tenue + casquette ▬ Botafogo. Le quartier du shopping à mes yeux. Et c’est là que j’avais envie d’aller. Je ne peux pas traîner sur les plages sans prendre le risque de brûler sur place, alors, autant aller là où il y a de la vie. Dur à croire que ce genre d’environnement me plait lorsque l’on sait que j’ai du mal à sympathiser avec les gens en général. Mais je ne peux plus rester dans l’hôtel, il faut que j’en bouge, que j’en profite, que je m’éloigne de ma putain de chambre aussi, ou je vais littéralement devenir folle. Le message de Jin Hyun m'a donné l'idée de bouger. Il nous le faut.

Citation :

Oppa, tu me rejoins dans le hall ? Je te propose d’aller à Botafogo, d’après mon téléphone ce n’est pas loin, et j’ai envie de prendre des photos ! Et puis comme ça, tu me racontes ce qu'il se passe, même si, je sais déjà...

Une boisson dans la main, mon appareil photo accroché à mon épaule, et mon sac en bandoulière sur l’autre épaule, j’attends tranquillement. Il paraît que les vols sont courant dans la ville, alors, je prends des précautions : une petite bridée comme moi ne doit pas se balader seule. Certes, je n’ai pas spécialement peur de ce qui pourrait m’arriver, mais je n’ai pas non plus envie de filer toute seule. Je commence à apprendre que partager des moments avec autrui, c’est bénéfique pour soi. Et puis, au vu de ce qu’Areum m’a dit, je suppose que ça fera du bien à Jin Hyun de m’accompagner. Il a promis d’être mon modèle en plus ; de quoi alimenter ma bibliothèque de clichés. Je finis mon jus, et rend le verre à un employé passant par là. Je trépigne d’impatience, je veux sortir, je veux bouger, j’ai besoin de me dépenser. Alors mon sourire se fait grand quand j’aperçois enfin mon ami arriver. Ai-je bien mis ma protection solaire dans mon sac ? Ah oui, c’est bon, on peut y aller.

Je roule des yeux à sa remarque et fais claquer ma langue. « Il faut bien que quelqu’un fasse genre d’apprécier le cadre. Et puis, oui, je suis de bonne humeur maintenant que tu es là. » Ce qui est terriblement vrai. J’ignore où est passée Areum, mais, il serait possible qu’elle soit en train de tuer de la violette à l’étage. J’imagine l’état du cerveau à Jin Hyun présentement. La troisième guerre mondiale doit y avoir commencé. Finalement, je n’ai pas tant à me plaindre de ma chambre je pense.

Nullement le temps d’approuver sa proposition, que ses doigts se sont fermés autour de mon poignet. Je dois faire trois pas pour chaque pas qu’il fait. On ne prend pas assez de considération pour les petites femmes asiatiques en talons je trouve, encore moins mes amis. Ils sont tous grands, ils sont tous trop grands. Une fois hors de l’hôtel, ayant déjà avancé bien plus loin de l’entrée de celui-ci, je prends le temps de l’arrêter pour remettre la bride de ma sandale compensée correctement. « Dix heures… j’espère que le soleil ne me brûlera pas dans ce cas… » Je relève la tête, et j’adore l’expression qu’il affiche. Frustré, énervé, déboussolé. J’attrape rapidement mon appareil photo entre mes mains, le réveillant de sa mise en veille et immortalise ce que je vois. Satisfaite, je regarde le cliché à l’écran numérique. « Je te propose d’aller dans le quartier de Botafogo… C’pas loin en métro… » je remets l’appareil en veille et lui souris doucement. « C’est le quartier commercial de Rio… Ça nous changera les idées ? »

Une fois ma sandale en place, je fronce le nez. « Oppa, il n’y a pas que toi qui cherche à fuir ce qu’il se passe dans l’hôtel tu sais… » trop de choses. Trop de choses traversent mon esprit et ma pensée. Trop de choses peuvent se passer dans ce putain d’hôtel, dans cette putain de chambre. Je n’y suis pas à l’aise, je n’y suis pas tranquille, et aussi dur que cela puisse sembler pour mes lèvres de le prononcer : Kazuya me manque là. « Je serai capable de dormir sur la plage si je n’avais pas peur de ce qu’il pourrait m’arriver… » au lieu de dormir dans l’hôtel.

Alors qu’il passe son bras autour de mes épaules, je souris un peu plus, je me sens toute petite même en talons. Accrochant bien mon appareil photo sur mon épaule, je tends le bras pour pointer le bout de la rue. « Le métro est par là selon le plan… Et habitue toi au flash, parce que tu risques de le voir souvent. » Je tire la langue, il serait mon modèle. Je préfère photographier des gens de mon entourage plutôt que des inconnus. Je préfère photographier des gens, plutôt que la ville et cette nature morte. Regardant autour de moi, je peux apercevoir beaucoup de personnes à peau foncée, beaucoup d’homme à peau foncée. Lentement, je commence à angoisser et m’appuie un peu plus à Jin Hyun. De base je n’aime pas le métro, mais maintenant que nous descendons dans la bouche de celui-ci, je commence à appréhender. Et si je suis en contact avec des gens à la peau noire ? Oui… Je suis quelque peu raciste… mais j’ai mes raisons aussi.

« Je pense que tu sais déjà mais… lancer des piques est parfois.. beaucoup plus simple que dire ce que l’on pense réellement.. Areum, tu pourrais pas trouver un autre moyen d’attirer l’attention, sérieusement ? Je l’aime, mais je crois qu’elle me désespère autant que je dois la désespérer parfois. Enfin, qui aime bien châtie bien non ? « Je plaide coupable à non respect de cette règle cela dit ! » Je pouffe et laisse tomber cette remarque là. Je peux passer autant de temps qu’il me laissera avec lui. Il n’a toujours pas compris que je suis du genre à profiter chaque moment avec mes amis ?

Inconsciemment mes doigts se ferment autour du t-shirt à Jin Hyun. Je croyais que je vivais mieux d’être parmi la foule. Mais c’est vrai qu’à Suwon, et même à Tokyo, j’évite de prendre les transports en commun, parce que je n’aime pas être en présence de tant de monde. Ça m’angoisse, et de savoir en plus qu’il y a tant de personnes de couleur ici, ça ne me rassure pas davantage. Dans mes souvenirs, ces personnes là ne m’ont pas fait du bien. Dans mes souvenirs, la foule est l’équivalent de la douleur. On aurait peut-être dû appeler un taxi en fin de comptes.. Ça sert à rien que je tente de vaincre mes angoisses si c’est pour finir de la sorte. Je gardais les yeux fermés. Fort. Me concentrant sur autre chose pour tenter d’oublier tous ces gens dans la rame. Tellement, je ne me suis pas aperçu que Jin me tient contre lui. C’est sa voix qui me tire de mes songes. Comme une enfant, je me presse contre lui, gardant mon front contre son épaule. « je crois que je suis légèrement… ochlophobe… enfin.. ça m’oppresse tous ces gens… dans trois arrêts… fais nous sortir vite d’ici… » Au retour, ce sera le taxi, en faisant bien attention à ne pas se faire arnaquer, ou pire, kidnapper, ce qui est commun dans le pays…

Ça va aller… Oui ça finit toujours par aller. Une fois que c’est fini. Mais un jour il faudra bien que je fasse face à mes peurs et que les vainque. Surtout si cela m’empêche de me déplacer en ville. Pour le moment j’ai une voiture, et même un chauffeur, mais, comme ici, où Kazuya n’est pas là, je me mets à paniquer bêtement. Et si je me retrouve seule, je fais comment pour me déplacer ? Serrée contre Jin Hyun, j’arrive cependant à me centrer sur la respiration du jeune homme plutôt que sur toutes celles qui nous entourent. Ça me maintient occupée, ça me focalise sur quelque chose d’apaisant. Sa main dans mes cheveux me détend. On y est presque, alors, ça va aller Perséphone…

Je serre mon sac et mon appareil photo contre moi en sortant de la rame, pratiquement collée au pauvre Jin Hyun qui se démène pour nous sortir du sous sol de la ville. De l’air, de l’espace, de la place. Je me sens mieux, je respire plus aisément, je me calme enfin. Je ne peux m’empêcher de mordiller l’intérieur de ma lèvre, me sentant bête d’avoir fait subir ça à Jin… Elle ouvre grand les yeux quand le jeune homme bloque son visage, et fronce le nez en le regardant, hochant simplement la tête en signe de réponse. Oui, c’est passé. Et puis, je tente un sourire. « Tu risques de mourir à me porter sur ton dos… on appellera un taxi, ne ? » Regardant autour, je me rends compte que les quartiers à Rio sont étranges. Soit très pauvres, soit très riches. En l’occurrence, riche. On dirait un bout de métropole tombé directement du ciel sur la plage. C’est bizarre pour moi. Cela dit, c’était un quartier vivant, beaucoup de touristes se trimballaient des sacs, ayant trouvé leur bonheur dans les rues encore inconnues pour nous. « Je dirais… que le centre commercial est par là bas… regarde le gamin ! » Je pointe alors un petit garçon, il ne doit avoir pas plus de cinq ans, et pourtant, le voilà entouré de touristes émerveillés, jonglant avec son ballon de football comme si c’était la chose la plus normale au monde.