Dix minutes que j’attendais le bus et je ne supportais déjà plus. Je soupirais une énième fois, la chaleur me tapant sur le crâne, alors que j’étais certaine que tout le monde avait déjà perçu mon agacement depuis bien longtemps. Je revenais de mon entraînement de danse, mon sac de sport à la main et ma seule envie était de me pavaner dans le canapé ou le lit de Sang après une bonne douche. Je me maudissais de ne pas avoir mon permis et une voiture, j’attendais simplement d’avoir l’argent pour me les payer. J’allais de nouveau soupirer quand le bus daigna enfin arriver. Je pris rapidement place au fond pour être tranquille, détestant les transports en commun, je prenais la meilleure place lorsqu’elle était libre. Mes écouteurs aux oreilles et mon téléphone sonna, le nom de Sang s’affichant à l’écran. Il n’était pas encore rentrer, je devais alors l’attendre sagement chez lui.

Pas plus de vingt minutes et j’étais devant l’immeuble pour y taper le digicode que Sang m’avait donné aux préalables. Entrant dans le bâtiment, je ne pris pas la peine de prendre les escaliers, mes jambes refusaient de faire un effort quelconque, surtout pour aller au dernier étage. Arrivée devant la porte, je priai pour qu’il y ait quelqu’un à l’intérieur et que je ne me retrouve pas comme une demeurée à attendre que mon ami arrive. Je sonnai alors, soufflant de soulagement quand je vis Han Sol m’ouvrir. Je m’inclinai poliment, passant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille tout en lui souriant. A présent, il savait pourquoi je venais, c’était presque ma deuxième maison ici, alors il me lassa passer et retourna à ses occupations après m’avoir saluée. Je ne connaissais pas beaucoup Han Sol, nous ne parlions pas si souvent mais je pense qu’il a vite pris l’habitude de me voir dans les parages. Je venais très souvent, pour ne pas dire tout le temps car je n’aimais pas tant rester dans mon appartement, seule. D’ailleurs, je devais sérieusement penser à trouver un colocataire car la solitude et moi n’étions pas grandes amies.

Mes baskets posées dans l’entrée, je refermais la porte derrière moi avant de me diriger à l’étage, posant mes affaires dans la chambre de Sang. La sueur et la chaleur me collant à la peau, il fallait absolument que je prenne une douche. Sans plus attendre, je filai dans la salle de bain, prenant soin de fermer la porte avant de me déshabiller et de me glisser dans la cabine de douche. Cela faisait tellement de bien après de longues heures de sport. Je me délectais de chaque goutte sur mon corps et passai peut-être un peu trop de temps, ne m’étant pas aperçu des minutes qui passaient. J’étais si bien sous l’eau.

Je les déteste ces enfoirés. Tous excités comme des puces, résultat, nous voici à monter et descendre la barre. Bin oui, à force de faire les cons et prendre ladite barre pour une pole dance, le chef a pété un plomb. J’ai mal aux bras, je n’en peux plus. J’ai rien fait moi, pourquoi doit-on manger punition collective ? La prochaine fois, je les rate pas, je leur ferai payer, je commence à en avoir ras-le-bol de prendre à la place des autres. En plus de ça, je suis le seul à être anatomiquement différent ici… Et certains le savent. Même si je fais les mêmes performances qu’eux, ils ne peuvent s’empêcher de me tanner. Personne n’ouvre sa gueule, sinon, je crois que je descends réellement quelqu’un. Le chef nous libère. Je me laisse alors glisser jusqu’en bas, alors que je m’apprêtais à remonter la foutue barre. Je vais emprunter les escaliers pour atteindre les vestiaires ha…

Sac sur l’épaule, je regarde mes messages. Je souris, je sais même pas pourquoi Nam Soo se fait chier à me prévenir qu’elle va passer chez moi, que je lui dise oui ou non, elle va passer quand même. Demander à Hana si je peux faire un double des clés pour elle serait peut-être pas une mauvaise idée dans le fond. Je lui réponds que je ne suis pas encore rentré, et puis, j’en ai pour environ une demie heure à rentrer là. Je dois passer faire quelques courses. Je déteste quand c’est à moi de les faire.


Après avoir garé la voiture, je rentrer avec peine dans l’appartement. Je n’ai plus de bras, et pourtant je suis chargé comme une mule. « Gros, j’ai acheté tes putain de céréales, mange plus les miennes ! » lançai-je à l’attention de Hansol. Je range les courses, et monte les escaliers. Je rêve d’une douche, et de m’effondrer dans mon lit. Je vais demander à Nam de me masser les bras tiens, parce que sans déconner, j’ai l’impression qu’ils sont en gélatine dans l’immédiat. Je pousse la porte de ma chambre et vois les affaires de mon petit trésor. J’entends aussi l’eau couler dans la salle de bains. Un grognement m’échappe et je vais taper contre la porte de ladite pièce. « Magne toi ! » Je hais me sentir poisseux comme ça. En attendant, je m’occupe et range mon uniforme dans le panier de linge sale. Oui, je sais, je suis pas le meilleur exemple, un pompier qui fume ? Et bien ça arrive, je suis pas un grand fumeur, mais pour se calmer ce n’est pas une mauvaise solution. Assis sur le bord de ma fenêtre, je profite d’une très légère brise. J’ai le corps en compote putain.

La tête renversée en arrière, laissant l’eau couler sur mon visage, je somnolais presque debout. Les yeux fermés, j’avais envie que le temps s’arrête et que je reste comme ça pour toujours tant je me sentais détendue mais ça, ce fut  avant qu’un bourrin vienne frapper à la porte. En somme, je faillis glisser et me retrouver sur le cul après avoir sursauté. Je devais être restée assez longtemps pour que Sang rentre. Je soupirai donc doucement et me lavai rapidement, sortant de la douche pour ne pas me faire gronder davantage. Un petit essorage de cheveux avec la serviette et j’en enroulai une deuxième autour de ma poitrine. Mes affaires restées dans la chambre, je devais alors sortir pour me changer. Qu’elle est douée la fille. Je sortis donc de la salle d’eau avant de me diriger vers l’autre pièce, là où je trouvai mon ami près de la fenêtre, cigarette à la main. Je n’appréciais pas tant l’odeur mais je m’abstins de faire une remarque, pour une fois. Arrivant près de lui, je lui offris un baiser sur la joue, les lèvres encore mouillées, tout en souriant innocemment. « la salle de bain est toute à toi. » Je n’aimais pas faire attendre les gens alors j’avais essayé tant bien que mal de me dépêcher pour qu’il puisse prendre ma place. Je savais qu’il rentrait de la caserne et du coup, je connaissais aussi cette sensation que l’on éprouvait de se sentir sale, l’ayant vécu quelques minutes auparavant.

Sans plus attendre, je vins prendre mon sac pour le poser sur le lit, l’ouvrant afin d’y sortir mes vêtements propres. Enfilant mes sous-vêtements, je me changeai devant Sang, n’ayant plus la moindre pudeur ou le moindre complexe face à lui. C’était devenu comme naturel et bien que son regard soit important pour moi, je n’avais aucune gêne quant à me dénuder à ses côtés. La serviette humide posée sur le lit, j’enfilai un long t-shirt noir qui m’arrivait quasi aux genoux et m’étalai telle une grosse crêpe sur le lit de Sang. Mes cheveux étaient trempés mais je n’avais pas la force ni l’envie de m’occuper de ma coiffure tant j’étais lessivée. De là où j’étais, je regardais Sang, la joue éclatée sur la couverture. Plus envie de bouger, plus du tout, mais je continuais de le suivre du regard, comme s’il n’y avait rien autour. C’était étrange tout de même. Sang était une femme physiquement et pourtant, jamais je n’aurais pu le considérer comme tel. Outre son style garçon manqué, ses cheveux courts et tout ce qui le reliait à un homme, en fait. Notre relation était certainement trop particulière… je n’en sais rien. Je me posais peut-être aussi trop de questions. Il n’empêche que cela restait une énigme pour moi. Je me demandais même si, physiquement, Sang avait été féminin, si je l’aurais considéré comme telle. Même comme un homme, à vrai dire. Je veux dire, bien que j’utilise « il » en parlant de lui, Sang était finalement juste quelqu’un d’à part.

Il fait bon, mais, la flemme s’est emparée de moi. Je ne sortirai plus aujourd’hui. Je vais faire le mort, je vais faire la larve dans mon lit, et éventuellement lire le nouveau tome de mon manga. Oui, l’étagère de ma chambre remplie de mangas est mon petit trésor. Mais, n’allez pas penser que je suis fan de One Piece ou Naruto. Moi je fais plus dans le Seinen, et j’assume. J’ai mal aux bras putain, mais genre, pour de vrai, pour de bon. Je tourne la tête lorsque je sens les lèvres fraîches de Nam Soo se poser sur ma peau. Rien que ça, ça fait un putain de bien. Moi aussi je veux me sentir tout propre et pouvoir me laisser mourir entre les draps. Me retournant, jambes à l’intérieur de la pièce, je continue de fumer en la regardant. « T’as fait quoi aujourd’hui avant d’atterrir chez moi ? »

Je passe une main dans ses cheveux en bataille, la regardant s’habiller. Seigneur, dieu a été généreux le jour où on a conçu Nam Soo. Et je n’ai aucune honte de le penser ou le dire. Mes yeux détaillent ce corps que je connais pourtant si bien. Ah, après l’effort, le réconfort non ? Les courbes de Nam Soo sont magnifiques, et je suppose que toutes les heures de danse qu’elle se prend dans la gueule doivent beaucoup aider. Quoi qu’il en soit, j’écrase ma cigarette dans le cendrier et prends des vêtements de change dans mon placard. « T’endors pas, je reviens. »

L’eau fraîche sur mon corps me détend. Et comme toujours, je ne le regarde pas en me lavant. Jamais. Je n’aime pas le corps dans lequel je suis coincé. Je l’accepte, mais je ne l’aime pas. Est-ce qu’il n’y a que moi dans cette situation dans le coin ? Suis-je si anormal que ça ? Me regardant dans le miroir une fois mon corps à nouveau recouvert par les vêtements, j’inspecte mes cheveux. Je devrais les teindre en rouge ou les garder blonds ? M’essorant la tête avec une serviette, revenant dans la chambre, je ferme derrière moi. En bas j’ai pu entendre Hansol s’extasier devant jenesaisquoi à la télévision.

Je m’assois sur le lit, en tailleur, regardant Nam Soo le sourire aux lèvres. « Je t’ai dit de ne pas t’endormir ! »

Je luttais pour lever les bras pour de me changer. L’entraînement d’aujourd’hui n’a pas été des plus doux pour mon corps. Je me sentais certes bien et saine d’esprit mais mes muscles en faisaient les frais. Je ne voulais même pas penser aux courbatures du lendemain. Je pris alors ma bouteille d’eau dans mon sac pour en boire de longues gorgées, il valait mieux prévenir que guérir, n’est-ce pas ? Après l’avoir remise à sa place, je tournais mon attention sur Sang, haussant les épaules. « Ce matin, je suis allée en cours, j’ai bossé à midi car il fallait que je rattrape mon retard et ensuite, je suis allée à la salle de danse. » La fin sonnait comme une évidence, le reste était une simple routine, les cours, les cours et encore les cours. Il ne fallait pas s’attendre à une vie trépidante. Bien que, ces temps-ci, je séchais pas mal afin de privilégier mon temps à la danse.

Le regard à présent fixé sur mon interlocuteur et vide de sens, mes paupières se faisaient doucement lourdes mais je n’avais aucune envie de m’endormir. Sang ne devait sûrement pas être mieux que moi. J’imaginais à quel point cela devait être dur de porter cet uniforme presque tous les jours et de s’entraîner avec ou de faire certaines interventions.  Je ne savais pas comment il faisait mais, en tout cas, cette tenue lui allait bien, le fantasme de l’uniforme n’était peut-être pas qu’un mythe… quoi qu’il en soit, ce fut presque un effort surhumain pour ouvrir la bouche et répondre alors il allait se contenter d’un « mmmh » approximatif.

Le temps que Sang parte se doucher, je laissais cette légère brise se promener dans la pièce. Cela faisait un bien fou et me détendait encore plus que je ne pouvais l’être. Je roulai sur le matelas pour me retrouver sur le dos, les mains enlacées sur mon ventre. Je regardais sans grande conviction le plafond. Je pensais à tout et, en même temps, à rien. Tout était vague dans mon esprit et j’attendais simplement que mon ami revienne. Je pouvais entendre l’eau couler d’ici. Mon corps demandait un moment de répit et mes yeux se rouvrirent au son de sa voix. Je ne me rappelais même pas les avoir fermés. Je ris doucement à sa remarque et m’assis en tailleur sur le lit, regardant Sang avec un léger sourire aux lèvres. « et toi, ta journée ? elle s'est bien passée ? » Sans attendre sa réponse, je vins me glisser contre lui, quémandant une étreinte tandis que l’odeur de son gel douche vint me chatouiller le nez. J’aimais m’enivrer de son odeur. C’était con, non ? Mais j’adorais son odeur. Tout comme j’adorais chaque chose chez lui.