, n’était même pas encore adulte dans son pays, que ses mains sont tâchées de sang. Heureusement que la police ne connaît le casier judiciaire de la jeune que vierge, autrement, elle ne serait pas en train de mener une vie paisible en Corée. Regardant par la fenêtre, Perséphone n’était pas très capable de reconnaître les lieux. Elle avait déjà quitté Suwon en voiture, mais plutôt pour aller vers Séoul, pas dans ces parages-là. « Kazu, fais en sorte de trouver où s’arrêter, j’ai vraiment faim… » Dit-elle d’une voix presque mignonne. Le garde acquiesça en souriant. Elle aurait peut-être dû manger avant de partir, elle aurait été moins capricieuse. L’idée de Hiro la fit rire. « Et bien moi je suis d’accord, en plus, je suis très douée pour faire la touriste. On devrait même faire semblant de connaître que quelques mots, et bien sûr, que des insultes, t’en dis quoi ? »

La faim c'est communicatif ? Non parce que parler de nourriture - enfin parler c'est vite dit - mais rien qu'évoquer le sujet donne faim au japonais. Faut dire qu'il à la mauvaise habitude d'oublier de manger. Oui oublier parce qu'il est trop occupé, toujours à faire quelque chose, toujours à remettre ses repas à plus tard. Comme ce matin. Convaincu d'être plus en retard qu'en retard il n'a rien avalé, se disant qu'il aurait tout son temps à la fac. A la fac ouais ! Sauf qu'il se retrouve avec Perséphone direction … direction inconnue. Nouveau sourire et nouvelle idée. La réponse de la japonaise le fait rire à son tour. Il s'imagine la scène … et c'est tout ce qu'il y a éviter pour ne pas foncer tête baissée dans un mur de problèmes. D'ailleurs vaut mieux pas que Se Ra en entende parler sinon ce mini roadtrip risque d'être le dernier pour le japonais qui n'en sortira pas vivant. « J'en dis que t'as intérêt à bien choisir tes insultes. » Clin d’œil, tout le monde le sait, Hiroji + insultes + mauvais regards = des coups qui volent sans réfléchir. « Et j'en dis aussi que je vais faire semblant de connaître les mots les plus inutiles au monde. » Les premiers mots qu'on apprend dans une langue, ceux qui nous rendent fiers jusqu'à ce qu'ils nous fassent nous sentir con parce que leur pourcentage d'utilité est plus proche de 0 que de 100. Regard malicieux. « D'autres idées? C'est le moment où jamais. » avant qu'ils se s'arrêtent.